Voilà, Sleeping Dogs est achevé de long en large, 1000 G au compteur et des étoiles plein les yeux. Sleeping Dogs, sorti il y a pratiquement deux semaines, revient de loin. A l'origine un reboot de la franchise de True Crime pour Activision, puis finalement enterré, c'est Square-Enix qui l'a ressuscité en créant au passage sa propre franchise et en ajoutant quelques petites touches caractéristiques. Sleeping Dogs, c'est Infernal Affairs avec un protagoniste en moins. C'est l'histoire de Wei, jeune inspecteur revenu fraîchement des USA dans son quartier d'origine à Hong-Kong, qui est prié par ses supérieurs de tenter une infiltration chez les Sun On Yee, clan important parmi les triades, pour pouvoir les boucler en règle. Après une introduction au milieu du port de Hong-Kong, Wei se retrouve en cellule avec Jackie, son ancien pote d'enfance, déja membre des Sun On Yee. Celui-ci va l'intégrer, et c'est ainsi que commence son entrée dans le crime.

Le jeu a bénéficié d'un succès presque surprise d'estime, avec beaucoup de gens surpris de la qualité du titre, moi y compris. Ayant gardé le jeu du coin de l'oeil en raison de sa destination plus exotique, je n'avais que très peu vu les différents éléments de gameplay, et j'ai découvert ça sur le tas. Première chose qui m'a attiré, c'est Hong-Kong. Fini les villes américaines, place aux rues plus typiques, aux voitures qui roulent à gauche (pas évident au début!) et aux petits marchés remplis de commerçants cherchant à crier plus fort que son voisin pour attirer le chaland. On y assiste dès le début où les premières minutes ne vous laissent pas quitter le Marché Nocturne du premier quartier de la ville et vous apprend les premiers rudiments du gameplay. Le jeu est bourré de détails visuels. Techniquement parlant (je parle dans la modélisation ou autre), ce n'est pas fantastique, et on se rend compte des faiblesses dans des décors naturels comme les îles alentours.

Mais le jeu se rattrape allègrement sur l'ambiance fantastique, avec cette architecture particulière, ces néons de partout et ces petites routes de montagnes vraiment chouettes à parcourir. Le jeu prend toute sa dimension de nuit, lorsque les lumières de la ville s'allument et que le festival de couleurs s'illumine autour de soi. Le jeu en impose encore plus en cas de pluie, les reflets de la route mouillée accorde un cachet supplémentaire non négligeable. Surtout, le jeu est parfaitement optimisé, avec une distance d'affichage excellente, peaufiné par un fameux effet de brouillard mais qui participe joliment à l'ambiance. La conduite est très sportive, et dès qu'on sortira du premier quartier, les vraies bolides seront légions. La carte en elle-même n'est pas spécialement grande, et chaque quartier est relié par des tronçons d'autoroute. Mais là où on réclame à tord et à travers des maps toujours plus grande, quitte à en faire trop (Just Cause 2), ici, la ville se parcourt vite et ce n'est pas un problème. Au contraire, atteindre un objectif est rapide, et je n'ai pas pris une seule fois un taxi pour atteindre ma destination. Ce qui pourrait apparaître comme un défaut pour certain est une qualité pour moi, pour éviter de conduire pendant des heures sans rien faire et d'être souvent au coeur de l'action.

Du côté baston, c'est clairement le point fort du titre. Comme la plupart des chinois au cinéma, Wei fait du kung-fu, ainsi qu'absolument tous les méchants du jeu. Le système est calqué sur celui des Batman de Rocksteady: plusieurs ennemis vous encerclent, et ceux qui brillent en rouge attaque le personnage. Il suffit d'appuyer sur la touche de contre pour renverser l'adversaire dans son élan. Certes, le système est moins complet et riche que celui de Batman, où chaque ennemi a sa façon d'être battu, en usant de tactique et de gadget, mais dans Sleeping Dogs, la baston mise avant tout sur l'immédiateté de l'action et le fun. Il y a trois types d'ennemis vraiment différents: ceux qui se protègent, ceux qui chopent, et ceux qui sont rapides. Pas question de simplement attendre le contre, le jeu vous donne la possibilité d'attaquer constamment: on chope ceux qui bloquent, et on attaque ceux qui chopent.

