Bienvenue dans le futur ! J'espère que vous savez nager. Rassurez-vous, sur le planisphère présenté par Blue Byte durant l'écran d'intro d'Anno 2070, il reste encore pas mal de terre au dessus du niveau de l'océan, mais comme le veut la tradition (et le gameplay) de cette série, on jouera sur des îles, dont certaines seront sous-marines. C'est géopolitiquement que notre monde est bouleversé, puisqu'il semble être à présent dirigé par trois factions majeures : les industrieux Tycoons, les écologiques Ecos et les scientifiques de SAAT. C'est à ces derniers que vous devez votre Arche, sorte de base flottante / sous marine. Votre but : coloniser tout ce qui peut être colonisé. Rafler toutes les ressources encore disponibles. Répondre à tous les besoins de votre population. Ah, si vous vouliez de l'écologie via le changement des mentalités, c'est raté.

Trop moralisateur pour être drôle

La science sauvera-t-elle l'humanité de la catastrophe ? J'en doute fortement, mais les gars de Blue Byte ont l'air de croire qu'on peut répondre à tous les problèmes avec le bon gadget technologique. Rien ne vaut une grosse caricature quand on n'a rien d'intelligent à dire sur le sujet. Ainsi la population scientifique de SAAT n'est qu'un ramassis de gros nerds dirigés par une IA qui finit par péter les plombs à cause d'un virus (la campagne solo est niaise au possible). Les Ecos sont des bobos intellectuels gentils et cultivés ; et très ennuyeux. Jouer Eco, c'est comme regarder Arte non-stop en bouffant des steaks de soja. Je vous laisse essayer. Quant aux méchants Tycoon, ils ne pensent qu'au profit, boivent de l'alcool et vont au casino, tout en avalant la propagande du ministère de la vérité. Ça le rend tout de suite plus sympathique que les autres. Je ne sais pas trop si le message de Blue Byte, c'était « pillez la planète et prenez du bon temps, parce que de toute façon, la Terre se sentira bien mieux quand on se sera autoéradiqué », mais dans cette optique, c'est réussi.

Consommation effrénée

Passons sur ce traitement complètement foiré de l'écologie anticipative pour nous intéresser au gameplay d'Anno 2070, qui ne bouge pas beaucoup non plus. Le principe est toujours le même : la carte comporte plusieurs îles, chacune proposant ou non diverses ressources pour l'installation de colonies. Vous établissez votre première ville et construisez des maisons pour le premier tiers de la population : les ouvriers de votre faction. Ceux-ci développent alors des besoins (nourriture, boisson, activité, etc.). En y répondant, vous les ferez progresser vers la classe suivante, ce qui provoque l'apparition de nouveaux besoins. Rapidement, votre île se couvre de bâtiments en tout genre dont il faut assurer l'apport en énergie : habitations, exploitations, productions. Très vite, il s'avère nécessaire de chercher des ressources ailleurs, commercer, gérer les stocks... Et comme on finit par empiéter chez le voisin, il faut parfois organiser les défenses et préparer la guerre.

Au fait, c'est quoi Anno ?

Comme les fans m'ont reproché de ne pas être assez descriptif dans ce test, voici un ou deux paragraphes bonus sur le coeur d'Anno : la gestion de marchandises. Comme je l'ai dit, votre but principal est d'étendre votre population et de la faire augmenter en standing (d'ouvriers, employés, ingénieurs, etc.), pour débloquer de nouvelles technologies et besoins, et ainsi de suite jusqu'au top, où vous construirez des momunments immenses et des bâtiments très pointus dans votre domaine de faction (les Ecos soignent leur bilan écologique, les Tycoons leur production). Pour cela, il faut récolter les ressources, les transformer et produire des biens divers. Bien entendu, toutes les îles ne possèdent pas les ressources nécessaires, ni en quantité illimitée (problème de place, ou de réserves naturelles.) Il faut donc bouger tout ce bazar de port en port. Le commerce permet aussi de vendre le surplus ou de se payer un stock en cas de déséquilibre dans la production. C'est cette recherche de l'équilibre parfait qui fait triper les fans du genre, et les éléments qui vont venir le perturber ne manquent pas.

Vous et la concurrence

Le principal ennemi du joueur est le joueur lui-même, perdu dans la richesse des produits à manipuler. Il suffit d'oublier une petite colonie de production de thé par exemple, pour que les évènements s'enchaînent. La population perd sa satisfaction, se barre de la ville, les revenus baissent, le déficit se creuse, etc. Maladie, crime, incendie peuvent aussi provoquer de gros soucis dans votre gestion. Il faut surveiller en permanence tous les indices, pour toutes les îles, ne pas ignorer un problème, réagir vite et corriger (le retour d'information de l'interface est d'ailleurs impeccable). Le tout en effectuant des quêtes pour les différents PNJ qui cohabitent sur la carte : Le tycoon pollueur, le pirate indépendant, l'éco warrior convaincu, ou encore les responsables de chaque faction du coin... Votre standing par rapport à chacun d'entre eux vous apportera différents avantages. Il y a toujours quelque chose à faire dans un Anno. En fait, non : il y a toujours 40000 trucs à faire dans un Anno. Et a fortiori dans Anno 2070, qui s'amuse à en rajouter une couche.

