Aujourd'hui je suis un papa blaireau avec cinq petits à charge. Mais dans mon trou de blaireau, derrière la cascade, un de mes bébés ne bouge plus. C'est terrible, que faire ? Je... ? Appeler le SAMU ? Que... ? Ah non, je peux déterrer une sorte de navet et lui donner à manger. Il va beaucoup mieux et rejoint ses frères. Ouf. Mais on ne peut pas rester ici, il faut partir en quête de nourriture, aller de l'avant, et trouver un endroit plus sûr.

Suivez papa et tout ira bien !

Me voilà donc parti avec ma progéniture à la traîne. Il ne faut rater aucun légume sinon elle pourrait bien s'affaiblir. Moi je ne mange pas, c'est ça, la fibre parentale. J'apprends que je peux courir et frapper des arbres fruitiers pour faire tomber des pommes. Je peux choper les grenouilles avant qu'elles ne s'enfuient dans la rivière. Les petits rats aussi sont délicieux, si on les attrape par surprise en sortant de l'herbe haute. Et même un renard... Non, le renard, c'est juste trop dur à rattraper. Ou je ne suis pas encore assez doué. J'apprendrai plus tard qu'il ne faut pas hésiter à sauter dessus même si on n'est pas très proche de sa proie.

Manger et être mangé

Pour la nourriture, tout va bien. On gambade, suivant le chemin qui monte sur la montagne et qui redescend de l'autre côté. C'est bucolique, agréable, on se sentirait presque en sécurité, heureux... Et puis soudain l'ombre d'un grand rapace défile sur le sol devant nous. Vite, se cacher ! Toute la petite troupe me suit alors que l'on saute d'un carré d'herbes à l'autre. Hop, hop, ah je suis trop malin pour un aigle ou quoi que ce soit. Il y a une sorte de tronc d'arbre creux là-bas, vite... « Kyyya » un cri strident déchire le calme de la plaine. L'oiseau s'envole avec un bébé blaireau dans ses serres. Grégory ! Oh non, Grégory ! Il a emporté Grégory, c'est affreux. Je suis sous le choc, mais pas le temps de réfléchir, il faut continuer. Je précipite mes enfants vers l'arbre, nous nous enfuyons.

Drame de la négligence

À présent il fait nuit, je ne vois pas très loin devant moi. Nous sommes dans une sorte de défilé, des ruisseaux coulent ici et là. Il faut trouver la sortie... J'avance, un peu vite peut-être, me focalisant sur la bouffe. Soudain j'entends des bruits étranges. D'abord je ne fais pas attention, puis cela recommence. Je fais une pause. Il ne me reste que deux bébés ! Quoi ?! Julien ?! Julien ?! Oui j'avais deux juliens... Mais ils ont disparu maintenant. Je ne comprends pas. Parce que j'ai couru trop en avant, les laissant dans le noir ? C'est affreux. Je suis un père indigne. Que vais-je devenir ? Mes pauvres deux derniers petits me regardent tristement. Il faut reprendre la route, toujours en quête de nourriture...

Autant en emportent les flots

Il pleut à présent. Une rivière aux flots gonflés par les intempéries nous barre plusieurs fois la route, débordant subitement de temps en temps. Mais ce n'est pas un gros problème. Nous passons à gué plusieurs fois. Je rate encore un renard, mais les légumes et les fruits abondent. Sans compter que j'ai moins de bouches à nourrir... Mais là, j'ai peur. Il va falloir faire une longue course dans la rivière pour remonter la montagne. Je ne le sens pas. Mais pas le choix... Allez les enfants, on court ! Allez, allez ! Cachez-vous là ! Ouf, une vague passe quand nous sommes à l'abri d'un rocher. Nous repartons aussi sec, vite, vite... Wouuuushhh couiiiiiii ! Oh non, Benjamin ! Benjamin a été emporté, nonnnn ! C'était le plus frêle de tous, il n'avait aucune chance dans ces rapides. La mort dans l'âme, nous continuons à deux.

Je marche seul...

Qu'est-ce que c'est ? Un incendie ? Mais quel malheur ! Le feu se propage sur notre route et je dois décider quand nous nous arrêterons pour manger, au risque de finir grillés. Alors on se précipite, on accélère. Horreur, encore un rapace. L'herbe devient à la fois une couverture et un piège mortel, comment faire. Ahhhh Aymeric ! Aymeric a été emporté, aaaahhhh ! Aymeriiiiiic. Bouhouhouhhhh... Je suis seul. Tout seul. Je cours, je m'échappe de la forêt embrasée. Je cours. Je descends une montagne, la vallée qui s'ouvre devant moi est magnifique. Je n'ai pas le cœur de m'en réjouir. De toute façon, plusieurs ombres obscurcissent le sol. Je suis frappé une fois, deux fois. L'herbe salvatrice est à deux pas, mais je n'ai plus la force de les faire. La terre se dérobe sous mes pieds, elle rétrécit. Je vole, je vole ! Peut-être que je monte au paradis des blaireaux pour rejoindre mes enfants. D'ici je ne vois pas ma maison, mon abri que je ne trouverai jamais.

Voilà pour ma première partie traumatisante de Shelter, jeu indé de Might & Delight pour PC et Mac. En attendant août et le test complet que j'appréhende, je vais aller jouer avec mon fils et ma fille, m'allonger dans l'herbe, profiter un peu de la vie, parce que j'ai un petit coup de blues là.

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