On le sait tous à présent, Mass Effect 3 débute avec un commandant Shepard qui a révélé sa nature reptilienne et remplacé son vaisseau le Normandy par une paire de patins à roulettes cosmiques à propulsion V12 (ce qui ne veut pas dire pour autant qu'on ne jouera pas avec, mais je vous laisse découvrir par quelle entremise). Cette introduction coup de poing et... Le coup était trop évident pour que vous ayez le temps de sortir torches et fourches ? Ou alors vous ne lisiez cette intro que d'un oeil distrait, trop occupés que vous êtes à défoncer Mass Effect 3 sur Metacritic ? Quoiqu'il en soit, si ce troisième épisode de Mass Effect apprend bien une chose les gars, c'est que l'Humanité ferait bien de se serrer les coudes et le reste, car le jour où comme dans le futur inventé par les Canadiens de BioWare, les Moissonneurs décideront de venir danser la farandole sur Londres, Paris, Kuala Lumpur et le reste de la planète bleue, aucun "spoil" ne viendra vous gâcher quoique ce soit, car la fin de l'histoire, on la connaîtra déjà. Réfléchissez-y d'ici le 21 décembre, hein.

May the Krogans be with you

Le troisième acte de Mass Effect, celui du dénouement, présente donc une galaxie en guerre, dans laquelle Shepard devra jouer les entremetteurs, les diplomates, les chefs de guerre. Le commandant humain (pour lequel vous déterminez classe, apparence et sexe et qui pourra être celui de votre précédente aventure avec votre sauvegarde de Mass Effect 2) va en effet devoir jouer les pâtres intersidérales afin de rassembler toutes les bonnes ouailles de l'univers, prêtes à faire front commun face à la mystérieuse et dévastatrice puissance des Moissonneurs, et accessoirement, à sauver la Terre. Si on n'échappe pas à quelques scènes maladroitement mélodramatiques (la scène avec l'enfant, dispo dans la démo, par exemple), force est de reconnaître que la tension d'un univers en guerre est bien palpable, bien retranscrite, que ce soit lors des phases d'action où l'on s'aperçoit que BioWare n'a pas chômé pour nous permettre d'admirer un vaisseau Moissonneur gros comme la Tour Eiffel raser les bases alliés à proximité du champ de bataille, ou à travers des réunions, des pourparlers, des ruses et des stratégies politiques à appliquer, qui donnent un air de conférence de Yalta aux rencontres entre les généraux des différentes espèces que le joueur devra organiser. Et puis comme à toute guerre ses tragédies, Mass Effect 3 livre quelques moments vraiment émouvants, tristes, lors de batailles épiques ou dans des situations plus intimes. Des drames qui outre l'émotion qu'ils susciteront chez le joueur, lui donneront aussi l'envie de refaire le jeu une deuxième fois, histoire de voir si un autre chemin de choix amènera un dénouement plus clément.

Choisir une voie, l'acter

Car on oublie trop souvent de le rappeler à force de mettre à tout prix en exergue le fait que Mass Effect n'a cessé de "muscler" son jeu au fil des épisodes, cette trilogie est un RPG comme il en existe peu, avec un univers presque aussi foisonnant que celui inventé alors par George Lucas (et dont il s'inspire énormément, forcément) et aborde des thématiques aussi riches (et souvent sensibles donc passionnantes) que l'eugénisme, l'ingérence politique, la frontière ténue entre vie artificielle et vie biologique, etc. Et dans tous les cas, c'est au joueur de faire son choix. Enfin ça, c'est dans le principe, car Mass Effect 3 laisse le choix du genre au joueur : en mode "Action", les combats seront intenses, les phases de dialogues de simples cinématiques, en mode "RPG", le système de jeu est le même que dans les précédents épisodes, et dans le mode "Histoire", les combats seront une formalité, la narration prenant le pas sur le reste. Rappelons quand même que ne pas s'impliquer dans l'intrigue de Mass Effect 3, c'est un peu comme virer le Nutella d'une crêpe au Nutella : ça n'a pas de sens (comme cette phrase). Si l'aventure est relativement accessible à ceux qui voudraient s'embarquer à bord du Normandy pour la toute première fois, ceux qui ont déjà eu leur lot de rencontres, d'amourettes, d'amitié et d'inimités dans les épisodes précédents bénéficieront, outre leur faculté à reconnaître un ancien allié, un ex-amant au premier regard, d'une aventure, qui si elle n'est pas pile sur-mesure, est assez personnelle pour qu'on s'y sente bien, surtout lorsqu'on s'est échiné à faire en sorte que tout tourne à peu près rond pour l'équipage depuis l'épisode dernier.