Chaque ennemi a sa façon de faire, et les mouvements comportent pas mal de subtilités: la touche de frappe peut être maintenu pour faire une frappe lourde, et la touche de chope peut conduire à frapper l'adversaire, le renverser ou l'amener sur le décor, qui conduit parfois à des interactions réussis et incroyablement sauvages, comme cet empalage sur des espadons ou  lorsque Wei donne quelques coups de téléphone sur des cabines publiques. Mais la touche de chope peut être cumulé avec la touche de sprint pour les renverser et les frapper à terre, ou exécuter un coup de pied sauté avec le sprint, ou encore d'asséner un coup de coude pour assomer les adversaires ou de rouler sur leur dos pour passer derrière eux. Une barre de combat se remplit au fur et à mesure, et lorsqu'elle est pleine, les ennemis commencent à flipper, et certaines actions sont plus faciles, comme désarmer les ennemis avec des couteux ou recharger sa vie plus facilement. On peut même briser des os pour faire peur au reste du groupe. Mais le jeu permet d'enchaîner les actions vraiment simplement: on peut commencer avec un coup de pied sauté, mettre une balayette sur le petit jeune sur la droite, choper le gars à gauche et le renverser, courir sur celui de derrière avec la machett en le renversant pour qu'il lâche son arme, la ramasser, taillader quelques gars et envoyer son arme dans la tête de celui du fond. Ça fonctionne du tonnerre, et certaines capacités sont déblocables via une quête annexe. Un système de baston aussi jouissif et fun dans un open-world pareil, ça force le respect.

La troisième partie du gameplay, ce sont les gunfights. Là aussi, on a des restes de True Crime: planqué derrière un abri, Wei peut surgir en sautant par-dessus et déclencher le ralenti pour éliminer ses adversaires. Le jeu ne bénéficie pas de barre de ralenti et on peut le faire autant de fois que l'on veut, elle s'arrête lorsqu'on met trop de temps à tuer le méchant suivant. Ça reste mine de rien très classique, mais encore une fois, c'est très maniable, rapide et dynamique, et couplé avec quelques éléments vraiment bien pensé: on peut glisser sur un abri derrière lequelle s'abrite un ennemi pour plonger sur lui, l'assomer et récupérer son arme. On peut même terminer l'action en enclenchant un ralenti. Pareil pour le désarmement au contact et la prise d'otage. Quand aux séquences de tirs en voiture, c'est encore une fois très fun et explosif, avec du ralenti lorsqu'on vise un ennemi. Le jeu profite notamment de sa topographie particulière pour mettre des séquences de course-poursuites vraiment chouettes sur les autoroutes, histoire de profiter de la vitesse.

Le jeu possède malheureusement quelques défauts, souvent mineurs. Le plus notable est une caméra parfois très capricieuse, qui ne permet pas toujours de tourner autour de son personnage. Le plus pénible reste en véhicule, où l'un des axes de la caméra sert à voir en arrière, ce qui fait que l'autre axe ne sert qu'à regarder vers le haut, dans une orientation très limité. Le pire est lorsqu'on enchaîne la marche arrière avec la reprise en avant: la caméra a tendance à se placer automatiquement devant pour voir l'arrière mais met beaucoup de temps inutile à se replacer à l'arrière, dans un mouvement parfaitement incompréhensible. Un choix étrange, qui rend certains manoeuvres difficiles. J'ai aussi noté certains bugs de mouvements, lors des scènes de gunfights où après un ralenti, on perd pendant une seconde le contrôle de son personnage qui a tendance à aller dans une direction inconnue avant qu'on reprenne le contrôle. Un peu gênant lorsqu'on se retrouve face à beaucoup d'ennemis. Quelques petits bugs mineurs sont à noter, comme des SMS qui réapparaissent plusieurs fois de suite, ou la radio qui ne répond pas toujours à la touche pour changer de station. Radio qui comporte d'ailleurs une excellente sélection mais qui est incapable de garder en mémoire certains chansons en cours. Par exemple, on passe sur une station où on entend un morceau avant d'enchaîner sur un autre, puis on revient dessus pour réecouter le morceau qui passait mais le jeu a déja passé au morceau suivant, parce qu'il n'a pas gardé en mémoire la progression de la lecture.

Le jeu en lui-même n'est d'ailleurs pas difficile. D'autant plus que contrairement à un GTA IV où les missions forçaient le jeu à se renouveler dans ses situations, Sleeping Dogs ne mise pas beaucoup sur l'originalité, mis à part sur deux-trois missions. En règle générale, le jeu enchaîne les séquences baston-gunfight-poursuite-dialogue dans des ordres différents, dans des décors différents, mais sans réellement avoir une approche différente.  L'histoire, quand à elle, arrive à s'attacher à quelques personnages, de façon assez jolie, comme pour Peggy qu'on accompagne dans la prépation de son mariage et qu'on s'attache facilement à elle pour marquer le coup sur la mission suivante. Malgré ça, l'histoire se centrera davantage sur la limite de Wei et ses principes plutôt que sur la tension qu'il pourrait résider sur sa couverture. On a même parfois l'impression que c'est Wei qui est infiltré chez les flics, tant sa loyauté envers les triades et sa facilité à tuer d'autres flics entre les missions est mise en avant. On doute parfois qu'un personnage aussi impitoyable soit inspecteur, mais ça fait partie de l'ambiance cinéma HK. La fin est d'ailleurs assez décevante, les développeurs n'ayant pas eu les couilles de proposer une fin à la hauteur des thèmes abordés, et se contente du strict minimum, et encore. Dommage aussi que certains personnages ne servent pas à grand-chose, comme les petites amies qui ne sont là que pour apporter des bonus sur les quêtes annexes.

