The Walking Dead ; un jeu qui aura nécessité une certaine foi et attente de ma part. Étant antidématérialiste j'ai serré des dents faces aux éloges fait au premier épisode, au second, au troisième jusqu'au cinquième... Mes lacunes en anglais m'aurait empêché d'apprécier la version boîte si elle débarquait en Europe non-traduite... Le meilleur pour la fin la presse avait finalement annoncé que le titre serait une exclusivité de Micromania ce qui était plus que dommageable pour quelqu'un habitant à la Réunion. Maintenant, je l'ai en bonne et due forme, j'ai réussi à me préserver des révélations importantes tout en consultant la plupart des critiques que ce jeu a reçues. Je vous raconte cette anecdote pour vous faire comprendre ma bonne foi : si vous avez l'impression que je cherche à descendre ce titre gratuitement, alors non ce n'est qu'une impression car son obtention fut ardue.

The Walking Dead le jeu vidéo, sorti pour la première fois en avril 2012, basé sur la BD de Robert Kirkman. La série fut réalisée par différents scénaristes toujours accompagnés d'un game designer pour assurer la cohésion entre le gameplay et l'histoire. Nous pouvons donc remercier - entre autre - Sean Vanaman, Jake Rodkin, Mark Darin ou encore Gary Whitta. (en passant, le test spoile)

 

L'histoire et la structure épisodique

Ex-professeur d'histoire, afro-américain et accessoirement menotté : c'est avec Lee Everett que le jeu débute, dans une voiture de police en direction de la prison d'Atlanta. On apprend, alors qu'il discute avec le chauffeur, qu'il serait accusé d'avoir commis un meurtre, la conversation tourne court quand le chauffeur heurte sur la route... un zombie. Après avoir connaissance avec les cadavres marchants peu bavards, Lee fait très tôt la rencontre de Clementine, une petite fille débrouillarde qui est sans nouvelle de ses parents. Le jeu suit donc les aventures de Lee accompagné de Clementine au sein d'un groupe de survivants dont la cohésion est sans cesse remise en cause par les événements extérieurs et les luttes internes.

Petit aveu : j'avoue que si j'ai mis le nom des scénaristes et des développeurs en introduction ce n'est pas seulement pour leur rendre hommage, non c'est pour attirer l'attention sur quelque chose que j'ai appris récemment. Tous les épisodes n'ont pas été écrit par la même personne. L'épisode 1, 3 et 5 furent écrite par Sean Vanaman. L'épisode 2 et 4 fut écrite par d'autres scénaristes. Ainsi, on arrive à comprendre la différence de ton entre ces épisodes: le second lorgne vers le thriller horrifique avec le thème du cannibalisme et le quatrième ressemble à une opération d'infiltration.

Que dire sur le scénario ? Oui, j'en conviens il est bon voire vraiment très bon et il ne souffrirait pas de la comparaison avec un film ou une série. Mais, concrètement, quelles sont les qualités que je voudrais retrouver dans d'autres jeux ? Pour moi qu'est-ce qui fait la différence entre The Walking Dead, Sly Cooper Thieves in Time, Uncharted 2 Among Thieves ou n'importe qu'elle titre que j'ai trouvé médiocre ? Outre les dialogues et les personnages qui sonnent juste, l'utilisation judicieuse du hors-champ ou le jeu d'acteur correct...

Deux choses : le caractère humain du titre et sa cohérence. Dans cette adaptation d comics de Kirkman à la différence d'un autre jeu d'horreur/zombie on ne s'étale ni sur les créatures ni sur le background. Il y a bien une ou deux informations qui font offices de surprise sur le développement des rôdeurs, mais rien sur leurs origines. Le bestiaire est sobre. De cette façon, vu le peu d'information sur eux, il est facile de faire abstraction de la nature de la menace (quand bien même elle est réelle dans le jeu, ça pourrait être une épidémie nécessitant l'euthanasie ce serait pas trop différent) pour se concentrer sur un autre point du scénario, l'essentiel pour moi, qui ici est la relation entre les gens au sein d'une petite communauté dans une situation de crise. Le noyau de l'histoire est une question d'ordre général, sur la nature humaine et tout ce qui s'y rattache après lui donne de la consistance au lieu de l'éparpiller La place peu importante du background est moyen comme un autre pour mettre en valeur cette situation

Viens ensuite la question de la cohérence. Si l'épisode 2 et 4 tentent des choses différemment, des détails reviennent toujours selon les épisodes. La question de la survie et de ses limites morales, l'épreuve du deuil et l'éducation qui reviennent par petite touche jusqu'au dernier « opposant » qui reprend tous ces thèmes et dont la rencontre a été prévue dès la fin de l'épisode 2. Les plus belles surprises du jeu sont toujours préparé en amont, rien n'arrive comme un cheveux sur la soupe.

