Prise en main et gameplay

Lorsque la jeune Kat, demoiselle tombée du ciel et légèrement vêtue, s'est soumise pour la première fois à mes petites mimines, il faut dire que j'étais un peu perdu. Disons-le une fois pour toutes, dans Gravity Rush, vous avez le pouvoir de modifier le sens de la gravité. Concrètement, on appuie sur un touche, un viseur apparaît, on cible la direction qui nous convient et on valide. Aussitôt fait, Kat tombe dans la direction choisie, ce qui s'avère très pratique pour atteindre certains recoins ou pour se déplacer à grande vitesse.

Cependant, maîtriser la gravité demande un certain temps d'adaptation, qui peut être désagréable voire rebutant pour le novice. Ayant fait l'expérience pas plus tard qu'hier avec un ami cobaye qui passait par là, j'ai pu constater que notre sujet test ne savait plus du tout où donner de la tête et il est parti après avoir déclaré qu'il ne sentait pas bien.

Quoiqu'il en soit, après une bonne heure de jeu, on virevolte dans tous les sens, explorant le monde de Gravity Rush, grisé par la sensation de liberté que procurent ces manipulations de la gravité, tant que l'on fait une pause toutes les deux heures, pour le bien de votre oreille interne.

Ceci étant dit, le reste du gameplay est relativement simple.
Les différentes missions du scénario principal (on en dénombre une bonne vingainte) vous demanderont soit de vous déplacer vers des objectifs, tout en collant une bonne dérouillée à une avalanche de monstres appelés Nevis. Ces loustics se déclinent en plusieurs types, chacun avec des capacités spécifiques et un look particulier (une sorte de fouet sur jambes, une langue de caméléon sur pattes de grenouille, j'en passe et des meilleures). Tous les Nevis ont un ou plusieurs points faibles, représentés par un globe dont la couleur varie selon son état. Détruire tous les points faibles d'un Nevi le met KO. 

Pour mener à bien ces missions, Kat dispose d'une palette de pouvoirs gravitationnels que l'on peut faire évoluer moyennant quelques diamants que l'on récolte sur les monstres vaincus et dans le monde.

En général les combats ne sont qu'une formalité : on saute de Nevi en Nevi à grand renfort de coups de pied gravitationnel, quitte à avoir la nausée pendant les phases d'affrontement qui s'éternisent. Notons que certains Névis rares vous donneront un peu plus de fil à retordre, tandis que les quelques boss du jeu ne vous poseront aucun problème. 

Au fil de la progression, des défis se débloquent qui vous permettent d'obtenir une belle quantité de diamants si vous réussissez à marquer un bon score. Là encore, on a différentes sortes d'épreuves : tuer le plus de Nevis possible, effectuer un parcours en un temps record, etc... Si obtenir la médaille d'or peut s'avérer légèrement astucieux en début de partie, cela devient beaucoup plus facile en faisant évoluer Kat, faisant disparaître ainsi toute notion de challenge passé un certain cap.

Enfin, les fonctionnalités de la Vita ne sont pas en reste : la gyroscopie peut être utilisée pour choisir la direction de la gravité, une simple pression sur l'écran tactile permet d'effectuer une esquive, et enfin un pouvoir particulier de Kat, la glissade gravitationnelle, s'utilise en combinant tactile et gyroscopie (le résultat est cependant coriace à maîtriser).

Voir Heskeville et mourir

Que cela soit clair et net, le monde qui nous est proposé est l'un des plus curieux qu'il m'a été donné de parcourir dans un jeu vidéo.
Dans Gravity Rush, Kat se retrouve à Heskeville, une cité flottante (plus ou moins) divisée en quatre îles-quartiers, chacune ayant un style particulier (du quartier industriel à celui des gratte-ciel en passant par le quartier festif) reliées par un chemin de fer cocasse, sont réparties autour d'un tronc/pilier central imposant, qui s'élance à perte de vue, tant vers le ciel que vers la terre, terre que l'on n'aperçoit jamais, donnant ainsi une sensation de vertige prenante. Chaque île propose de nombreux chemins, escaliers, rues, ruelles pour devenir un véritable labyrinthe. On jouera avec la gravité tel un chat avec une pelote de laine pour sonder les moindres coins et recoins de ces îles afin de récolter les diamants disséminés un peu partout. D'autres lieux assez fous nous sont proposés, mais je n'en dirai pas plus. Le tout est joli, réalisé dans un cell-shading somme toute mignon. 

