"BioShock est à propos du choix" commence Paul Hellquist, le lead designer du studio Irrational Games, pendant que le jeu se charge à l'écran. "Notre héritage, c'est System Shock", ajoute-t-il. Un titre assez mythique, qui partage avec BioShock non seulement un titre un peu ridicule, mais aussi et surtout une volonté véritable de pousser la liberté dans le gameplay, autant que l'univers, d'un shooter d'apparence classique. Ancêtre de Deus Ex, unanimement reconnu comme l'un des titres majeurs de tout un courant de pensée du Game Design moderne (lié au concept de gameplay émergeant), la référence est claire et efficace : on s'intéresse de suite au titre. Bon, avouons-le, quand on voit le graphisme, on s'y intéresse aussi direct.

Beau comme un camion

Lorsque l'écran HD s'éclaire enfin, la seule idée d'un titre à la magie libertaire façon Deus Ex n'est plus seule responsable de l'enthousiasme naissant qu'on ressent à l'égard de BioShock : le visuel s'ajoute immédiatement à son crédit. "Le joueur est un anonyme monsieur tout-le-monde", continue Paul sur un ton posé, devant le petit comité de privilégiés que nous sommes. Après un crash d'avion en plein océan, Monsieur Tout-le-Monde parvient miraculeusement à rejoindre Rapture, une sorte de cité sous-marine où des gens ont vécu, et sont morts, laissant partout des traces d'apparence très fraîches de leur passage, à la manière de la population figée de Pompeï. A l'écran, les décors captivent. Mélangeant magnifiquement du 20 000 lieues sous les mers avec des éléments à la Fallout, et d'autres nettement plus modernes, on est immédiatement saisi par le design, raffiné et appuyé par le moteur Unreal Engine 3, le même que Gear of Wars.

"Rapture n'a rien à voir avec la vision classique d'un post apocalyptique froid et métallique, c'est une utopie Art-Deco que les gens qui l'ont bâtie voulaient chaleureuse, parfaite", confirme Paul alors que nous avançons dans une salle ressemblant à une anti-chambre, dont les fenêtres donnent sur les profondeurs de l'océan. Plus loin un cadavre appuyé sur une plinte. "Nous sommes dans une situation un peu délicate. Nous ressortons d'un affrontement difficile, il ne nous reste pas beaucoup de munition, et mieux vaudrait éviter de nouvelles confrontations". De toute évidence, et on s'en réjouit, Irrational a choisi d'axer sa démonstration sur autre chose que l'action... Un personnage, que les développeurs appellent un "big daddy", apparaît dans le couloir adjacent, et évolue lourdement dans un gros scaphandre, un peu pataud, nous passant sans même nous regarder. "Ce type est un costaud. On pourrait chercher à l'affronter, mais ce ne serait vraiment pas une bonne idée. D'autant qu'il s'occupe avant tout de ses propres affaires". En effet, Big Daddy s'intéresse plutôt à une valve perçant un des murs, et par laquelle s'échappe un filet d'eau... il la tripotte on ne sait trop comment, il en sort une petite fille. Elle semble bizarre, pale, et Big Daddy la protège. On s'approche, il nous pointe avec ce qui ressemble à un souffleur de feuilles mortes, mais n'ouvre pas le feu. La petite fille a peur, elle, et s'abrite derrière la jambe de Big Daddy. Lorsqu'on recule alors, elle se détend, et tous deux poursuivent leur business. La petite s'avance vers le cadavre de la plinte, sort une énorme seringue... et récupère on ne sait trop quels matériaux organiques. Puis elle remonte dans son trou, toujours escortée par le Big Daddy.

Houlà, ça y est, ça pue le Deus Ex à plein nez

L'écran s'assombrit, on change de scène : dans un bar capitonné, protégé par une tourelle de sécurité. "On ne joue pas un super héros dans BioShock. Pas de centaines de munitions dans nos chargeurs, pas de sac sans fond" poursuit Paul. Par contre, on peut fouiller un peu partout : cadavres, objets, commodes... et quelques gadgets improbables permettent à Monsieur-tout-le-monde d'accomplir tout de même quelques hauts-faits. En l'occurrence, il porte pour l'instant des bottes un peu spéciales capables de le faire cavaler très vite pendant une ou deux secondes. Magie des démonstrations planifiées, voilà qui correspond à merveille à la situation puisqu'elles nous permettront de passer rapidement devant la tourelle qui barre le chemin, pour s'engouffrer dans un escalier coudé qui nous emmènera plus bas. On y croise une femme complètement hystérique, aux mains remplacées par des crochets, qui s'accroche un peu partout en hurlant et en nous lançant des couteaux... vidant le dernier chargeur disponible, elle finit par s'écrouler. "Ces habitants de Rapture ont tellement modifié leurs corps par la génétique ou par les implants qu'ils ont perdu la tête".

