La série des Assassin's Creed peut être à la fois fascinante et décevante. Souvent victime d'un manichéisme avéré, il n'est pas rare que celle-ci perde en intérêt. Assassin's Creed III avait revu certains mécanismes de la série et avait enfin limité l'aspect manichéen dont souffrait tous les épisodes précédents. Assassin's Creed IV Black Flag s'inscrit dans la continuité de son prédécesseur, et offre un point vue relativement éloigné du conflit Assassin/Templier afin de pousser à une remise en question significative.

 

 

Black Flag débarque donc un an après le précédant épisode comme le rituel de Ubisoft l'exige, une année, un Assassin's Creed. Pour l'occasion, nous sommes en présence du tout premier Assassin's Creed jouable sur les nouvelles consoles. Un atout qui offre au jeu un décor inédit et impressionnant. En plus d'un sens du débat indéniable et une narration finement écrite amenant une réflexion et des nuances bienvenues sur le combat des deux ordres, le tout reposant sur un héros charismatique qui offre une troisième version d'un personnage portant le nom maintenant connu de Kenway.

Ce nouvel opus est une suite directe du scénario du présent mais une préquelle du passé. Black Flag suit Edward Kenway, grand-père de Connor, héros de ACIII, alors qu'il cherche à se faire une place dans le monde de la piraterie et se construire une certaine fortune. Charismatique, bien écrit, Edward offre une aventure inédite, celle de parler d'un personnage qui n'est ni Assassin ni Templier, mais tout de même mouillé dans la guerre des deux camps. Ce qui est à mon sens un nouveau vent de fraîcheur sur la saga et permet un regard extérieur sur le conflit des deux Ordres, le tout vu par un personnage qui n'a pas les valeurs d'un Ezio, et qui est loin d'être un mouton croyant aveuglement au Credo ou aux principes de l'Ordre. Très arrogant, il ne croit qu'en lui et est même un brin moqueur envers les Assassins, ce qui nous les fait voir d'une tout autre manière tellement le point de vue extérieur du conflit est d'un réel optimisme.

 

Assassin's Creed IV Black Flag se déroule lors de l'âge d'or de la piraterie. Nous offrant dans ce contexte, une occasion de cotoyer les plus célébres pirates de l'époque. Rares sont les gens qui sont capables de citer plus de deux noms de pirates historiques et pratiquement personne ne peut expliquer ce qu'ils ont concrètement fait durant leur vie. C'est donc en ce sens que Ubisoft traite également la philosophie opportuniste des Forbans, pour l'ajouter aux comparaisons des factions Assassin et Templier. Du côté des points négatifs, le jeu souffre d'une gestion de rythme et des ellipses temporelles passablement ratée. Il faut dire que pour beaucoup, sortir du passé pour s'adonner aux tâches du présent represente encore une véritable corvée. Et cela peut paraître agaçant quand on se dit qu'après un Desmond qui nous permettait des phrases d'actions, nous nous retrouvons avec ...nous-même, en mode FPS, cherchant des informations sur divers ordinateurs de Abstergo Industries. Il n'y a pas vraiment de mal, l'action dans le passé, recherche d'informations dans le présent, et il est vrai qu'en dehors du fait que le l'intrigue de la méta-histoire stagne ici beaucoup, on peut véritablement apprendre beaucoup de chose lors de nos opérations illégales dans les bureaux. Heureusement, la représentation globale des personnages que ce soit du côté du présent ou du passé est très réussie. Les PNJ sont certes mal mis en scène, mais ils restent très travaillés et les scénaristes ont trouvé des astuces sympas pour les intégrer à la méta-histoire. Bref, sans surprise, le boulot a bien été rempli du côté immersion.

 

Le gameplay à terre est pour ainsi dire identique à celui d'Assassin's Creed III, si ce n'est que l'infiltration est enfin utilisable de manière concrète, même si on se dit que pour une Confrérie qui oeuvre dans l'ombre pour servir la lumière, il y a peut-être mieux à faire. Les combats brouillons et du free-running qui manque de précision comme c'est souvent le cas dans la série, même si très plaisant à l'instar d'Assassin's Creed III, on aurait d'ailleurs apprécié davantage de nouveaux combos. Lorsque le jeu demande un peu plus de maîtrise, ça devient très vite frustrant.

La série nécessite vraiment une remise en question en profondeur. Pour l'heure il me semble que ça passe encore, mais le tout est véritablement plus passable pour l'époque. Si le gameplay au sol n'a rien de surprenant, nous sommes en possession d'une évolution significative des batailles navales d'Assassin's III. Cependant les vents sont encore moins capricieux que dans le troisième épisode, et le jeu n'offre pas la possibilité de choisir le type de boulets avec lequel on veut envoyer une bordée, car tout est imposé pour rendre les batailles plus funs, mais moins difficiles que dans ACIII. Il n'est pas compliqué là où Assassin's Creed III réclammait une vigilence sur plusieurs points précis. Noatement le vent, les vagues, ou encore le choix des boulets en rapport avec lisue du combat. Du côté de la manœuvrabilité, les Deux-Ponts vont souvent plus vite que les Bricks et les Goélettes : ça pose un vrai problème de crédibilité. Reste que cette construction simpliste a des effets positifs, une fois en jeu : ralentir les navires ennemis force le joueur à les prendre en chasse, et il est souvent nécessaire de bien se positionner pour maximiser l'impact des tirs. Le système nous épargne certaines prises de tête qui, au nom du réalisme, auraient sans doute plombé l'envie des joueurs d'arpenter les mers, y compris la vitesse du bateau sur l'eau qui ferait palir les navires modernes.

 

Dernière chose, la cohabitation du gameplay traditionnel de la série et de la gestion d'un navire offre une plus-value assez surprenante : ce sentiment grisant de pouvoir tout explorer à sa guise, de la manière qui nous convient. Pouvoir s'arrêter partout en mer pour crapahuter au sommet du grand mât, sauter à l'eau à tout moment, débarquer là où ça nous arrange, aborder en solo les navires ennemis qui mouillent à proximité des ports pour les éperonner, une fois de retour à bord du Jackdaw, sans résistance. Les outils ne manquent pas et les joueurs ingénieux ne se lasseront pas d'exploiter de nouvelles manières d'arriver à leurs fins, c'est un sentiment de liberté inégalé qui parcours continuellement Assassin's Creed IV Black Flag.

 

Malgré quelques tares, il serait idiot de bouder notre plaisir devant une aventure si immersive, si maitrisée dans sa manière de tout remettre en cause à travers un personnage totalement extérieur et contraire aux deux factions, Assassin et Templier, pour prendre part minimement au confit, donner son avis, et s'en jouer dans des touches d'humour plus que bienvenues. Assassin's Creed IV Black Flag est pétrie de bonnes intentions en offrant aux joueurs une aventure qui mise avant tout sur l'immersion, et sur une narration poussant plus loin encore à la réfléxion. Edward Kenway incarne de ce fait un vent de fraîcheur qui permet de voir la guerre Assassin/Templier d'une toute autre manière, via son point de vue extérieur.