A mille lieux de Naruto, le ninja qui hurle comme un possédé ses techniques secrètes qu'il mettra trois épisodes à lancer entre deux flash-back, se trouve deux ninjas beaucoup plus discrets qui ont réussis a se faire un nom dans le jeu vidéo.

Tenchu: Stealth Assassins relate les missions de Rikimaru et de Ayame, tout deux ninjas au service du Seigneur Goda. Comme tout bon sbire, ils exécutent sans trop réfléchir les missions délicates et furtives que leur confie leur suzerain.
Un jour (que c'est banal comme intro), Riki et Aya enquêtent sur des disparitions de femmes qui semblent être liés à l'avènement d'une secte qui révère un funeste démon. Goda, qui n'est pas né de la dernière averse, sent la tragédie se nouer et compte bien s'opposer à la menace. Avec la bravoure qui le caractérise, il va courageusement envoyer ses deux ninjas préférés enquêter sur tout cela, pendant qu'il s'occupe tranquillement de sa gamine, la princesse Kiku. Nos deux soldats de l'ombre, jusqu'au-boutiste de la fidélité et de l'abnégation, tenteront de déjouer le complot à grand renforts d'atemi, de roulades avant et de grappin.
 
Ninja Exterminator**

Tenchu est un jeu d'infiltration qui prend place dans le Japon médiéval.
On débute le jeu en choisissant son ninja: Rikimaru, ninja armé d'un kodachi ou Ayame, koïchi armée de deux tantos.
Après cette sélection, le jeu glisse vers le choix de la mission qui prend ici la forme d'une carte du monde (en estampe japonaise, s'il vous plait). Les niveaux se débloquent les uns après les autres avec la possibilité de revenir en arrière à tout moment pour augmenter sa note finale (je reviendrai sur ce point).
Cela fait, on passe au râtelier où l'on choisi son équipement: Chaque personnage possède son arme blanche de prédilection et un grappin. Il peut rajouter un nombre limité d'items qui se trouvent dans les niveaux (assez rare) ou donnés en récompense à la fin des missions en fonction de la note obtenue (la encore, nous reviendrons plus tard sur ces objets).
A la fin de ces formalités, un briefing sous forme de texte nous décrit l'objectif à accomplir: Assassinat, remise de missive secrète... le quotidien d'un ninja de l'époque.

Notre ninja est vu de dos dans un environnement en 3D temps réel. (Le cadrage et la maniabilité n'est pas sans rappeler ce bon vieux Tomb Raider) A partir de ce point, nous sommes libres de nos mouvements. Grâce au grappin, on peut rejoindre les toits en visant les corniches. En effet, la liberté s'applique aussi aux hauteurs et il est très important de tirer parti de la topographie de lieux pour avoir un ascendant sur les sentinelles.

Après, libre à vous de réussir la mission comme bon vous semble. Il est parfaitement possible de foncer droit devant soi et de tailler tous les ennemis en pièces jusqu'au boss. Cependant, la jouabilité dans les combats est le gros défaut du jeu: le seul combo à notre disposition est lent. La moindre contre-attaque encaissée est généralement funeste pour notre ninja. (Et les trois secondes de vulnérabilité nécessaires pour boire une potion de soins ne va pas arranger les choses). Sachant en plus que l'on doit occire les boss à la régulière peut vite rebuter.
Par conséquent, il est préférable d'aborder le jeu par son aspect infiltration, ca tombe bien, le jeu est fait pour ca.

Challenge the ninja**

Nos ninjas ne sont pas comme les autres, leur entrainement leur permet de ressentir la présence des adversaires à proximité. Cette présence prend la forme d'un pourcentage de Ki qui apparait à coté de la jauge de vie.
Le Ki est vital dans le gameplay, c'est grâce à ce système que vous connaitrez la distance vous séparant de votre adversaire et si celui-ci vous a repéré ou non.
_Un Ki tendant vers 0 veut dire que votre proie est éloignée, vous pouvez courir sur les toits sans problèmes
_Un Ki proche de 100 veut dire que vous êtes à proximité immédiate de votre cible. La furtivité est de rigueur.
_Si le Ki devient un point d'interrogation et que des battements de cœur se font entendre, cela signifie que le factionnaire trouve quelque chose d'anormal et se dirigera vers l'endroit suspect (c'est à dire vous).
_Si le Ki est remplacé par un symbole enflammé, alors vous êtes repéré. Il ne vous reste qu'a courir ou combattre car votre adversaire va vous poursuivre jusqu'à que vous soyez assez éloigné. Une fuite réussie rétablira le Ki dans son aspect normal et le sbire reprendra alors sa ronde.

