King of the Monsters

Genre :

Destruct-them-all
Editeur : SNK
Année de sortie : 1991
Support : Neo-Geo, Megadrive et Arcade

King Of The Monsters est le premier jeu qui aborde sans tabou la matérialisation de la subjectivité radicale dans la critique littéraire. En effet, les membres d'un club de littérature de monstres anxiogènes géants débattent en pleine cité urbaine de leur dernière lecture de chevet : Le Contrat Social de Rousseau . Mais rapidement, les échanges verbaux civilisés se transforment en gestes de violence roboratifs. Pour résumer l'idée phare de l'écrivain-philosophe genévois, il considère que dans un État, la volonté générale ne constitue pas la somme des volontés particulières (c'est-à-dire la volonté de tous), mais comme ce qui procède de l'intérêt commun. Évidemment, les titans érudits ne sont pas de cet avis, et contestent sauvagement ces propositions, en prônant le retour du concept d'état de nature (qui désigne la situation de l'humanité en l'absence de lois) en fracassant le mobilier urbain qui les entoure, brandissant en guise d'argumentations le sacrosaint droit naturel (droit de se défendre, de se nourrir, de tout pulvériser...) énoncé par Hobbes. De là commence la destruction de la cité des hommes du point de vue matériel...

SNK déconstruit le mythe des monstres géants bourrins et brutaux, en nous livrant au contraire une palette de protagonistes d'une profondeur psychologique et d'une subtilité inégalée. Chaque colosse tentera de nous soumettre ses propres concepts de la vie en société aux travers d'allégories puissantes comme la réduction en miettes de quartiers nippons entiers, ou encore l'usage sans complexe d'images d'Épinal d'étreintes bestiales interlopes calquées sur la vie décadente de certains philosophes grecques du passé. Tout ça pour aboutir à un final époustouflant qui s'inspire librement de la conclusion de la bande dessinée Watchmen d'Alan Moore : que des cendres de la destruction peut naitre une société nouvelle basée sur un contrat social 2.0 ; que par leur sacrifice, les soi-disant monstres de KOTM auront réussi à amener une paix durable parmi les hommes en provocant un élan phénoménal de solidarité terrien face à l'adversité des créatures géantes... ce qui était en fait leur plan d'origine ! Quelle mise en abîme de ouf ! Bref, avec son intrigue pas piquée des hannetons, King of the Monsters mérite amplement l'appellation non usurpée de premier "Best Videogame Novel" de tous les temps.

Derrière ce qui ressemble à un débat houleux anodin sur le Contrat Social de Rousseau, se cache un plan subtil visant à révolutionner la face de l'humanité toute entière. C'est beau.