Après un Dark Cloud quelque peu raté mais aux
idées intéressantes, Level-5 a acquis une certaine crédibilité et un certain
respect chez les RPGistes, avec deux derniers jeux aboutis : Dark
Chronicle et Dragon Quest : L'odyssée du roi maudit, dans lesquels le
studio japonais a su prouver sa maitrise de la technique du cell-shading.
 

Contrairement à d'autres RPG, l'aventure ne
débute pas avec le réveil pénible du héros principal, qui se nomme ici Jaster
Rogue. Le jeune homme, résident de la planète désertique Rosa, et orphelin
recueilli dès son plus jeune âge par le prêtre du village, ne rêve que d'une
chose : partir à l'aventure et visiter d'autres planètes. Et voilà qu'un
heureux concours de circonstances va changer son destin. Des pirates de
l'espace le prenant pour 'Desert Claw' vont l'embaucher, et lui proposer de les
accompagner dans leurs aventures. Tout ceci, dans un contexte de conflit
intergalactique qui voit la Fédération de Longardie annexer certaines planètes
pour s'en approprier leurs ressources.

Que ceux qui n'ont pas reconnu une référence
à Star Wars, à Luke Skywalker et à ses amis contrebandiers, à la planète
Tatooine et à l'ainé spirituel, ou encore à l'Empire, se lèvent et reçoivent
des éclairs de rappel de nos mains. A l'instar de Final Fantasy XII, Rogue
Galaxy n'hésite pas à puiser son inspiration dans la célèbre saga de space
opera cinématographique, la ville de Archadès présente dans le premier venant
rejoindre la planète Zerard du second dans les imitations évidentes de la
planète Coruscant de l'œuvre de George Lucas. Et le soft de Level-5 présente bien
d'autres points de comparaison avec le blockbuster de Square-Enix...

 Le périple de Jaster et de ses amis pirates
va les amener à visiter différentes planètes aux mœurs et aux reliefs divers. Les
phases d'exploration sont légion dans Rogue Galaxy, et se révèlent au final
assez fastidieuses, avec des donjons à rallonge et interminables (heureusement,
il y a de nombreux points de sauvegarde où l'on peut se régénérer et se téléporter).
Les décors manquent paradoxalement de variété, paraissent ternes pour certains et
surtout, ils ne donnent pas cette sensation de dépaysement, de découverte et
d'aventure que pouvaient procurer ceux de Dragon Quest VIII. Et on ne se
surprend pas non plus à rester extasié devant les constructions immobilières,
comme on avait pu l'être face au temple de Miliam ou devant la cité de
Gilvégane de FFXII.

Le cell-shading de Level-5 fait en revanche
des merveilles au niveau des personnages. Un chara-design soigné et des
couleurs bien vives pour un casting néanmoins classique. On retrouve le héros
peu charismatique et un peu gauche, l'acolyte marginal, la copine naïve, le
méchant à la chevelure grise, ou encore les boss aux transformations plus
monstrueuses les unes que les autres. Si l'histoire dans laquelle ces bonnes
gens sont embarquées est classique, à savoir aider un héros qui se découvre, à
sauver le monde (pardon, l'univers), Rogue Galaxy tire son charme des passés
plus ou moins touchants de ses personnages. A la manière de la série Lost, on
découvre au fur et à mesure les histoires de chacun, la plus poignante étant
certainement celle du robot Steve, dont le papa n'est pas sans rappeler celui
de Astro Boy. Mais faute à un manque de maturité, et à une bande-son un peu
trop plate (qui d'ailleurs s'avère lassante lors des phases d'exploration),
Rogue Galaxy n'atteint jamais le niveau tragique d'un Valkyrie Profile magnifié
par une sublime mise en scène et la musique de Motoi Sakuraba.

Rogue Galaxy propose des combats en
quasi-temps réel, qui interviennent à un rythme aléatoire et n'occasionnent qu'une
légère rupture dans la progression territoriale. Explication : vous
commandez un groupe de trois combattants (dont Jaster fait forcément partie),
et vous incarnez l'un d'eux qui montre le chemin à suivre à ses petits copains.
A fréquence aléatoire surgit alors un message 'Warning' vous prévenant qu'un
groupe de monstres vient vous barrer la route. Les ennemis font alors place
dans le décor, sans qu'un nouvel écran ou aire de combat n'apparaisse. Vous
contrôlez alors de manière directe votre personnage, les autres suivant les
consignes que vous leur aurez assignées. On est assez loin du système évolué de
gambits de FFXII qui permettait de programmer les actions des personnages non
contrôlés directement par le joueur, selon un ordre de priorité face à
certaines situations de combat. Ici, les consignes sont limitées :
attaquer la même cible, attaquer des cibles distinctes ou ne rien faire. Même
si vos acolytes peuvent à tout moment vous faire des suggestions pendant le
combat, on ne peut s'empêcher de penser que la profondeur tactique en prend un
coup. Cela dit, le rythme des combats est très soutenu, et il vous faudra être
vigilant quant à la santé des uns et des autres et être très réactif.

