Super Monkey Ball

Genre :

Simulation d'anthropomorphisme
Editeur : Sega
Année de sortie : 2000
Support : Arcade, GameCube, N-Gage

Super Monkey Ball ou « Super boule de singe » est une fable anthropomorphique dystopique dont l'ambition cachée est de lutter de façon vidéoludique contre la représentation archaïque et stéréotypée de l'image du primate dans l'imaginaire humain, qui a été définie en grande partie par Pierre Boulle dans son œuvre littéraire célébrissime et fondatrice « La Planète des Singes ». En effet, considéré à tort ou à raison comme notre ancêtre génétique direct par les darwinistes, le macaque souffre aujourd'hui encore de la réputation profondément ancrée d'ébauche 0.9 de l'homo-sapiens, synonyme de créature inférieure et stupide dans l'esprit humain. À travers son titre haut en couleurs, Sega tentera donc de redonner à l'espèce simiesque toutes ses lettres de noblesses, en nous gratifiant d'un soft d'agilité-réflexion, qui une fois son contexte micro-ludique transcendé, plongera le joueur dans une religieuse introspection existentialiste sur la véritable place de l'être humain dans l'échelle axiomatisée du vivant, via une inversion astucieuse et révolutionnaire des rapports de forces homme-animal. Je m'explique...

Il n'y a pas de hasard dans le choix de l'appellation du titre du soft de Sega : le mot Ball est bien un pied de nez vibrant et irrévérencieux à Pierre Boulle. Dans l'ouvrage de l'écrivain français, le singe est considéré comme peu évolué et sert d'esclave ménager à l'homo-sapiens qui lui est infiniment supérieur génétiquement. Dans l'œuvre électronique de Sega, cette situation est audacieusement inversée. Le joueur qui est humain, se met au service du chimpanzé enfermé dans sa sphère. Il prête malgré lui ses aptitudes humaines à l'animal qu'il incarne virtuellement dans le jeu, pour pouvoir le libérer des différents lieux anxiogènes à l'architecture erratique. Par ce savant phénomène de ventriloquie anthropomorphique, le joueur va en fait lui insuffler ses propres traits typiquement sapiens comme l'intelligence, l'habileté ou encore la prise de conscience de la mort (par le fatal Game Over). C'est par ce tour de force allégorique magistral que Sega comptait rabattre le caquet de tous les adeptes de la théorie de l'évolution. Mais l'histoire retiendra qu'à la place, la firme nippone a seulement créé une expérience roborative pour les plus jeunes voulant perdre en douceur leur pucelage vidéoludique... Bref vous l'aurez compris, Super Monkey Ball est devenu du coup le plus grand FAIL philosophique traitant de la place de l'homme dans le règne animal et ce, à cause de son message ultra-crypté à caractère moralisateur évolutionniste aussi énigmatique qu'un teaser de Kojima. Enfin je crois.

Autre trait purement humain prêté ici à l'ancêtre animal de l'homme : la prise de conscience du temps qui passe. Il restera 57 secondes au singe téléguidé pour se tirer de chez Valérie Damido.