Une fois la future victime localisée, commence le moment le plus intéressant de Tenchu, la chasse: les ennemis ne sont pas figés. Ils font des rondes et se retournent fréquemment. Il faut alors guetter les moments de vulnérabilité pour les prendre par surprise. Dès qu'ils tournent le dos, on fonce lame au clair. Quand on arrive au contact de l'ennemi une pression de Carrée suffit à déclencher la marque de fabrique de Tenchu: le Stealth Kill.
Le Stealth Kill supprime immédiatement l'ennemi, il est montré par une courte cinématique pour vous faire profiter de votre réussite. Ces coups mortels sont différents pour chaque personnage et sont fonction de votre position par rapport à l'ennemi. Frapper par le dos conduit à l'égorgement de la victime, frapper en tombant sur lui depuis un toit déclenche un empalement pour Rikimaru, tandis que Ayame entrainera son ennemi dans sa chute pour l'achever en lui rompant le cou à l'aide de ses cuisses.
Dans la mesure où chaque Stealth Kill conduit au même résultat, modifier les angles d'approche (et donc les coups) est un plaisir purement esthétique que l'amateur de Tenchu ne manquera d'essayer.
Pour ce qui est des items, ils sont là pour vous faciliter la vie: ainsi les clous ralentiront les poursuivants, la sarbacane supprimera un garde distant et la grenade fumigène vous permettra de vous enfuir dans un nuage de fumée comme tout ninja digne de ce nom. La liste est loin d'être exhaustive. Ces items sont nombreux, peu sont cachés dans les niveaux et la plupart ne sont déblocables qu'a la condition d'être un parfait ninja.
Pourquoi parfait?
Parce que nous sommes notés. En effet, à la fin de chaque mission, on calcule le nombre d'ennemis supprimés en furtif et le nombre de fois où l'on se fait repérer. Les premiers donnent des points, les seconds en retranchent. Un bonus supplémentaire (et important) est octroyé si on fini le niveau sans se faire repérer. Suivant ces points on attribue une appréciation sous forme de grade: brigand pour un ninja pas discret pour deux sous et grand maître si on réussi la partie parfaite. Ce grade détermine le nombre d'items supplémentaires qui seront rajoutés à notre ratelier pour les missions suivantes.
 
Les 3 furies du ninja**

Niveau ambiance: pour ceux qui n'ont jamais vu Tenchu sur PS1, retenez juste que le doublage du jeu est ignoble. De même, les intermèdes scénaristiques sont mal écris et le scénario n'a pas vraiment retenu mon intérêt.
(mention spéciale à Rikimaru qui, lors d'une mission, intime à son adversaire (fille) qu'elle ferai mieux de rester à la maison à s'occuper des gosses, charmant).
Néanmoins, les musiques sont bien inspirés et en adéquation parfaite avec le cadre du jeu.

Alors, que penser de Tenchu? Indubitablement, ce jeu est moche (mais ca reste correct pour de la Playstation). Il n'est guère jouable, et le scénario voulant jouer la carte du fantastique se révèle au final assez creux, étant grandement plombé par la narration et le rythme.
La jouabilité est mal fichue, avec des ninjas raides, difficiles à orienter et encaissant les dégâts à la pelle tant les possibilités au combat sont réduites.
L'intelligence artificielle est bien sûr à la ramasse en la comparant à aujourd'hui, mais reste acceptable pour la PS.
Mais curieusement, tous ces défauts qui logiquement devraient nuire à l'expérience de jeu sont contre-balancés par un sentiment indéfinissable qui nous lie au jeu et nous enjoint à y rester devant.
La grande force de Tenchu réside pour moi dans la liberté laissée au joueur. Non pas une liberté à la GTA mais par la possibilité d'aborder les missions de façon totalement libre.
A aucun moment le jeu nous contraint à nous comporter comme des ninjas: Les roulades n'apporte rien de spécial et il est possible de finir le jeu avec son seul sabre. Cependant, si de sa propre initiative, on décide d'utiliser le riz empoisonné, les mines, les sarbacanes et si l'on fait des roulades pour un oui ou un non, alors le jeu nous plonge immédiatement dans la peau d'un ninja.
Tenchu est un tour de magie et comme tout tour de magie, il demande qu'on y croit. Plutôt que de forcer l'immersion par des artifices, le jeu nous demande une implication digne d'un jeu de rôle papier. Il faut être roleplay pour en profiter.
J'adore Tenchu car plutôt que de forcer l'amusement avec des scripts, il laisse le joueur faire son propre jeu. On est tout aussi efficace en fonçant sur l'adversaire pour l'égorger d'un coup. Mais quand on aime Tenchu, on l'observera longuement, surveillant les aller et venues, puis au moment propice, on fera une roulade sur le coté enchainée avec un Stealth Kill qui prend l'adversaire sur le coté gauche car c'est celui qu'on aura le moins fait du jeu.


Tenchu avait tout pour devenir la référence ultime des jeux d'infiltration. Un univers parfaitement adapté à ce type de jeu (le Japon médiéval) qui à mon sens est gâché ici par des digressions fantastiques (les démons ne servent à rien et décrédibilise l'ensemble). Une histoire fondée sur des seules guerres de clan, ou Goda n'aurait pas nécessairement le beau rôle, pouvait rendre le jeu très profond. La correction de tous les défauts de collision, une meilleure IA et une meilleure jouabilité le portait au Panthéon du jeu vidéo.

Malheureusement, même le portage sur PS2 (Tenchu, la colère divine) ne corrigera pas tous les défauts bien qu'il surclasse l'opus de la PS1. Tenchu aura choisit ensuite la Wii, avec une orientation qui me déplait.
Bref, on peut dire que Tenchu est aussi maudit que les films de ninja des années 80.
 

 
*Ce test est dédié à tout les soldats, gardes, sbires, séides, sentinelles, hommes de main, vigiles qui ont, par ma faute et celle de beaucoup d'autres, senti leur pharynx, carotide, aorte, péritoine ou vertèbres se séparer à un moment donné du reste de leur corps.
Y'avais rien de personnel.

**Merci à Nanarland pour les titres de film de ninjas.