Shuhei Yoshida est le Président des studios Worldwide de Sony. Et c'est un monsieur éminemment sympathique, d'ailleurs, assez peu porté sur la langue de bois si on n'en juge par les interviews que nous avons pu faire de lui. En tout cas, cela expliquerait sans doute ces récents commentaires dans lesquels il n'hésite pas à évoquer la concurrence de Microsoft sous un jour positif... ce qu'en ce qui concerne le marché Japonais, vu la popularité limitée de la Xbox 360, n'est pas très risqué, ajouteront les mauvaises langues.

Néanmoins, dans un entretien avec Gamasutra, Shuhei s'est laissé allé à quelques réflexions sur la réception du PS Move, qui faisait sa grande entrée en scène auprès du public japonais à l'occasion de ce Tokyo Game Show 2010 :

C'est le premier événement d'importance pour le Move au Japon, beaucoup de japonais n'avaient pas encore joué avec le PS Move avant... et il faut l'essayer pour comprendre la différence. Je suis très content. Nous savons qu'il nous reste beaucoup de travail à faire, mais je pense qu'on peut se saluer. Nous n'avons pas juste fait des jeux, il faut en avoir conscience. Nous sommes responsables de la création du Move lui-même et de ce dont il est capable.

Une manière habile, élégante et subtile de rappeler que Microsoft a racheté la base de la technologie utilisée pour Kinect ? En tout cas, Yoshida s'est dit content d'avoir vu autant de visages familiers à la conférence TGS10 de Microsoft, estimant par ailleurs que le renouvellement flagrant des efforts d'investissement entrepris par Microsoft sur le territoire japonais était une bonne chose :

J'ai vu de nombreux visages familiers, alors ça m'a fait sourire. Mais on réalise que ces présentations sont très, très précoces. Microsoft semble avoir repris les investissements dans le développement japonais, je pense donc que c'est une bonne chose. C'est de l'argent qui rentre, et plus d'opportunités pour les développeurs japonais.

Et d'ajouter qu'en revanche, il est préférable d'utiliser les ressources du développement japonais (du point de vue de Sony en tout cas) dans le but de développer des contenus à l'attrait local, à cause d'une "triste" réalité économique :

Les meilleurs et les plus vendus des jeux Américains et Européens font des scores de vente plutôt insignifiants au Japon. Il y a des sensibilités culturelles très particulières que les gens en dehors du Japon ne comprennent pas. Et de la même manière - beaucoup de jeux sont étranges et bizarres, tout particulièrement les personnages, dans ces jeux venant des développeurs japonais, d'un point de vue extérieur au Japon.

L'attention continue portée par Sega à sa série Yakuza fait figure d'ailleurs "d'exception" à ses yeux, puisqu'elle ne semble perdurer que sur un succès quasi exclusivement japonais, quelque chose que Yoshida trouve "stupéfiant".

Enfin, impossible de ne pas aborder la Team ICO et son "retard" - car pour ceux qui l'ignorent, Shuhei Yoshida est un peu responsable de leur découverte, voire de leur existence, puisqu'il a décidé de donner sa chance à cet alors inexpérimenté créateur qu'était Fumito Ueda, après voir visionné ses vidéos (c.f. notre interview exclusive de Fumito Ueda) :

La Team Ico prend quatre ans pour faire un jeu, et je les appelais donc "équipe Olympique". Mais cette fois ils ont besoin de six ans, alors ils sont passés des Jeux Olympiques d'Été à ceux d'Hiver !

Une plaisanterie, certes, mais Yoshida fut semble-t-il un tantinet déçu des délais de certains titres, comme Gran Turismo 5 ou The Last Guardian, même s'il considère que "les équipes apprennent" et progressent, se tirant peu à peu des difficultés rencontrées par le développement japonais sur cette génération de consoles en apprenant de l'occident, comme avec les méthodes Agiles. Pour lui, Capcom est un exemple rare de société japonaise ayant, très tôt, compris et agi dans la bonne direction pour rester technologiquement à niveau :

J'ai beaucoup de sympathie pour ce que Monsieur Inafune a dit [des difficultés traversées par le développement japonais, ndlr] et je respecte les efforts qu'ils ont fourni.

Quoiqu'il arrive, en tout cas, si l'attente sera difficile, nous serons sans doute tous d'accord pour dire qu'il vaut mieux soigner un The Last Guardian au maximum...