J'aime ma femme. Avant que vous ne commenciez éventuellement à me voir comme quelqu'un qui veut mettre en scène son couple ou qui serait prêt à tout pour gonfler les revenus de son ménage, sachez qu'il y a une raison à cette affirmation. C'est avec ma moitié, franchement hermétique au jeu vidéo, que j'ai décidé de me lancer dans la version preview d'It Takes Two qu'Electronic Arts a gentiment proposé à Gameblog. Pourquoi ? Parce que Joseph Fares, le sourire franc et le clin d'oeil coquin, m'avait assuré lors de notre entrevue précédant les Game Awards, que mon épouse m'aimerait encore davantage après que nous y ayons joué ensemble. Autant vous le dire, l'objectif n'est pas exactement atteint. C'est que le dernier jeu de Hazelight, praticable uniquement en coopération, comme A Way Out, s'adresse à deux joueurs, deux personnes qui pratiquent un minimum notre divertissement favori. Vous êtes prévenus : si vous aviez dans l'idée de tenter avec quelqu'un qui ne serait pas à l'aise avec les déplacements d'un personnage dans un environnement 3D en devant titiller le stick analogique droit pour replacer la caméra parfois capricieuse et ne connaîtrait pas l'emplacement des touches, il va peut-être falloir changer les plans. Bon, cela dit, tout va bien. Je vais quand même pouvoir vous parler du jeu, puisque j'ai épousé une obstinée. Sa persévérance, admirable, nous a permis d'avancer, et même de partager quelques éclats de rire malgré les difficultés. Du coup, j'aime ma femme encore plus.

Dr. Hakim mieux-mieux

Le point accessibilité passé, revenons à ce qu'est It Takes Two : une comédie romantique fantastique. On y fait connaissance avec May et Cody, dont le mariage a été rattrapé par la routine et les reproches à répétition qui peuvent nuire à l'épanouissement d'un couple. Le divorce approche. Leur fille, Rose, le sait. Et se le voit confirmer. Pour elle, le choc est terrible. La petite fille décide de s'en remettre à son dernier espoir : un livre sur l'amour. La magie opère et voilà les parents transformés en minuscules poupées, dont le bouquin, devenu vivant et bougeant comme un sosie d'Elvis, va devenir le très investi thérapeute. Dr. Hakim, c'est le nom de cet ouvrage moustachu à l'accent caliente, veut les aider à retrouver la pasión, la complicité perdue. Pour cela, il va les confronter à des épreuves ancrées dans leur quotidien durant lesquelles ils n'auront guère d'autre choix que de travailler de concert.

May the Force

Première étape de ce voyage qui se vit sur un écran scindé en deux, May à gauche et Cody à droite : sortir de l'abri de jardin. Chose que l'ancien aspirateur, très en colère d'avoir été abandonné, ne tolère pas. Les premières minutes se destinent à vous apprendre les bases d'un jeu misant d'abord sur la plate-forme. Courant après un fusible, les deux joueurs apprennent à bondir, courir, plonger, s'accrocher à des surfaces, s'accroupir, effectuer des wall jumps ou encore des attaques rodéo dignes d'un Super Mario pour presser des boutons ou prises électriques au sol. Rien de compliqué à tout cela pour, chacun peut même faire sa vie. Sauf qu'une manette a besoin du poids des deux effigies pour qu'une porte vers la prochaine section s'ouvre. C'est le début la véritable coopération.

Par la suite, alors que les pièges se dressent plus nombreux, il faut à l'un(e) manoeuvrer un objet, un interrupteur, pour que l'autre se fraie un chemin et lui rende la pareille. Des flexibles se trouvent là, devant des corniches ? On les oriente pour que leur souffle éjecte l'accompagnant(e) dans la bonne direction. Des fils dénudés empêchent l'électricité de circuler ? À tour de rôle, on devient conducteur. Cela demande un peu de jugeote, une bonne rapidité d'exécution, et surtout de la coordination, qui ne peut être optimale que grâce à la discussion. De ce côté, It Takes Two fonctionne idéalement. On se parle, on se conseille, on se chamaille, on se dit "allez, à 3", et on récolte les fruits de la victoire ensemble. Le premier boss, appareil ménager déchu cité plus haut, se révèle là aussi un très bon test. Une fois le pattern compris, tout roule et les morts éventuelles (dont on revient en martelant une touche, il faut que les deux décèdent pour un retour au dernier checkpoint, pas de Game Over) sont oubliées. Ici, on doit sauter par-dessus des mini-tornades et éviter des lâchers d'explosifs. Ces derniers sont vos munitions : chacun à son tuyau pour aspirer ou retourner à l'envoyeur avant une mise à mort que je ne décrirai pas pour préserver les âmes sensibles. Je m'en tiendrai à : c'est "gore", et franchement drôle.

Duo sur son Cody

Le périple continue et la deuxième partie du premier chapitre nous confronte à un autre problème : pour atteindre l'extérieur, il faut venir en aide à un marteau dont le manche est dans une boîte à outils revancharde. Et paf, changement de mécaniques et rôles plus définis : May porte l'outil amputé, pouvant ainsi frapper et retirer des clous que Cody va conserver et user comme projectiles. Et, sans spoiler, jusqu'au deuxième boss, il sera encore question de profiter de cette complémentarité forcée pour des bonds balancés et des plates-formes à bloquer... Par la suite, comme vous aviez pu le voir en vidéo, il faut apprendre à se balancer ou encore à collaborer en projetant de la sève, qui peut alourdir des certains éléments du décor, et en la faisant exploser. Mais arrêtons-nous là et contentons-nous de dire que le fait de renouveler fréquemment les mécaniques nécessaires à la progression, liées intimement à l'histoire, elle-même liée intimement aux émotions de nos deux héros, assure déjà à It Takes Two toute notre sympathie.

Sans oublier que des mini-jeux compétitifs, pour remettre un peu de piquant, seront aussi de la partie, au nombre de 25 - à commencer par un jeu de la taupe rigolo. Le genre de respiration appréciable. Et on ne peut que les efforts fournis pour que les environnements paraissent vivants, que l'immersion soit assurée, grâce à des détails très soignés. La réalisation, très propre, se marie bien à la direction artistique, les échanges fréquents, et contextuels, entre Cody et May sonnent assez naturels et l'atmosphère globale, très bon enfant, très montagne russe avec des parfums de Barbapapa et de pommes d'amour qui vous vous chatouilleraient presque les narines, réussit à dérider à coup sûr. Et ça, y'a pas mieux pour rapprocher.

ON L'ATTEND... COMME JENIFER ATTEND L'AMOUR
Une comédie romantique fantastique qui aurait le bon goût le nous rappeler ces films où les protagonistes rapetissent ou changent de peau pour une raison inconnue ? En un peu moins de deux heures, It Takes Two nous démontre que, dans un jeu vidéo, ça peut marcher. Très bien, même. Au-delà de son univers un peu barré, de son design cartoon digne des films d'animations modernes, et des bons sentiments qu'il affiche, le jeu coopératif de Hazelight semble savoir ce qu'il fait et à quel rythme. Les séquences proposées sont astucieuses, et les idées introduites les unes après les autres ne semblent pas surexploitées. S'il parvient bien à se renouveler et conserver cet esprit qui fait que la coopération se vit dans le dialogue et la bonne humeur, It Takes Two a toutes les chances d'être l'un des jeux les plus rafraîchissants et charmants de 2021. Réponse le 26 mars sur PS5, Xbox Series X|S, PC, PS4 et Xbox One. Avec un(e) partenaire idéal(e).