C'est sans une parole, juste par un regard et quelques déhanchés acrobatiques que le jeu de Sabotage, studio québécois fondé par Martin Brouard et Thierry Boulanger, avait su nous charmer. N'importe quel être humain un peu sensé le sait : une opportunité de jouer un ninja comme on a pu en incarner à l'époque 8/16 bits à travers Ninja Gaiden, Shinobi, Wrath of the Black Manta, Ninja Spirit, Shadow Dancer, l'Assassin de Team 17 sur Amiga ou encore Strider, cela ne se refuse pas. Surtout quand le jeu en question semble vouloir faire plus que rendre un simple hommage.

Le Jason du rouleau

L'histoire, c'est celle d'un ninja, donc, masqué charger de transmettre un parchemin qui sauvera son clan. Porteur du rouleau salvateur, il court et voltige à travers des niveaux 2D bardés de démons, de précipices, de pointes mortelles, de mécanismes louches... A chaque changement d'écran, de nouvelles surprises, de nouvelles façons de s'employer. On commence par voyager léger. Son épée qu'il manie tel un Hiryu, une poignée de shuriken et un double saut qui a la particularité de n'être activable - et pas forcément dans l'immédiat - qu'une fois un élément interactif cogné. Les lanternes, ennemis et leurs projectiles (une fois le droit de les détruire acquis dans l'arbre de compétences) laissent ainsi le droit de prendre de la hauteur. Mécanique simple à assimiler mais qu'il va falloir mettre en application de plus en plus souvent, dans des contextes parfois tendus et pensés pour mettre votre coordination à l'épreuve tout en ayant le stress de l'échec immédiat. Et qui, à l'instar du rebond à coup de pelle de Shovel Knight, ne vous prend jamais en traître.

I never miss

Le rapprochement avec le hit rétro de Yacht Club n'est pas anodin. Comme ce dernier, The Messenger offre des contrôles d'une précision et d'une souplesse diaboliques. Le moindre bond, la moindre attaque, et plus tard lorsque vous serez en possession des crochets pour rester collé aux murs, du wing suit pour planer en toute décontraction, ou du grappin pour vous précipiter, à l'horizontale, vers certains objets : tout se dirige à la perfection et permet de se rattraper sur bien des moments désespérés. Ceux-ci peuvent se révéler assez vite nombreux, tant la structure des différents stages regorge de moments vicieux, de bestioles qui traversent l'écran au pire moment, de plates-formes qui s'écroulent ou vous écrase la gueule lorsque vous avez cagué sur le tempo, ou de cristaux de téléportation ne supportant pas l'approximation.

Et que dire des quelques boss déjà croisés. En plus de bénéficier de designs fort réussis et de s'introduire souvent avec un humour qui permet de bien les mémoriser, il forcent à maîtriser les bases avec d'autant plus d'application et de concentration que le capital de points de vie n'est pas bien gros. Du challenge, il y en a. Et du bon. Mon très roux voisin de gauche pourra témoigner de ma tendance à râler tout en me sachant seul fautif pour finalement pousser un ouf de soulagement, le sentiment du devoir accompli emplissant mon coeur. Preuve qu'on tient quelque chose qui fonctionne.

Génération 80-90

Tout en ligne droite et proposant des graphismes typés NES pendant un moment, The Messenger va par la suite, une fois que vous aurez pensé avoir dépensé tous vos cristaux (ponctionnés par un gentil diablotin désireux d'être rémunéré après vous avoir ressuscité - les vies sont infinies) dans de nouvelles compétences chez un marchand très étrange et pas avare en répliques truculentes, voir les choses différemment. Les 8 bits deviennent 16 aussi bien à l'écran que dans les oreilles - soulignons d'ailleurs les compositions racées et énergiques de Eric W. Brown, agissant sous le nom de Rainbowdragoneyes. Par un petit twist à base de voyage temporel, les niveaux, que l'on peut revisiter à l'envi, vont se transformer, parfois à la volée, parfois dans un simple morceau de l'écran. Cela permet d'admirer un fossé au niveau du rendu, du nombre de couleurs affichées et des détails dans les arrières-plan qui s'enrichissent de nouveaux ornements, côté ennemis aussi, qui ne sont pas loin de nous évoquer des jeux Mega Drive ou Super NES - on pense à Demon's Crest, entre autres.

The Best is yet to come ?

Mais là, nous ne parlons uniquement de ce que nous avons pu voir, qui se révèle déjà fort appréciable. Mais il reste encore bien des choses à vérifier. Il semble y avoir encore pas mal de place pour d'autres compétences à débloquer et artefacts conférant d'autres capacités. Des embranchements et chemins alternatifs s'avèrent déjà perceptibles. Le défi promet de ne pas se cantonner à une aventure principale. Des quêtes annexes pour des PNJ entre mignon et loufoque ont pris place. Et n'oublions pas les pierres mystérieuses à récupérer, dans des conditions qui rappellent les pansements de Super Meat Boy et les fraises de Celeste... On peut s'attendre à ce qu'une fois de plus, ce soit trop bien de jouer les ninjas, façon sévère mais juste.

ON L'ATTEND... COMME UN MESSAGER DU BONHEUR
Le vrai problème de The Messenger, c'est que nous n'avons pas sa date de sortie sur PC et Switch au moment où nous écrivons ces lignes. Pour un jeu qui semble avoir été forgé dans le même métal qu'un Shovel Knight, à savoir un alliage fait d'une puissante admiration pour les ancêtres et leurs traditions et d'un désir assuré et maîtrisé de modernité, c'est dur. Car il ne faut pas longtemps pour accrocher à ce titre au gameplay nerveux, à la double réalisation appliquée et aux idées claires. La question est de savoir s'il tiendra ses promesses sur toute la longueur de l'aventure proposée. Avant de savoir si Devolver a ENCORE fait une bonne pioche, il va falloir patienter. Désolé.