Attention, cet article contient des spoilers sur The Last of Us Part II.

Et Neil Druckmann, sans attaché de presse pour surveiller qu'il récite bien ce qu'on lui demande de dire sans déborder, c'est autre chose. En conversation détendue avec Troy Baker, comédien qui a tout donné pour le rôle de Joel dans The Last of Us et sa suite, le vice-président de Naughty Dog a abordé tout un tas de sujets différent.

Forcément, vous pouvez le constater avec la vidéo ci-dessus, cela a beaucoup tourné autour de The Last of Us Part II, de la scène de la mort de Joel - chose qui, il le savait depuis le début ne plairait pas à tous les fans du premier volet - , et d'autres choix qui ont pu entraîner une certaine haine (assez stupide) à son encontre et celle de certains membres de l'équipe ayant participé au développement.

Une fois que Baker a évoqué le moment où Laura Bailey l'a appelé après avoir été subi un raz-de-marée d'insultes et de menaces de mort sur les réseaux sociaux pour avoir simplement (et foutrement bien, si l'on peut préciser) incarné le personnage d'Abby, Druckmann rebondit en plusieurs phases.

Sur la haine, tout d'abord, à laquelle il a été confronté sur Internet, qui avait commencé à l'époque de Left Behind et qui a explosé avec les fuites ouvrant sur de fausses affirmations. Sur sa crainte que les développeurs soient eux-mêmes déçus du jeu sur lequel ils ont travaillé. Et son rapport avec eux, ce qui lui fait parler des conditions de travail et du crunch qui avaient été exposées par un article de Jason Schreier sur Kotaku.

Il y a tellement de gens dans l'équipe qui m'ont envoyé des mots sympas, des gens qui ont travaillé jusqu'à l'épuisement. Je sais que nous avons bossé trop durement et que nous avons une certaine réputation, qui est en grande partie vraie, ce dont nous ne sommes pas fiers, et dont une autre partie s'appuie sur des mensonges, y compris dans des articles réputés. Il y a des personnes qui ont travaillé dur parce qu'elles croyaient en ce projet, en ce qu'il signifie. J'ai un exemple en tête. Les fonctionnalités d'accessibilité du jeu : cela ne vient pas de moi, cela ne vient pas d'Evan (Wells, patron de Naughty Dog, ndlr), cela ne vient pas de Kirk ou Anthony, les co-réalisateurs. C'est l'idée de personnes "sur le terrain" qui voulaient que le jeu soit plus inclusif, que tout le monde puisse apprécier les histoires de Naughty Dog. Ils ont fait des heures supplémentaires, ils ont pris de leur temps même lorsque je leur disais de ne pas le faire, qu'on devait terminer le développement et que l'on travaillait déjà trop dur. Ils m'ont ignoré et l'ont fait quand même. Même lorsque je leur ai dit, une fois que le nombre d'options d'accessibilité a dépassé celui d'Uncharted 4, que cela suffisait, ils m'ont tenu tête. Et ils ont eu raison. Voir la réaction de joueurs qui peuvent y jouer alors qu'ils ne pouvaient pas se lancer dans ce type d'expériences auparavant, voir que cela les touche, les inspire...

Visiblement ému lorsqu'il tente de dire que tout n'est pas noir et blanc, il continue :

Tu auras remarqué que je ne parle pas de crunch. J'évite toutes les conversations à ce sujet parce que c'est un sujet sensible pour moi, et je me soucie vraiment de l'équipe, son bien-être, et l'ampleur de son travail. Je ne veux pas en parler avant que d'être sûr que nous avons fait suffisamment de progrès dans ce domaine. La conversation est devenue "le management est mauvais : vous arrêtez, tant mieux ; vous continuez, vous n'êtes pas quelqu'un de bien". Mais c'est bien plus compliqué que ça ! Lorsque nous avons pris des mesures pour limiter les efforts, des employés étaient mécontents. Mécontents qu'on les oblige à quitter leur bureau. Nous en avons même perdu. Il s'agit de trouver l'équilibre, de savoir comment laisser ceux qui le veulent exprimer davantage leur passion tout en créant des garde-fous pour parfois les protéger d'eux-mêmes, que cela n'affecte pas leur santé... J'ai échoué sur ce plan, essayé des trucs qui ne marchaient pas, amené des gens de l'extérieur pour nous aider... Mais c'est un autre sujet. Je veux juste dire que le discours est devenu presque tribal. On est d'un côté ou d'un autre. Sauf que c'est bien plus nuancé.

Très intéressant, ce monologue s'installe dans le dernier quart d'heure de la vidéo ci-dessus, et s'il ne dit pas tout de ce qu'a été le développement de The Last of Us Part II, disponible sur PS4, il permet de comprendre que, comme pour God of War, peut-être qu'une plongée dans les coulisses du début à la fin permettrait de mieux saisir les conditions réelles et savoir de quelle aide extérieure Druckmann veut parler. Mais on le rappellera : rien n'excuse l'épuisement de ses équipes en entreprise.