Maintenant le gameplay :

 

Le contrôle du personnage, l'aspect point&click

Pour parler du gameplay il serait bien de tenter de définir le genre, ne penons aucun risques : The Walking Dead est plus proche du Point&Click que du FPS, du TPS, du jeu de réflexion, de gestion ou même du survival-horror. Un genre particulièrement affilé au PC où a vu le jour des jeux comme Sanitarium, Sam & Max, Monkey Island ou Day of the Tentacule. Ce qui nous met sur cette piste c'est qu'on « pointe » ou plutôt cible les éléments du décors à l'aide du stick droit et les touches de façade permettent d'enclencher une action - examiner, prendre, etc - sur ces mêmes éléments en ayant le contrôle sur un personnage unique dans le titre de Telltate. On dispose aussi d'un inventaire qui comme le veut la tradition servira à résoudre des énigmes en interagissant avec l'environnement et on se retrouve avec la non-capacité de gérer la caméra alors que le jeu est en 3D.

Si on s'entête à désigner le jeu comme tel, puisqu'à première vue la prise en main provoque cette intuition, on peut alors s'attendre à ce qu'il réponde au principe des Point&Click qui est de proposer un scénario volubile et conséquent, un challenge basé sur des énigmes - si possible cohérente avec l'histoire - et un contrôle simple et intuitif. L'utilisation de la caméra que le joueur découvre rapidement vient également renforcer cette première impression . La place de la caméra prédéfinis et non-manipulable sur toute la durée de jeu témoigne d'une volonté de mise en scène (les différentes valeurs de plan et le hors-champ) et de visibilité (les objets interactifs ou les chemins mis en valeur) tout en simplifiant les manœuvres de contrôle au joueur. Le procédé est tout aussi vieux que le jeu d'horreur avec Alone in The Dark (1992) même si la démocratisation des deux sticks sur manette a fait qu'on a préféré laisser le joueur maître de la caméra.

L'affiliation du stick droit au curseur dans The Walking Dead plutôt qu'à la caméra n'aide pas cependant à l'identification de son genre. Après réflexion une contradiction se révèle sur ses contrôles car il propose deux maniabilités du personnage au joueur, en même temps, tout deux appartenant à un genre différent. Le contrôle classique du personnage 3D où on manœoeuvre son personnage au stick droit qui est limité et qui prend difficilement en compte les changements de caméra. Le contrôle en Point&Click où il suffit d'interagir avec un objet même hors de portée de Lee pour que celui-ci s'y dirige tout seul en un clic, elle est moins limitée certes mais offre moins de contrôle au joueur puisque son personnage fait quelque chose qu'il aurait bien pu faire. De plus, avoir un élément abstrait (le curseur) qui déambule sur tout l'écran est beaucoup moins immersif qu'un HUD dans un coin de celui-ci, fixe et qui affiche toutes les actions contextuels disponibles. (Assassin's Creed, par exemple)

Néanmoins, si le titre ne semble pas avoir de parti-pris fort durant les scènes d'explorations et de contrôles ordinaires, ce sont durant les phases d'actions souvent chronométrés que le titre transcende sa base de Point&Click. Je dis transcender parce qu'on affilie les point&click a des jeux intellectuels qui demandent plus de réflexion que d'adresse et de réflexe, The Walking Dead arrive à donner aux joueurs des montées d'adrénaline tout en gardant une cohérence avec les contrôles et l'interfaces. Lors des phases plus musclés et stressantes le jeu passe d'une caméra de dos proche de Lee ou à une caméra subjective (qui ne surprend pas puisqu'on a eu l'habitude des changements de caméra), le joueur parfois ne peut plus déplacer son personnage mais on est toujours en train de pointer un élément pour le frapper à l'arme blanche ou le tirer dessus. Le principe est repris pendant un temps limité et la maniabilité peu précise du stick couplée à la maniabilité volontaire approximative du jeu fait qu'on n'est pas dans une situation de toute puissance dans ces phases surprises. Les QTE arrivent aussi par surprise.

