"Pour mourir prématurément, ne faites rien."

Cette campagne, appelée Change4Life, soutenue par diverses œuvres caritatives (lutte contre le cancer, contre les maladies cardiaques et contre le diabète), et destinée à changer les habitudes de "sédentarité" des jeunes enfants, propose une affiche pour le moins très orientée. On y voit un jeune garçon, les yeux hagards, assis par terre... et tenant un paddle PS3 dans les mains. Le slogan est lui aussi, tout aussi pathétique : "Risk an early death, just do nothing". Autrement dit : "Pour mourir prématurément, ne faites rien." Une fois encore, le jeu vidéo est montré du doigt, stigmatisé, et carrément rendu responsable de "mort prématurée". De mieux en mieux !

Cette image n'est évidemment pas la seule de la fameuse campagne, mais a suffisamment "choqué" pour faire réagir le TIGA (association commerciale anglaise, chargée de défendre les intérêts des développeurs de jeux en Grande-Bretagne et en Europe), par l'intermédiaire de son patron, Richard Wilson.

LE TIGA réagit vivement

"Cette campagne est tout aussi absurde qu'insultante. Sous-entendre que jouer peut conduire à un rendez-vous prématuré avec la faucheuse est une colossale absurdité. L'alcool et la toxicomanie, le tabagisme, l'obésité et la participation à des crimes violents sont des formes de comportement qui peuvent amener à une mort prématurée. En revanche, de nombreux jeux vidéo sont mentalement stimulants, et ont un potentiel éducatif et social évidents. Certains permettent même de s'impliquer physiquement. Des jeux comme "Brain Training", "Wii Fit" ou "Civilization", "Singstar" et "Buzz" en sont des exemples.

Cette campagne est offensante envers les 30.000 personnes qui travaillent dans l'industrie du jeu vidéo au Royaume-Uni, en particulier les 10.000 qui exercent dans le développement de jeux. Les développeurs sont généralement intelligents, très qualifiés et créatifs, et travaillent à produire des jeux de grande qualité pour le plaisir des gens. Ils ne sont pas dans ce business pour les amener à mourir jeune.

Avec près d'un quart des hommes et des femmes et près d'un cinquième des enfants de 2 à 5 ans souffrant d'obésité en Angleterre, nous avons clairement besoin d'encourager une vie plus active ainsi qu'une saine alimentation. Il devrait être possible d'atteindre cet objectif sans montrer du doigt une industrie qui crée, forte de 30.000 personnes."

MCVUK, Atari et Future portent plainte

Véhiculer un message de ce type doit-il obligatoirement passer par la diabolisation du jeu vidéo ? Ceux qui jouent ne sont donc que des geeks hébétés, gras du bide et totalement désocialisés ? La réponse est évidemment "non". Alors, pourquoi un tel raccourci, une fois de plus ? Les acteurs du milieu ne se l'expliquent pas plus que nous, d'autant qu'ils ont tous été amenés, un jour ou l'autre, à collaborer étroitement avec le gouvernement anglais, justement pour faire bouger les choses. C'est le cas de l'ELSPA, l'association des éditeurs de jeux anglais, qui a avoué ne pas avoir compris ce qui s'était passé. Un grand sentiment de "s'être fait avoir", domine désormais.

Le Magazine MCVUK a, quant à lui, déjà déposé plainte, auprès de l'ASA, chargé de réglementer la publicité, tout comme Atari et Future Publishing. Tous deux précisent que l'image véhiculée par la publicité est tout simplement "mensongère".

SEGA a lui aussi exprimé son malaise, tout en expliquant à juste titre qu'avec toutes les activités dites "passives" (radio, TV, lecture, musique, cinéma, etc.), c'est une fois de plus le jeu vidéo qui est montré du doigt, alors qu'il est le moins "passif" de toutes ces activités.

Codemasters, Konami et Sony réagissent vivement

Le PDG de Codemasters, Rod Cousens, a lui aussi vivement réagi, après avoir pris connaissance de cette campagne : "comme toujours, le gouvernement est à côté de la plaque. Il réagit bien trop tard". Et de citer les bienfaits des jeux vidéo dans le sport, avec le sponsoring d'épreuves sportives, le soutien aux œuvres de charité, rappelant au passant que l'industrie du jeu vidéo en Grande-Bretagne apporte son engagement financier à de grandes causes, comme le soutien scolaire, la lutte contre l'épilepsie ou la méningite, entre autres.

Sony a lui aussi vivement réagi (tout comme Konami dans la foulée), comme nous l'apprend MCVUK, et s'autorise le droit de porter plainte, pour l'utilisation non autorisée à des fins publicitaires, de l'image d'une manette PlayStation. L'agence de publicité, chargée de cette campagne, "The Gate", n'aurait en effet jamais contacté Sony UK pour l'utilisation de la manette.

Reste à savoir quelle sera la réaction du gouvernement anglais, suite à cette "affaire", et au véritable tollé qu'elle a soulevé outre-manche, et si la campagne sera retirée, après ces nombreuses protestations de l'industrie. Des suites bientôt, sans doute...