Dès son premier épisode, God of War avait tout donné. Le jeu ne cherchait pas se brûler les ailes face aux BTA stars comme Devil May Cry ou Ninja Gaiden, préférant l'approche directe, violente, sans trop de raffinement, que suggérait son héros, le toujours très énervé et premier degré, Kratos et lorgnait souvent sur le modèle du Zelda-like (capacités nouvelles à acquérir et énigmes tordues à résoudre). Un modèle sur lequel Darksiders fera ses choux gras. L'ensemble baignait dans la mythologie et la démesure hollywoodienne, à coups de monstres gigantesques, de trahisons, de violences et d'intrigues où les hommes ne sont que le jouet des Dieux.
David Jaffe, son créateur, avait trouvé une formule, certes pas toujours très fine, mais qui offrait une expérience viscérale, un côté seul contre tous jouissif qui promettait au joueur de se mesurer aux créatures mythologiques et aux Dieux, juste pour le plaisir de la vengeance.

Les suites n'ont pas vraiment bouleversé la formule, l'appauvrissant même ou l'amputant de son côté Zelda-like, pour aller toujours vers plus de démesure, de spectaculaire et de violence. Kratos continuait son ascension, laissant derrière lui des cadavres toujours plus gros. On ne touchait pas vraiment au gameplay (lames du chaos et carré, carré, triangle régnaient de toute façon en maître) pour s'attarder sur la vitrine, cette claque technologique, comme une certitude d'en prendre plein les yeux dès les premières minutes. Mission accomplie pour God of War 3 et l'esbroufe impressionnante de son ouverture.

Ascension, cette préquelle dont peu de joueurs semblaient vouloir (Santa Monica concentrant sa communication sur le multijoueurs), arrive dans ce champ dévasté, après la bataille, après Poseïdon, après la rage et après le final, en cherchant justement à se la jouer avant, chronologiquement, en visant les traumas de Kratos. God of War Introspection.
La première heure d'Ascension a quelque chose de forcé comme si Santa Monica voulait suivre le cahier des charges de la série tout en sachant qu'ils ne feront pas mieux que l'ouverture du précédent. Une créature gigantesque, du QTE et des plans de caméra aussi lointains que la Grèce vue du Ciel. A trop vouloir en faire, le jeu devient illisible et injouable, le joueur contrôlant un Kratos minipouce, balloté dans un cube géant. Rageant, frustrant et inutile.
Passés ces premiers moments de l'amant qui veut à nouveau impressionner une ex conquête, Ascension trouve son rythme, plus direct, moins écrit et moins mis en scène que les précédents. Moins d'enjeu mais plus de jeu. Le contre est une bonne trouvaille et Santa Monica a réglé définitivement le problème des armes : il n'y en aura qu'une. Les lames du Chaos auxquelles s'ajoutent des élémentaires (feu, glace, foudre...), qui ne changent rien au gameplay mais varient les effets.

Ascension n'est pas l'épisode de trop, mais juste un épisode de plus. Il témoigne du temps qui passe sur une série qui n'a plus grand chose à raconter ni à offrir au joueur, rangée dans la même case que Gears of War. Et c'est finalement là que cet épisode est le plus plaisant, quand il oublie ses cinématiques à base de QTE et sa démesure toc, quand il fait de ses arènes des face-à-face intenses entre Kratos et des créatures mythologiques, quand il se tait et laisse le joueur jouer.
Ascension a beau tenter un dernier baroud d'honneur avec un boss sorti de nulle part, du tonnerre et des tempêtes, du QTE sans intérêt, comme un dernier reflet de sa grandiloquence brisée, on ne l'aimera qu'une dizaine d'heures quand il se la joue sobre, les yeux dans les yeux, le pouce du joueur prêt pour un énième carré, carré, triangle.