Dans la salle de réunion, Karsten Lund, Game Director sur Kane & Lynch 2, nous explique ce qu'il s'apprête à nous passer sur le vidéoprojecteur. Il s'agit d'une "vibe video" comme ils l'appellent, normalement réservée à un usage interne et destinée à expliquer facilement aux collaborateurs qui seront amenés à travailler dessus, par l'intermédiaire d'un assemblage d'images issues de différentes sources, le style visuel et l'atmosphère visée par un projet. En l'occurence, des images des bas-fonds de Shanghai, des extraits de scènes de Die Hard 4, Collateral, Miami Vice, et surtout beaucoup de vidéos "qualité YouTube", filmées par des amateurs. Cadrages syncopés, images vacillantes et numériques, souffrant de compression et de lumières baveuses... une nouvelle définition du réel, nous explique Karsten.

"Qu'est-ce qui fait vrai ?"

C'est toute la question que se sont posés les développeurs pour approcher la direction artistique de Kane & Lynch 2. "Nous essayons de prouver qu'avoir l'air cool, ou réaliste, ou crédible, n'est pas une question de résolution des textures", explique Karsten Lund. "Un peu comme Hollywood, qui a tendance à aller dans cette direction, mais encore plus dans un style documentaire". Le jeu, à l'écran, semble avoir en effet parfaitement reproduit les défauts techniques des snuff movies et autres vidéos filmées au téléphone portable qui envahissent les réseaux d'échange. Les néons saignent blanc, la caméra tremble, certains passages dans l'ombre semblent faire souffrir un capteur numérique tout à fait fictif, saturant les noirs d'une myriade de points de couleur, etc. L'effet visuel est saisissant : à mesure qu'on suit les fusillades de Lynch et Kane à Shanghai, on a vraiment l'impression d'être témoins d'une réalité prégnante... retranscrite via les codes on-ne-peut-plus virtuels de la génération YouTube.

Dans la peau d'un psychopathe

Après le premier épisode qui nous avait laissé une impression très mitigée, nous avons approché cette première présentation en toute intimité avec un regard circonspect. Pour rappel, le premier Kane & Lynch était déjà doté d'une ambiance forte et de ce duo de personnages charismatiques, mais pêchait par sa maniabilité, une narration parfois lourdingue et une difficulté très irrégulière. Et la critique s'en était fait l'écho. Karsten ne l'ignore pas : "nous avons entièrement revu les mécaniques de shoot", nous explique-t-il. "Parce que, cette fois, on joue Lynch, il réagit à l'instinct... et parce que nous avons eu des critiques mitigées. Nous avons fait beaucoup de testing, cette fois" conclut-il sur ce point. On attendra d'avoir le loisir d'y jouer sérieusement pour vérifier ses dires, mais pour revenir en tout cas au parti pris de cette suite, il s'agit de réalisme et d'expérience de la pègre, au cœur d'un Shanghai populaire, crasseux, et dangereux. Et donc cette fois dans la peau du taré, de loin le plus intéressant des deux. "Un anti-héros parfait", comme le décrit Karsten. Comme on pouvait s'y attendre, il s'agit d'un coup qui devait être tout bête (assez pour que Lynch convainque Kane de lui filer un coup de main), et qui tournera finalement au vinaigre pour les deux compères, chassés à la fois par la pègre locale et les flics pendant deux jours et deux nuits. Le tout dans un Shanghai ultra réaliste.

Les images ne rendent pas les coups

Mais ce réalisme devra trouver écho dans le gameplay également, au travers d'une fluidité et d'une accessibilité qui devront être mères d'action effrénée. Tandis que Lynch, à l'image, décharge en alternance de son fusil à pompes et de sa mitrailleuse au milieu d'une usine de textile chinoise dont les murs et objets volent en éclats, il semble que les développeurs se soient bel et bien penchés sur ce point. En effet, le système de couverture est à présent géré par bouton, un premier soulagement par rapport à l'automatique foireux du premier opus, et tout se déroule très vite à l'écran. De même, tomber à terre ne veut pas dire mourir, et lorsqu'on se prend une balle, on peut encore ramper derrière une couverture pour se remettre aussitôt d'aplomb... si tant est qu'un second projectile ne nous intercepte pas. Le son spatial contribue à nous plonger dans cette ambiance violente très similaire au travail de Michael Mann (dont Io est incontestablement fan), et les éléments narratifs reprennent les dialogues de gangsters lancés au beau milieu des fusillades. Les décors destructibles semblent encore plus poussés sur ce point, et on évoluera, une fois encore, avec d'autres personnages pendant certaines scènes. Bref, l'ambiance était là sur les deux missions que nous avons pu découvrir, c'est incontestable.

Ce premier contact de visu avec Kane & Lynch 2 : Dog Days aura eu le mérite de nous faire découvrir une suite qui, selon toute apparence, semble avoir non seulement intégré et s'être penchée sur les faiblesses de l'original (ce qui restera à vérifier manette en mains), mais opté pour un traitement visuel bien trouvé, et brillamment implémenté. Mode co-op de retour, et cette fois-ci jouable en ligne, retour aussi d'un mode "Fragile Alliance" enrichit, et autres surprises complètent une formule qu'on nous promet "plus réelle, plus sombre, plus intense"... On vous en reparlera très bientôt !