Shepard shot first

Richesse de son univers, poids des choix qu'il impose à ses joueurs, Mass Effect 3 embarque sans mal dans son histoire, servie également par des phases de TPS qui ont été retouchées dans ce troisième volet. Lorgnant du côté de Gears of War, le mètre-étalon et donc plus largement du TPS moderne, Mass Effect 3 offre à Shepard la possibilité de sauter lorsque deux plates-formes sont un peu trop éloignées, de se faufiler d'une planque à une autre en pleine fusillade, avec ou sans roulade, et même de se battre au corps à corps, façon gros pain biotique dans la tronche des méchants. Des ennemis qui dans ce raffinage de batailles de planqués, ont gagné en férocité et en malice. Ainsi, l'action de Mass Effect 3 s'étoffe, propose une belle intensité, est vite appréhendée, mais reste néanmoins le point faible du titre. Attention, les phases de TPS ne sont en rien rédhibitoires, elles sont très prenantes, mais on reste quand même un cran en dessous de Gears of War ou du récent Binary Domain, Shepard souffrant d'une certaine rigidité, peut-être accentuée par des animations toujours pas au top. Le système de couverture contextuelle réserve quelques ratés avec un flan que vous livrerez sans le vouloir aux balles de l'ennemi, ou encore des zones de tous petits dénivelés que vous ne pourrez pas monter, faute de ne pas être exactement sur le chemin déjà tracé de votre progression dans le niveau.

N7 mercenaires

Si la manière de jouer se devait d'évoluer dans ce Mass Effect 3, c'est bien entendu aussi car cet épisode propose pour la première fois du multi. On y choisit son espèce, sa classe, ses armes et c'est parti pour du mode "Hordes", à vagues successives, en coopératif. On est donc dans du très classique, efficace, la seule subtilité étant que les parties multi ont un impact sur la préparation des forces en place aux quatre coins de la galaxie dans le mode solo. Dans le multi, trois pouvoirs sont attribués aux joueurs selon sa classe, son espèce, et deux armes, de son choix. La gestion des armes dans Mass Effect 3 est d'ailleurs, et c'est tant mieux, un peu plus complexe. Pas question de partir au front avec un arsenal de six armes, plus vous êtes lourd, plus vos pouvoirs mettent du temps à se recharger une fois utilisé. Il faudra donc trouver le bon équilibre entre pétoires et utilisation des pouvoirs. Pour ça, votre armement pourra être amélioré, modifié, grâce à certaines pièces à ajouter à chaque arme, afin de l'alléger, de lui donner une plus grande capacité en cartouches, etc. Les pouvoirs qui s'obtiennent toujours avec des points d'expérience se découpent en deux branches à partir d'un certain niveau. Les arbres de compétences ne ressemblent pas encore aux constellations de Skyrim mais c'est bien suffisant pour cette aventure dans les étoiles. Enfin, sachez qu'il sera directement possible de se procurer des armes depuis le Normandy, pour peu que vous ayez visité les magasins affiliés sur la Citadelle, la vaste zone citadine que vous serez amené à visiter.

La der' des étoiles

Ce genre de raccourci bienvenu reflète un rythme plus soutenu voulu par BioWare pour cet épisode final. Tant dans le déroulement des missions, que dans la navigation spatiale, où un sonar et un jeu de chat avec les Moissonneurs remplacent le largage des sondes quand même bien fastidieux du deuxième épisode, ce Mass Effect 3 possède un liant général plus fluide, ne serait-ce que dans ses écrans de chargements, un peu moins longs (on pense aux déplacements dans le Normandy) et mieux intégrés dans les situations. Cependant, certains problèmes d'ordre technique persistent toujours, particulièrement dans la version PS3, où certains personnages disparaissent de courts instants pendant les conversations, où le framerate dégringole par moment et où le tearing se laisse apercevoir ici et là. Outre ces quelques bugs, la qualité graphique du titre reste de bonne facture, avec certains panoramas à observer, certaines ruines à explorer, lors de diverses missions, vraiment sublimes. Car de toute façon la direction artistique, elle, ne faillit pas. Les joueurs ne jurant que par la VO seront avertis que la version Xbox 360, de par la faible capacité du format de ses disques (en comparaison des Blu-ray Sony) ne dispose que de la piste sonore française. Les gens comme RaHaN ne pourront donc pas apprécier le jeu avec Kinect, qui s'utilise de manière anecdotique mais efficace et sympa avec Mass Effect 3. La caméra magique sert à donner des ordres à la voix à ses coéquipiers ou à dialoguer en répétant les phases proposées. Il est toujours appréciable de faire utiliser à Liara ses capacités biotiques seulement en prononçant le nom de son attaque et son prénom ou de changer d'arme d'une simple injonction. Ça fonctionne, on s'y croirait.

Mission réussie pour les équipes de BioWare, c'est bien sur un coup d'éclat que les Canadiens termineront leur trilogie célesto-cosmique. Dans un univers toujours aussi fabuleux mais cette fois en guerre, c'est une histoire à la fois épique et émouvante que propose Mass Effect 3, entre choix moraux décisifs pour l'ensemble de la galaxie et combats acharnés et spectaculaires. Si finalement les améliorations des phases de combats ne sont pas tout à fait convaincantes non plus, que la technique est parfois un peu défaillante et que le multi se révèle anecdotique, ce Mass Effect 3 constitue le grand final que l'on espérait pour conclure une trilogie qui a définitivement obtenu ses lettres de noblesse et fait partie de ces indispensables auxquels il faut avoir joué.