Mais qu'est-ce qui fait que j'ai été happé par ce jeu? C'est bien simple, Sleeping Dogs est un jeu passionné. Les devs sont clairement fans de John Woo, avec ces A Toute Epreuve ou le Syndicat du Crime, ou d'autres films du genre comme Time and Tide. J'ai été pris dans le jeu parce qu'à aucun moment il était frustrant ou permissif. Tout le jeu est passé comme une lettre à la poste, en me régalant de certains passages purement jouissifs comme ne peut adorer que si on aime un minimum les films d'actions. Le jeu a réussi à trouver cet équilibre délicat entre crédibilité de l'univers et une "funitude" assumé de A à Z. Ce que n'a pas réussi à faire un Saint Row 3 par exemple, qui reste le cul entre deux chaises. Sleeping Dogs n'est peut-être pas aussi long que certains GTA-like, mais le contenu ne manque pas. En marge des missions, on trouve quatre affaires de polices en plusieurs parties, avec enquêtes, poses de micros ou autres joyeusetés qui aborde le crime du côté flic, des services à rendre aux gens qui varient plus ou moins, des places de deals de drogue à nettoyer en combattant les malfrats et en piratant les caméras pour identifier par la suite le fournisseur. On trouve aussi des courses de rues pas bien compliqués, des combats de coqs qui ne servent à rien (mettre des côtes alors qu'on sait très bien qu'au final c'est l'ordi qui décide du vainqueur, ce n'est pas utile), des parties de mah-jong poker pour passer le temps, des vols de voitures ou des remboursements de dettes un peu violents.

J'ai fait le jeu de sorte qu'en flânant dans la ville, j'enchaîne les à-côtés sans m'en rendre compte, et qu'il y en ait juste assez pour qu'à la fin de l'histoire, il ne reste plus grand chose à faire. L'autre excellente idée, c'est de rendre ces activités utiles, là où la recherche de pigeons dans GTA IV était quand même plus chiante qu'autre chose. Ici, trouver les autels de santé augmente sa barre de vie, ou trouver des coffres rapportent de l'argent, des fringues et même parfois un flingue. Arme que l'on trouve difficilement hors mission (Hong Kong oblige, apparemment), et qui donne l'obligation de voler une arme aux flics, vu que c'est le seul moyen si on veut tester des choses entre les missions. D'ailleurs, le jeu n'hésite pas à supprimer son arme lorsqu'on recharge sa partie, histoire de rendre ça encore plus pénible. Les autres quêtes annexes permettent de faire gonfler des barres de réputations pour débloquer d'autres capacités, ce qui rend ces activités plus intéressantes, avec un réel but. Même les fringues peuvent apporter des bonus supplémentaires (et il y en a des tas, plus de 150 éléments de vêtements dispos!), et on peut même acheter des objets inutiles pour ces apparts si on trouve les marchands planqués. Les apothicaires ou les salons de massages, quand à eux, donnent des bonus dans les combats, pas forcément nécessaires. Bref, plein de petites choses un peu partout qui rend le jeu vraiment riche, avec une durée de vie très honnête (les 100% m'ont demandé une grosse vingtaine d'heures).

Et puis il y a ce côté fun du jeu, ce côté "action" qui rend l'aventure hollywoodienne et terriblement jouissive. Et c'est souvent des choses pas toujours crédibles mais qui rendent pourtant le jeu classe et stylé. Exemple: j'ai découvert il y a peu qu'on pouvait sauter au ralenti, arme à la main, d'une moto ou d'une voiture, afin de viser dans les airs ce qu'on veut. Et lorsqu'on tire sur une voiture dans ce moment-là, il suffit d'UNE seule balle pour que le véhicule explose! Ce n'est absolument pas logique, mais ça reste terriblement classe dans cet univers. Rien que dans les poursuites à grandes vitesse, exploser les pneus adverses propulsent les véhicules dans des ballets aériens splendides avant de retomber en explosant quelques secondes plus tard. Au lieu de rendre ça réaliste comme un GTA IV par exemple, Sleeping Dogs s'oriente dans un contexte à la John Woo en rendant son gameplay immédiat, fun et spectaculaire dans tous les sens du terme. Le jeu n'est pas dénué de défaut, mais j'étais tellement dans le trip "actioner" qu'on n'y fait même pas attention. On ne peut pas le comparer à un GTA IV, ce n'est pas du tout la même approche: plus arcade, plus action, mais moins profond dans son scénar ou ses personnages. Sleeping Dogs reste en quelque sorte dans la même veine de Just Cause 2, avec ses actions spectaculaires, pas toujours utiles, mais qui donne la furieuse sensation que les développeurs se sont éclatés à le faire, et à faire un excellent jeu. Et bizarrement, c'est communicatif.