Curieusement, il semble de plus en plus important pour la classe politique européenne de distinguer les jeux vidéo de toute autre forme de média ou de produit culturel, comme s'ils étaient forcément pires. La question de l'interactivité, quoique tout à fait légitime quand on s'intéresse à l'impact éventuel que les jeux peuvent avoir sur les plus jeunes - les plus influençables ou les plus débiles - n'a visiblement qu'une seule réponse à leurs yeux...

Les jeux qui font des tueurs

La question n'est pas de savoir s'il faut interdire la vente de jeux vidéo violents aux mineurs. Nous serons bien entendu tous d'accord pour reconnaître qu'au même titre que tout autre contenu culturel, nous avons la responsabilité de maîtriser un minimum sa diffusion, et qu'un Manhunt entre les mains d'un bambin de 10 ans n'est peut-être pas une brillante idée (quoique). Le problème survient lorsqu'il s'agit de déterminer quels sont les contenus à réguler, les critères, l'implémentation au quotidien. Problème déjà épineux à l'échelle d'une nation, lorsqu'il s'agit de légiférer au niveau Européen, on ne peut que craindre le suivi d'un dénominateur commun qui ira logiquement au plus strict possible. En tout cas, chacun des 27 pays de l'UE qui se sont consultés sur la question semblent se sentir très concernés. "Il existe un large consensus ; il est nécessaire d'en faire beaucoup plus", explique Brigitte Zypries, la Ministre Allemande de la Justice, ce pays si connu pour son obsession déjà ancienne à vouloir étrangler complètement notre industrie, au point d'obliger les développeurs à revoir entièrement le contenu de certains jeux pour remplacer des zombies par des aliens ou des robots ou encore teinter du sang en vert (comme si ça avait un impact si important sur la violence dépeinte par les jeux concernés). Actuellement à la présidence Européenne - un poste tournant - Brigitte ajoute cependant, que les disparités d'opinion sont trop importantes pour déterminer des règles communes.

Le poids des mots, le choc des idiots

Franco Frattini, commissaire à la Justice Européenne, déclarait pour sa part que "c'est à chaque Etat membre d'adopter une législation concernant la vente" de ces "killer games". Mais en réalité, le terme seul prouve à quel point on nage dans le grand n'importe quoi ; en vertu de quoi les jeux vidéo seraient-ils plus capables de "faire des tueurs" qu'un film ou le Rock'n'Roll ou les sectes qui ont pignon sur rue ? Tandis que les discussions évoquent les possibilités de pénaliser les revendeurs qui écoulent des jeux violents à des mineurs, de mettre en place des avertissements plus présents, et des restrictions d'âge plus dures, on perd de vue, une fois de plus, celles qui devraient avoir lieu sur les niveaux d'éducation en chute libre, le chômage aux chiffres traffiqués par tous les gouvernements, les guerres d'intérêt économique plus que public ou la pollution. Mais pour les Allemands, les plus expressifs sur la question, le fait divers de Novembre dernier d'un joueur de 18 ans blessant 11 autres étudiants de son école avant de se suicider, éclipse toute réflexion constructive sur le rôle parental, avant celui des politiques, dans cette simple question de société.

La wii a de beaux jours devant elle

Les développeurs déjà frileux risquent d'avoir de moins en moins envie de faire des jeux abordant des thèmes matures, si on continue de diaboliser le media avant d'éduquer la société. Quand on sait à quel point il est difficile de faire progresser notre industrie du point de vue culturel, on peut avoir peur que cette "prise de conscience" européenne aux relents obscurantistes ne sonne le glas de nombreuses initiatives créatrices. Pendant ce temps, la télévision continue son travail de sappe cérébrale, la société d'accuser les jeux vidéo de tous les maux, et les opérateurs mobiles de promouvoir le style SMS comme si "C T tro cool". Bon sang, et à cause d'eux, voilà que je sonne comme un vieux con aigri. -Via-