Vous reprendrez bien un peu de thé ?

À défaut de modifier énormément son gameplay, Anno 2070 vous laisse jongler avec trois factions, ce qui peut rendre la gestion de tout ce bazar assez intense, surtout en mode continu. Vous débutez en tant qu'Eco ou Tycoon, mais rapidement dans le jeu, vous pourrez développer des colonies SAAT (essentiel pour les tech sous marines et les laboratoires bien utiles). Assez classique pour du Anno. Sauf que plus tard, on vous propose aussi d'acheter l'arbre technologique adverse ! De quoi devenir maître de la carte. Ça ne veut pas dire que c'est très compliqué non plus : Anno est un jeu de gestion dont les bases sont faciles à comprendre et un peu répétitives. Maintenir l'équilibre de la production, du budget et du bilan écologique n'est pas si difficile que ça. Ça demande juste beaucoup de travail. Pour prendre son pied avec un Anno, il suffit d'être un peu maniaque, comme les gens qui vont se plaindre que je n'ai pas mis les titres de la série Anno dans l'ordre dans l'intro du test. Et d'autant plus avec Anno 2070, bien que je l'ai trouvé assez facile en « intermédiaire » : pensez à régler votre partie avec quelque chose de plus corsé si vous êtes un habitué.

La fin de l'infanterie

Autre changement de gameplay : la guerre ! Anno 2070 propose maintenant des unités aériennes en plus des bateaux. Chouette. Sauf que le combat terrestre a disparu. C'est pourtant ce qu'il y avait de plus intéressant dans le dernier Anno, question mécanique de jeu en tout cas, avec les camps et les lignes d'approvisionnement à gérer. À présent ce sont des avions spéciaux qui conquièrent les îles (ils peuvent prendre des dépôts), et hélicoptères, fighters et autres bestioles volantes se manipulent comme les bateaux : façon gros STR qui tâche. On trouve aussi des sous-marins qui n'apportent pas grand-chose à la formule. Et v'là des unités qui se courent les unes après les autres en se tirant dessus, sans stratégie ni tactique... Franchement Blue Byte devrait revoir entièrement son gameplay sur cet aspect belliciste des Anno, parce que ce n'est vraiment pas ça...

Vive la mondialisation

Dernier point amusant d'Anno : son système communautaire qui permet de voter au sénat interplanétaire ou au conseil mondial, via Uplay. Le premier fait gagner un bonus variable (selon la faction en tête), mais permanent et applicable à toutes vos parties. Le deuxième offre, là encore selon la personnalité élue au conseil, un panel de buffs temporaires assez balèze et très appréciable en période de crise. Uplay vous proposera aussi une petite mission à effectuer par jour, qui sera jouée dans votre partie en cours. De quoi gagner des points de faction, débloquer des trucs et des machins : pas de soucis, de ce côté-là, Anno 2070 se montre bien complet.

Rondement mené

Bien entendu, Anno 2070 est joli comme un Anno. Peut-être un peu trop de bloom sur les bâtiments ? Je sais que ça fait high-tech et futuriste, mais là ça brûle aussi la rétine. Sinon il faut jouer Tycoon car la pollution rend la nature triste et grisâtre, ce qui, en plus d'être faux, n'est pas très agréable pour les yeux. Pour rester sur la technique : les musiques sont très bien, la VF impeccable si ce n'est quelques erreurs de traduction. Mais c'est surtout l'interface qui approche de la perfection. À quelques détails près, c'est un exemple d'ergonomie.

Anno sera toujours Anno. Rien de bouleversant dans ce nouvel opus rondement mené. La gestion de base de production sous-marine n'apporte pas grand-chose de nouveau, mais c'est plaisant de plonger sous les eaux et de goûter au calme du monde du silence. Les laboratoires SAAT, qui permettent de créer des équipements spéciaux aux effets d'abord temporaires, puis permanents, s'avèrent une nouveauté utile. Pas comme les véhicules aériens qui semblent un moyen bien cheap de résoudre le problème des combats au sol. L'un dans l'autre, les fans auront leur dose avec un background intéressant, bien que traité caricaturalement, et c'est bien l'essentiel. On peut aussi découvrir la série avec celui-ci, c'est ne pas si dur que ça en a l'air !