Chaque personnage ayant une arme à courte
distance, et une de jet, vous aurez le choix entre attaquer frontalement vos
ennemis, ou de loin, le tout en appuyant sur croix ou carré. Chacun de vos
gestes engendre une baisse de votre jauge d'action, qui, une fois vide, peut
être rechargée plus rapidement à l'aide de la touche R1 (qui sert aussi à vous
protéger). Vous pouvez aussi à tout moment utiliser un objet, ou faire appel à
une compétence spéciale, en appuyant sur la touche triangle qui fige l'action
et vous permet de naviguer dans le menu en toute sérénité. Ce dernier point ne
fait que rajouter à la globale facilité des affrontements qui ne demandent pas
finalement beaucoup de stratégie, tant les actions simples, à savoir taper et
se protéger, se révèlent les meilleures le plus souvent. Trouver la faille de
l'adversaire ne consistera généralement qu'à briser son armure, et encore les
monstres présentant cette caractéristique restent (trop) rares.

L'apprentissage des compétences se fait via
un échiquier, à mi-chemin entre le sphérier de FFX et le damier de FFXII. Pour
assimiler une technique de combat ou un bonus de constitution, le joueur devra
placer dans les emplacements idoines un certain nombre d'objets. L'accès à
certains endroits de l'échiquier ne sera disponible qu'à condition d'avoir déjà
débloqué d'autres attributs. Si ce système évite la lourdeur de FFXII et de ses
permis à acheter, on ne peut s'empêcher d'avoir le sentiment que le jeu décide
de l'endroit et du moment où vous apprendrez telle ou telle capacité. De plus,
vu le peu de sens tactique que vous demanderont la plupart des combats, l'utilité
de certaines est limitée. Et on aurait aimé également, à défaut de vraiment la
contrôler, pouvoir un peu personnaliser la progression des personnages, comme
le permet FFXII par exemple.

L'évolution de l'armement reprend les
formules déjà vues dans Dark Chronicle ou DQ VIII. Vous obtiendrez de
meilleures armes en fusionnant deux d'entre elles (en les ayant auparavant
dotées d'assez de points dits de 'fusion': pour cela, une quinzaine de
combats suffit). Mais là encore, Rogue Galaxy fait simpliste. Si Dark Chronicle
nous demandait un peu d'ingéniosité en trouvant des idées d'assemblage entre
différents objets, et si dans Dragon Quest VIII, il fallait trouver des
recettes en fouillant à droite à gauche, dans Rogue Galaxy, il n'est question
que de fusions d'armes pour en obtenir une troisième. Grâce à ce système, on
arrive un peu trop facilement à l'arme ultime de chacun des personnages, et on
ne retrouve pas la satisfaction inégalée d'avoir bataillé pour l'obtenir.
Dernier point : chaque arme possède des caractéristiques élémentaires que
vous ferez évoluer grâce aux victoires. Cependant, ces dernières n'ont pas un
vrai impact dans les combats, tant l'aspect n'a pas été développé, faisant la
part belle à l'action brute.   

Fort heureusement, le tableau n'est pas tout
noir. En effet, Rogue Galaxy propose une multitude de quêtes annexes et de
mini-jeux tous plus intéressants et profonds les uns que les autres. Vous
pourrez faire grimper votre nom dans le classement des chasseurs, après avoir
vaincu un certain nombre d'ennemis de la même catégorie, ou après avoir accepté
la chasse d'un gros monstre. Vous pourrez aussi vous essayer à l'Insectron, jeu
dans lequel vous ferez combattre des insectes. Et enfin, vous aurez le
privilège de synthétiser vous-même certains objets via l'usine, au sein de
laquelle vous devrez composer vos propres circuits de production. Notez
cependant que ces deux derniers jeux sont tout à fait dispensables pour
terminer l'aventure principale, mais peuvent se révéler intéressants (en termes
de récompenses) pour ceux qui voudront explorer le vaisseau fantôme disponible
après une partie de Rogue Galaxy terminée (une bonne habitude prise par
Level-5, quiconque s'est retrouvé coincé dans sa quête des armes ultimes à
cause des villes inaccessibles du 4e CD de FFVIII, ne peut
qu'acquiescer). Toutes ces choses font durablement augmenter la durée de vie du
soft, et on atteint la centaine d'heures sans problème.

Malgré un chara-design sympathique servi par
un cell-shading toujours aussi bien maitrisé, une durée de vie conséquente, des
quêtes secondaires nombreuses et des combats pêchus, Rogue Galaxy rate le
coche. La faute à un scénario prévisible, une bande-son sans véritable envolée,
des donjons beaucoup trop longs et répétitifs, un manque de profondeur
tactique, des décors maladroits et un système trop simpliste. Ses défauts font
de Rogue Galaxy un titre que l'on a du mal à vouloir découvrir pleinement, et
ses qualités ne peuvent que nous le faire regretter : le tableau général nous
laisse ainsi mi-figue mi-raisin. L'attente était peut-être trop grande, après
les derniers titres prometteurs de Level-5. Cela dit, les joueurs recherchant
un RPG orienté action simple, sympathique et aux combats rythmés ne
regretteront pas du tout leur achat. Et ceux ayant accroché au soft se
délecteront des nombreuses quêtes secondaires proposées et profiteront de sa
richesse.