Heskeville grouille de vie, et Kat pourra interagir avec bon nombre des habitants afin de se tenir informée du contexte. Car on devient vite avide de connaissances dans Gravity Rush. Les missions s'enchaînent aussi vite que les mystères s'empilent. Quel est cet énorme pilier ? Qui sont les Gravitéens ? D'où viennent les Nevis ? etc... Par ailleurs, certains personnages bien cachés dans chacun des quartiers vous livreront de bien maigres morceaux d'une histoire parallèle excessivement intrigante.

Le joueur est tout simplement mu par la hâte d'assembler les pièces de ce puzzle qu'est l'univers riche et passionnant de Gravity Rush.

La pointe de l'iceberg

Le problème majeur est que l'on n'a droit qu'à une pincée de cet univers. Pour peu que l'on soit passionné, on enragerait presque de recevoir si peu d'informations, si peu de réponses, comme à la fin d'une saison de Lost, alors que la liste des questions en suspens remplirait le Vatican. En revanche, dès qu'un élément-clé de l'histoire se profile à l'horizon, je ne vous raconte pas l'état dans lequel vous vous trouvez. Gravity Rush sait créer des atmosphères prenantes, et joue avec notre soif de découverte, mais hélas bien trop rarement.

Bien entendu, la tonne de micro-éléments de l'histoire qui vous sont dévoilés encourage le joueur à se poser des questions (à l'instar de Lost), et donc à faire travailler son imagination et à le fait contribuer, à son insu, à rendre cet univers encore plus intéressant. 

Mais est-ce trop que de demander un contenu satisfaisant ? Car, alors que l'on voit la fin du jeu arriver à toute vitesse (*), on se lamente du peu de l'univers qui a été exploité. Pourtant, jusqu'aux dernières minutes, on veut y croire, comme lorsqu'à Noël on veille toute la nuit dans l'espoir d'entendre les grelots du traîneau du Père Noël, et que l'on tombe accablé par le sommeil et dépité, quand les premières lueurs de l'aube filtrent à travers les volets.

Conclusion lyrique

Il m'arrive parfois de glisser dans ma Vita la cartouche de Gravity Rush, essayant de retrouver l'exaltation des premiers jours, en parcourant le quartier chic de Vendecentre, ou en errant dans la vieille ville d'Auldnoir. Hélas, cette ville que je trouvais si vivante autrefois m'apparaît peuplée de fantômes ; ses habitants, autrefois loquaces comme un pilier de bar, sont définitivement muets.

L'air d'Heskeville est pesant, et je sais que quelque part se trouvent toutes les réponses. Mais elles ne veulent pas se révéler à mes yeux implorants. 
Et c'est avec un soupir que je repose la Vita dans son étui.
Gravity Rush m'a fait l'effet d'une démo. Certes, une belle et longue démo qui laisse entrevoir un jeu complet grandiose.

Autre métaphore :
Gravity Rush, c'est la belle inconnue que l'on croise dans la rue. Superbe, sans doute intéressante (étant donné qu'elle tient à la main un livre de Thomas Pynchon) ; mais, une fois disparue, qui sait si l'on percera le masque de cette délicieuse créature ?

Avec un univers extraordinaire, mais qui reste à approfondir, et un gameplay agréable mais peu renouvelé, Gravity Rush est un bon présage.

Note : Si certains points n'ont pas été abordés, comme la musique ou la présentation en général, sachez que les différents morceaux de la bande-son sont sympathiques et que l'aspect BD des cinématiques est réussi ! 

Note 2 : La note est sévère, voyez-la plutôt comme un 3,5.

(*) : Le scénario principal se boucle en quelques heures si vous avez le feu aux fesses, en une dizaine si vous prenez le temps de réaliser tous les défis proposés dans la ville, ainsi que si vous êtes un aficionado des trophées