Ces phases servent à apporter du dynamisme au récit sans en faire un jeu d'action quand bien même on se croirait dans un FPS/TPS à ces moments-là. Il serait peu probable que la formule aurait marché si on avait multiplié et insisté sur ces phases. La restriction et l'approximation des contrôles auraient rendu frustrant le jeu sur la durée si cela avait été le cas et l'immersion avec le personnage aurait en pâti. (cf. l'infiltration de l'épisode 4 de Crawford où le personnage avance à vitesse unique ou la scène d'action finale où il marche tout seul)

Si on se réfère à la définition de Planète Aventure qui considère qu'un jeu d'aventure se base sur son histoire et son challenge intellectuel alors peut-être qu'il faut remettre en question le genre de The Walking Dead. Certes les énigmes sont de nature variée, elles sont cohérentes avec l'histoire, nos actions sont sémantiques, mais elles ne sont pas les problèmes à résoudre les plus importants du joueur. Il n'y a que l'infiltration au motel du premier épisode qui s'avère être le défi qui demande le plus de jugeote et d'observation de tout le jeu. On ne saurait donc considérer les énigmes comme les problèmes les plus difficiles et les plus nombreuses du jeu à résoudre. Si ce ne sont ni les énigmes, ni les phases d'action qui s'avèrent être les véritables problèmes du joueur, du personnage et du scénario alors qu'est-ce que c'est ?

 

Histoire = tenter de résoudre un conflit. Ok, alors c'est quoi le problème ?

Si vous avez lu le lien que j'ai posté précédemment, vous avez remarqué que la définition de Planète Aventure s'évertuait à différencier le RPG et le jeu d'aventure. Il n'y a pas non plus de composante aléatoire dans The Walkind Dead tout est déterminé par les développeurs et les scénaristes, pourtant on oserait faire le rapprochement avec le jeu de rôle à cause des dialogues à choix multiples. Laisser du pouvoir au joueur sur l'histoire, c'est le laisser la possibilité de flinguer le récit et c'est encore plus présent dans ce jeu : le joueur peut anéantir le personnage de Lee en faisant de lui un individu qui dit tout et son contraire ou qui ne dit rien. Il va dans ce sens de détruire le véritable challenge du jeu (la véritable série de problèmes difficiles et prépondérantes) parce que celui-ci n'existe que dans sa tête.

Lors des premières minutes du jeu vous êtes un fugitif coupable d'un crime (qu'on ignore) et vous rencontrez des personnes dans une situation tendue : la fin du monde. Il n'y a aucune demande de la part des développeurs qui disent avant un dialogue « Attention Lee ne doit pas se trahir sinon il se pourrait que le groupe le juge dangereux et le tue ! ». Lorsqu'on rencontre pour la première fois des personnages adultes qui ne nous connaissent pas aucune réponse ne nous permet de trahir le personnage devant ses compagnons, toutes les réponses dissimulent plus ou moins la vérité. Si on considère que notre seul objectif concret est de survivre alors on donnera une réponse qui ne nous fera pas paraître trop suspect pour éviter d'être à l'origine d'une tension dans le groupe.

On est donc bien face à un challenge, les développeurs nous imposent des limites (on ne peut pas avouer qu'on a été accusé d'un crime), on en déduit un objectif (il ne faut pas qu'on sache que Lee fut accusé d'un crime) et on donne une réponse satisfaisante à nos interlocuteurs. Ce n'est pas du jeu de rôle gratuit puisque notre personnage est dans la même situation que nous et qu'il joue un rôle pour se préserver d'un monde devenu encore plus dangereux. Ce n'est malheureusement pas très clair puisque ce problème ne propose pas de bonne solution (tous les choix se valent), qu'elle ne dépend de l'immersion du joueur et qu'à la fin du premier épisode on est face à une cassure. Il arrive un moment où on doit parler de ce qu'a fait Lee, le problème c'est que nous-même on ne connaît pas la nature de son crime et que la situation devient incompréhensible pour le joueur. On peut parler d'erreur, mais le tout a le mérite d'amener le second problème.

Le joueur ignore si Lee est une bonne ou mauvaise personne, s'il veut être un bon chef de groupe ou quelqu'un de passif, il ignore plein de choses et après avoir été inclus dans le groupe après le chapitre un il n'a plus tant de raisons de mentir aux autres et d'être dans la suspicion. Mais le joueur a une certitude : Lee aime Clementine et il fera tout pour la protéger. Le problème du joueur et du personnage est donc de protéger Clementine aussi bien physiquement que moralement durant les prochains épisodes. Toutefois afin d'assurer sa sécurité, il arrivera qu'on se salisse les mains, qu'on la mette à l'écart ou qu'on lui mente. Le joueur croit (n'oubliez pas toutes les réponses se valent plus ou moins) faire ce qui est bon pour elle et pour la survie de ses deux personnages, les autres sont plus ou moins bonus. La fin du jeu ne trompe pas d'ailleurs, mais il ne s'agit de rationalisé le comportement sur tout le jeu en disant qu'il ne pense qu'à Clementine mais d'en faire comme le disent les développeurs sa « moral compass ».