Un peu plus loin, nous arrivons dans ce qui ressemble à une bibliothèque. Une caméra scanne la pièce d'un rythme imperturbable. Sur la droite, ce qui s'avère être un terminal de sécurité orne une colonne tapissée. "Dans Rapture, tout coûte de l'argent. La plupart des équipements étaient en libre service pour tous les citoyens, mais il fallait payer", explique Paul, qui choisit pour l'instant d'ignorer le terminal pour cette raison. On pourrait aussi détruire la caméra, mais le plus simple reste bien entendu de synchroniser notre passage avec le balayage, pour passer discrètement en exploitant l'angle mort. Manque de bol, l'alarme se déclenche, signe évident que l'angle en question n'était pas aussi large que prévu. Des bots de sécurité ressemblant énormément à ceux de Half-Life 2, volant et cognant en des gerbes d'étincelles les rebords métalliques contre lesquels notre feu nourri les repousse, ne tardent pas à débarquer, de plus en plus nombreux. Il faut se rendre à l'évidence : mieux vaut débourser notre argent sur le terminal de sécurité. Instantanément, ils s'écroulent. Paul esquisse un sourire discret. "On pourrait réparer ce bot endommagé, et en le reprogrammant, s'en servir plus tard, mais ce sera pour une prochaine démo...".

Tout en poursuivant la démonstration, on découvre que l'arme utilisée à l'écran dispose de munitions interchangeables, et leur efficacité s'avère en effet tout à fait variable. « D'ailleurs », précise Paul, "toutes les armes de Bioshock sont customisables". "Rapture est un univers ouvert. Nous ne limitons pas le joueur dans son exploration, elle est complètement libre, et ce sera à lui de recoller les morceaux pour mieux comprendre ce qui s'y passe". Relativement déserte, la cité reste chargée d'histoire, et de toute évidence, l'aspect narratif de Bioshock utilisera des mécaniques détournées pour nous apparaître. "Les habitants de Rapture ont laissé des témoignages, des journaux, des enregistrements, témoins de leur vie quotidienne interrompue" explique Paul en nous faisant écouter l'un d'eux. "C'est ainsi que nous avons décidé de raconter l'histoire que cache le jeu, et tous les mystères de cet univers".

De Deus Ex, Bioshock reprend aussi la customisation du personnage. Mais si dans le titre de Ion Storm, les choix effectués au cours de l'aventure étaient définitifs, Paul insiste sur le fait qu'à n'importe quel point de son titre, le joueur aura la possibilité de modifier cette configuration. Par exemple, les bottes pourront être remplacées par d'autres gadgets. Illustrant son propos, il nous emmène à présent dans une nouvelle salle, où un autre Big Daddy s'affaire, tandis qu'une de ces citoyennes folles semble garder l'entrée d'une porte. Se lancer dans un combat au milieu de cette configuration serait problématique, puisque le Big Daddy risquerait de nous prendre pour cible... grâce à l'aggressor, une sorte de spray rouge qui a la propriété d'exciter l'agressivité de ces "crawlers" bondissants, une solution simple à cette situation se profile. Il suffit d'utiliser le gadget sur le big daddy, ce qui ne manquera pas d'attirer la crawler dessus, nous permettant de franchir la porte en douce.

Malheureusement très courte, la démonstration ne dévoile que très peu d'éléments concernant cet univers mystérieux. "Ce sera au joueur de découvrir les subtilités de Rapture, ce qui s'est passé, et d'en apprendre plus sur sa propre situation", conclut Paul. En tout cas, la présentation et parvenue à ses fins : BioShock s'impose incontestablement comme un titre à surveiller de près.