... il n'y a qu'un pas que le titre de Sidhe Interactive, un studio néo-zélandais (pas un hasard, on y reviendra), franchit d'un bon coup de pied dans la fourmilière. Car, force est de constater que depuis l'excellent Jonah Lomu Rugby de Codemasters, sorti en 1996 sur Saturn et PlayStation, les éditeurs se montrent particulièrement frileux au moment de s'aventurer sur un terrain marécageux. Pas commode en effet de retranscrire virtuellement la complexité d'un règlement aussi évident à décrypter que la popularité d'une Lady Gaga... Les développeurs de JLRC, rompus aux joutes de l'exercice avec la série confidentielle des "Rugby League", ont donc pris le pari de sacrifier sur l'autel de l'accessibilité ce qui fait le sel de cette discipline. En raffûtant tout ce qui apparaissait superflu aux yeux des néophytes, mais sans pour autant oublier son coeur de cible. Car on sent à chaque prise de balle la sensation du travail bien fait.

Pour la beauté du geste

Du coup, cet opus a une sensibilité très orientée "Hémisphère Sud" avec un plaidoyer pour le jeu au large, les courses effrénées, les crochets dévastateurs et l'enchaînement d'actions sans répit. Les amateurs de combat au ras et de charges viriles devront rapidement rendre les armes tant leur vaillance et leur bravoure ne seront pas récompensées au tableau des scores. Remporter une mêlée revient en effet à réussir un simple QTE et récupérer un ballon dans les regroupements consiste à marteler un bouton jusqu'à ce que crampe s'en suive. Nos doigts souffrent le martyr et l'on en ressort pas forcément grandi. L'arbitrage étant particulièrement laxiste, sauf pour les plaquages haut, on optera donc pour les phases en mouvement et notamment ces passes après contact qui déstabilisent quasiment à tous les coups les rideaux défensifs adverses. Les sélections sudistes, comme la Nouvelle-Zélande ou l'Australie, qui revendiquent ce style de jeu, sont donc clairement avantagées, et il faudra passer par le tutorial, plutôt bien foutu, pour pouvoir contrecarrer leurs desseins. De quoi faire rager les puristes qui inscrivent ce sport dans une série de fondamentaux comme la conquête des avants, l'occupation au pied... ou la troisième mi-temps.

Allô Maman bobo, comment...

Mais ne boudons pas notre plaisir, ce parti-pris pour le beau geste permet d'éviter une bouillie de rugby et le rend accessible à tous. L'animation des joueurs s'en ressent forcément avec une fluidité quasi-exemplaire et une palette de gestes techniques dodue. Par contre, il faudra piquer le calendrier des «Dieux du Stade» à sa copine pour pouvoir reconnaître ses joueurs favoris sur la pelouse. Ceux-ci sont, à l'exception des All Blacks (tiens, tiens), tous méconnaissables, loin, très loin, du photo-réalisme des footeux de PES 2012, par exemple. Tous se ressemblent plus ou moins et sont caricaturés selon les postes qu'ils occupent. Les arrières courent vite et se la jouent beau gosse alors que les avants ont un excédent de poids antinomique à leur potentiel capillaire. Quant aux expressions des visages et à l'ambiance sonore (commentaires uniquement en anglais)... Vous l'avez compris, JLRC ne mise pas sur son aspect esthétique mais plutôt sur son contenu.

Paye ta licence gamin

Faute de licence "Coupe du Monde", tombée dans la besace de son rival, estampillé jeu officiel de la World Cup 2011, le soft de la légende All Black se rabat sur toutes les autres compétitions de ce sport. Il y a donc de quoi faire, entre le Top 14 (championnat de France), le Super 15 ou le Tournoi des 6 Nations, et l'on pourra même créer nos propres épreuves (et donc le Mondial) pour réécrire l'histoire. Le mode carrière, sans réinventer la roue (gestion de l'effectif et des matches sur 13 saisons), a également le mérite de proposer un challenge intéressant. Seul bémol à ce souci d'immersion et d'authenticité souhaité par les créateurs, JLRC ne dispose pas de l'intégralité des licences (le XV de France est absent par exemple et les effectifs des équipes de clubs ne sont pas actualisés), et il faudra passer par l'éditeur de joueurs, comme aux plus belles heures d'ISS, pour se recréer son petit univers. Un manque de finition que l'on ressent également dans le mode en ligne, très limité et laissé à l'abandon.

Dans son approche comme dans son gameplay, Jonah Lomu Rugby Challenge fait clairement la part belle aux sélections de l'Hémisphère Sud et à leurs projets de jeu offensif. Un parti-pris qui donne des matches décousus où l'on ne se prend pas la tête à réfléchir à des systèmes délicats à intégrer et des manipulations complexes à exécuter. Le gameplay est donc simplifié mais laisse une grosse marge de progression grâce à la grande variété d'actions disponibles. Il ne reste plus qu'aux développeurs de Sidhe Interactive à soigner l'enrobage et s'ouvrir un peu plus vers l'Europe. Histoire de pouvoir nous donner les moyens de prendre notre revanche sur le XV des All Blacks.