(C'est à ce moment que je fonds en larme pour vous dire que The Walking Dead est un jeu humain se basant sur des problèmes moraux avec une absence totale de manichéisme, où les choix ne sont pas des choix stratégiques pour le joueur (Bioshock 2) ou complètement illusoire. Mais passons.)

Bon après, à chaque parti-pris son problème. D'abord la rejouabilité : on a quelque soucis pour refaire sur son jeu. Je ne vois pas la rejouabilité comme un argument d'achat, c'est juste que j'aime bien rejouer à un jeu comme je lirais un livre ou regarderai un film de nouveau, une question de confort en somme. Il arrive même que quelque détail de mise en scène ou du scénario m'apparaissent sous un nouveau angle tandis que dans un jeu de nouvelles subtilités de gameplay font leurs apparitions. L'incovénient avec The Walking Dead c'est que les approximations des phases d'action et les dialogues chronométrés dont on choisit parfois une réponse sans avoir eu le temps de tout lire font qu'on ne peut pas revivre exactement notre première partie à nous. Mais comme l'histoire est toujours la même à quelque détails près, on pourra difficilement s'en éloigner à moins de rejouer et de faire l'exact contraire de notre première partie quand on le souhaite. (vous suivez ?) En définitif, c'est comme si on vous ré-racontez un conte avec des détails différents et il n'est pas sûr que vous soyez toujours satisfait, comme l'a dit Seb' un mode nous permettant de revivre l'aventure comme notre première fois n'aurait pas été de refus pour revivre à cette expérience unique comme spectateur.

Ensuite, le second problème et pas des moindres est le manque d'impact que le joueur à sur l'histoire. Je dis problème mais il s'agit plus d'un sujet à débat que d'un vrai défaut. Pour certains il s'agit de maintenir une illusion, pour d'autre il s'agit juste de nous faire incarner le personnage et non les scénaristes. Il est donc normal qu'on ait peu d'impact sur l'histoire puisque nous sommes, comme les protagonistes, impuissants face à la vie et ses événements. Par contre, les protagonistes ne savent pas qu'ils sont dans un jeu ou plutôt ils ne devinent pas à quel moment le scénario décide de tuer un protagoniste, le joueur si. On parlera généralement de ressenti, mais vers les deux derniers chapitres quand on a compris que l'illusion ne tient plus, mettre le joueur face à un dilemme comme sauver l'un de ses camarades qui vient de se trahir tout seul c'est juste replacer le joueur devant la vacuité de la mécanique. Pourquoi me donne-t-on la fausse option que je peux sauver un camarade quand le jeu m'a montré quelques épisodes plus tôt que la vie des protagonistes était froidement déterminé ? Les développeurs en voulaient faire une scène crève-coeœur ? D'ailleurs, même les influences sur les relations perdent de leurs panaches étant donné qu'on sait très bien que les choses devaient arriver (par exemple. J'ai poussé Omid pour qu'il saute dans le train dans le chapitre trois, on a beau m'avoir reproché d'avoir cassé sa jambe je savais qu'au fond mon action n'y était pour rien là-dedans)

Tout ça pour dire que si l'absence de conséquence est défendable, les développeurs auraient dû varier les situations pour que l'illusion persiste, ne pas ré-utiliser certaines mécaniques. Tel le meurtre des Petites Soeœurs dans Bioshock quand on se rend compte qu'elles sont identiques et qu'elles meurent de la même façon, on devient impassible en les tuant de sang-froid.

 

Conclusion oblige, je dois finalement vous faire un coup de grâce. Dire que The Walking Dead n'appartient ni au Point&Click, ni au jeu d'aventure, mais une nouvelle forme de jeu vidéo (si elle n'est pas nouvelle, arrêtez-moi évidemment) avec une nouvelle forme de challenge basée sur la morale et les choix de dialogues. Comme c'est aussi la conclusion, je suppose que je dois vous répondre pourquoi il a cette note ? Hum ? Non ? Vous m'enlevez une épine du pied alors !