(article paru in Mad Movies 263 - Mai 2013)

Après la sortie très médiatique de BioShock premier du nom en 2007, son auteur, Ken Levine, embraya presque immédiatement sur BioShock Infinite – laissant alors à 2K Games la décision de concocter une suite directe à sa précédente création en prenant bien soin de s’en désolidariser complètement –, une production de longue haleine dont l’affiliation à la célèbre licence servira trompeusement de gage commercial afin de pérenniser un investissement conséquent.

Exit Rapture donc, la majestueuse cité sous-marine faisant figure de personnage à part entière dans les deux premiers BioShock, et qui nous racontait notamment son histoire à travers ses diverses composantes architecturales, idéologiques et organiques. Bienvenue à Columbia, son versant céleste, qui symbolise dans BioShock Infinite l’autre facette désincarnée et factice de la même approche dystopique, une vision qui pâtit malheureusement d’un ancrage contextuel totalement en chute libre. Car si la cohérence structurelle de Columbia, micro-société fasciste et puritaine semblable à un parc d’attractions, procède d’abord d’une certaine logique sémantique, elle apparaît davantage – à mesure de la progression – telle une façade sans vie reléguée au second plan, nouveau prétexte à une action d’autant plus envahissante et confuse que l’utilisation des armes est désormais réduite à sa plus simple expression.

C’est un fait, le gameplay antédiluvien, ultime vestige de la série, s’est pris un méchant coup de vieux depuis sa première prestation du temps de System Shock (son père spirituel), et ne se prête guère plus aujourd'hui aux velléités martiales de l’industrie. Difficile dans ses conditions de se laisser porter par l’atmosphère aérienne du titre, par ailleurs admirablement travaillée, dès lors qu’il s’agira la plupart du temps de courir comme un poulet sans tête à la recherche d’armes ou de munitions qui permettront d’essuyer une énième vague d’ennemis décérébrés. Une lourdeur conceptuelle trop terre à terre qui à force d'accumulation, sape la motivation du joueur malgré un rythme narratif et des personnages secondaires - charmante Elizabeth - toujours aussi enlevés.

De bien beaux restes dans un océan de compromis, où BioShock Infinite rejoint la liste des oeuvres qui assument tant bien que mal leur statut de blockbuster pétaradant, coincées entre diktat marketing et discours d'auteur censément philosophique. Pompeux et bruyant, mais tellement dans l'air du temps.