Tandis que le critique de film Roger Ebert (connu pour sa colonne hebdomadaire dans le Chicago Sun-Times et premier critique de films à remporter le Prix Pulitzer de la Critique en 75) affirmait que le jeu vidéo ne passerait jamais du statut d'artisanat à celui d'Art à part entière, Barker s'est permis de le remettre à sa place...

Il n'a rien compris

"Il est évident qu'Ebert a une vision partiale de ce qu'est ce medium, et surtout de ce qu'il pourrait être. On peut débattre de ce qu'est l'art pendant des lustres. Si l'expérience résonne en vous d'une manière ou d'une autre... que ça vous remue les tripes... Je crois qu'elle mérite une étude sérieuse". Comparant sa propre expérience avec son genre de prédilection, l'horreur, Barker ajoute : "Il fut un temps où j'étais préoccupé par le fait que le New York Times ne critiquait jamais mes livres... Mais au final, ce sont les gens qui aiment les livres. Les livres ne sont pas écrits pour les critiques. Le problème de Roger Ebert est, je crois, qu'il pense qu'il ne peut pas y avoir Art si la narration est malléable. En d'autres termes, Shakespeare n'aurait pas pu écrire Roméo et Juliette en jeu parce que ça aurait pu avoir un happy end, vous voyez ? Si seulement elle n'avait pas pris ce satané poison. Si seulement il était arrivé plus vite."

L'Art de l'interactivité

La problématique de l'interactivité et de l'influence du joueur sur les événements se déroulant dans le jeu est en effet une différence importante entre notre medium et les autres, et Clive Barker articule l'opposition de point de vue qui le sépare d'Ebert autour de ce point particulier. "Si quelque chose est si malléable, plein de possibilités qui ne sont pas sous le contrôle de l'artiste, alors ça ne peut pas être de l'Art. Je crois que c'est là qu'il fait erreur. Nous devrions étirer l'imagination de nos joueurs comme la nôtre. Inventons un monde où le joueur puisse entreprendre tous les voyages émotionnels possibles. Ca c'est de l'Art. Offrir cela au public, c'est de l'Art".

Je me demande ce que Barker pense de Manhunt 2 et de toute cette polémique... En tout cas, il ne perd pas de vue pour autant ce pourquoi nous aimons les jeux à la base : "Je ne fais pas ici un travail d'évangélisation. Je dis juste que le jeu est un excellent moyen de faire ce que les êtres humains ont tout le temps besoin de faire - prendre de la distance avec les côtés oppressants de la vie pour aller quelque part où on peut exercer notre propre contrôle. Les jeux ne sont pas faits pour les critiques. Ils sont faits pour les joueurs", conclut-il.

Jusque là j'étais d'accord avec toi, mon cher Clive, mais, euh, on a quand même encore le droit de jouer, hein, dis ?

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NB : Si la question Art/jeu vidéo vous intéresse, jetez donc une oreille attentive à notre Podcast sur la question...