Pour ceux qui seraient jusqu'à présent passés à travers les mailles du filet de la population parisienne assoiffée de sang et de vengeance, We. The Revolution vous place dans la peau d'un juge auquel les événements de 1789 vont ajouter le suffixe de "révolutionnaire", et ainsi faire de vous un aiguilleur, chargé de trier le bon grain de l'ivraie, condamnée à cette époque comme chacun sait à la célèbre guillotine.

Marat à bout

Mais contrairement à ce qu'il pourrait laisse penser, We. The Revolution ne contentera pas de situer son intrigue entre les quatre murs de votre tribunal aussi expéditif qu'influençable, puisque la narration et le gameplay prendront de multiples formes souvent surprenantes, sans que le résultat ne soit pour autant garanti. Ne soyez pas trop vite aveuglés par la thématique historique conséquente du titre, puisque vous n'aurez pas systématiquement à juger du sort des conspirateurs de l'aristocratie ou des soi-disant traîtres à la révolution : attaché à l'idée de représenter les nombreux aspects de la vie quotidienne de cette fin du XVIIIème siècle ô combien chaotique, le studio Polyslash fait également la part belle aux affaires de voisinage, violences conjugales et autres rancoeurs fraternelles, quitte à jouer un peu avec l'Histoire.

Que vous fassiez face à votre propre fils accusé d'avoir défiguré l'un de ses camarades (qui le traitait à très juste titre de fils d'ivrogne) ou à l'ancien porteur de la couronne rebaptisé "Citoyen Capet", les séances du tribunal tiendront tout de même le haut de l'affiche. Sur votre bureau, le dossier de l'affaire en cours vos permettra de vous faire une idée rapide mais précise de la chronologie des faits, vous permettant ainsi de relier les éléments entre eux, et de préparer vos questions à l'accusé. Le nombre de sujets n'augmente qu'à condition de faire preuve de réussite lors de cette première phase, ce qui vous permettra de disposer de plus d'éléments pour rendre votre verdict.

Les Influenceurs, est-ce comme les cochons ?

Mais contrairement à bon nombre de jeu d'enquête, être flanqué du titre de "révolutionnaire", y a pas à dire : ça facilite la vie. Que vous disposiez de preuves concrètes ou non, chaque verdict est laissé à votre aimable discrétion, et vous pourrez sans mal envoyer n'importe quel gêneur à l'échafaud grâce à une simple signature. Mais si tout parait plus simple en ce temps-là, il faudra très largement composer avec la dimension politique de We. The Revolution, qui n'hésite pas à imputer une lourde portée symbolique à chacune de vos décisions. Vous connaissez l'expression qui veut que l'on file la métaphore entre un avis et notre orifice rectal ? Et bien là, c'est pareil : entre la populace, les révolutionnaires déclarés et plus tard les aristocrates bien décidés à ne pas lâcher le morceau, les factions sont nombreuses et auront toutes à coeur de vous lyncher pour peu que vous vous acharniez à ne pas les satisfaire.

C'était évidemment sans compter sur le jury, présent sur les bancs du fond, qui penchera aussi systématiquement dans un sens en fonction de la tenue de vos débats. Insistez un peu trop lourdement sur la culpabilité d'un pochtron bien-aimé de ses concitoyens, et la salle commencera à gronder; gardez-vous d'appuyer là où ça fait mal face à un ennemi du peuple, et votre tête pourrait vite se faire la malle elle aussi. Il en résulte un nombre de jauges et de paramètres assez conséquents, qui font dans un premier temps de l'écran un véritable champ de bataille, qui pourrait refroidir les joueurs en quête d'une expérience plus accessible. À l'instar de Reigns, il vous faudra constamment jouer les équilibristes, puisque même votre vie familiale sera fonction de vos éventuelles sorties nocturnes, alcoolique notoire que vous êtes. En même temps, qui refuserait une soirée arrosée en compagnie de Jacques-Louis David ? Les américains, selon le responsable chargé de la présentation. Triste.

Robespierre-Feuille-Ciseaux

Mais la vie d'un juge révolutionnaire ne saurait donc se limiter à de plus ou moins longs débats autour de la crédibilité d'une tentative d'empoisonnement : en ces temps de bouleversements politiques, les rues sont en proie à l'insurrection qui est bel et bien venue. Chaque jour qui s'écoule sera également l'occasion d'organiser la protection des rues de la capitale, par l'intermédiaire d'un petit jeu de gestion dont la brièveté de cette session ne nous aura clairement pas permis de saisir les éventuelles subtilités. Après avoir déplacé ses troupes comme les pions d'un jeu de stratégie, s'en suit donc une bataille qui oppose vos factions à ce que notre cher Camille qualifie affectueusement d'"armée des gauchistes", dans laquelle il convient souvent de gagner du temps pour laisser s'échapper quelques centaines de civils, histoire de jouer un peu plus sur l'équilibre des forces.

Et comme la journée d'un soldat de la révolution ne s'arrête a priori jamais, n'espérez pas prendre un peu de repos une fois retrouvée la douceur de votre foyer : ici aussi, les jauges décident de tout. Vos relations domestiques dépendront donc de vos décisions en tant que juge, mais également du temps accordé à chacun. Comme dans la vraie vie, une tendance trop prononcée envers les sorties nocturnes vous garantira en rentrant une tronche de dix kilomètres de la part de votre tendre épouse, ou une relation de plus en plus exécrable avec votre aîné. Les différents membres de votre famille (qui peuvent très bien passer à leur tour sur l'échafaud si vous n'y prenez pas garde) soutiennent évidemment des factions différentes, et il vous faudra donc constamment jongler avec ces innombrables paramètres pour ne pas finir assassiné par les plus mécontents. Quelle vie.

ON L'ATTEND... AVEC CURIOSITÉ !
Doté d'un contexte forcément passionnant et proposant une direction artistique singulière, la vision polonaise du tribunal révolutionnaire pourrait bien créer la surprise lors de sa sortie prochaine. Si We. The Revolution parvient à nous tenir en haleine durant la vingtaine d'heures promises par les développeurs, les amateurs d'enquêtes et de complots risquent d'y trouver de quoi se faire les dents. Il faudra en revanche que le jeu parvienne à équilibrer et à maîtriser les très (trop ?) nombreuses phases de gameplay très différentes, qui pourraient tout aussi bien l'handicaper dans le cas contraire. Mais pour juger du dosage final, impossible à appréhender après une petite heure passée à jongler avec la révolution et la vie de famille, il faudra patienter jusqu'au 21 mars prochain.