Malgré
un scénario aussi approfondi que celui de Total Annihilation et qui
tient donc sur un timbre-poste, Runic parvient à tirer du
hack'n'slash sa substantifique moelle : le plaisir, non pas de
conduire, mais de massacrer des monstres.

Et
c'est bien normal puisque Runic, ce sont après tout les inventeurs
du genre. Oui bon nominalement, c'est Blizzard avec Diablo, mais il
se trouve que les deux frères fondateurs de Runic, Max et Erich
Shaefer sont un peu les deux personnes ayant créé Diablo. Après
une aventure infructueuse avec Bill Roper chez Flagship Studios et
le très défunt Hellgate London, les frères Shaefer ont décidé
d'être un peu plus modestes et de s'y prendre de façon plus
progressive avant de parvenir à leur grand rêve de Diablo-like MMO.

Le
jeu commence abruptement par un écran de choix de la classe du
personnage. On le choix entre le gros bourrin au corps à corps (+15%
d'être choisi par les fans de Conan le Barbare),
la bonasse, pardon,
l'amazone spécialisée en armes à distances telles que les arcs,
arbalètes, fusils et flingues (+85% d'être choisi par les joueurs
mâles) ou le magicien, spécialisé en magie magique. Comme dans un
bon jeu de Blizzard, on a quelques caractéristiques permettant
d'engranger à terme des bonus, deux barres d'expériences (oui,
c'est normal) et trois arbres de compétence par classe. La première
barre d'expérience permet de gagner des niveaux ce qui fait gagner
des points pour augmenter les caractéristiques et un point à
dépenser dans l'arbre de compétence. La seconde barre est la barre
de célébrité, on en gagne en butant les monstres avec des noms,
genre Hubert le Squelette Décalcifié ou Thelma l'Araignée
Végétarienne et en finissant des quêtes. À chaque niveau de
célébrité gagné on obtient un point à dépenser dans l'arbre de
compétences. Cet arbre, c'est comme les spécialisations dans WoW,
divers domaines d'orientation après le Bac sauf que contrairement à
WoW, ça me paraît moins bien rangé, classé et défini. Les
compétences semblent avoir été éparpillées un peu partout au
petit bonheur, sans qu'on sache trop leur intérêt ou pourquoi dans
cette partie-là et pas une autre.

Après
une superbe introduction ridiculisant Blizzard par la rustique
simplicité de son texte déroulant sur fond d'artwork, vous voilà
donc propulsé à Torchlight, un
petit hameau
considéré comme une ville minière dont le fond de commerce est la vente de l'Ember.
C'est une espèce de matière probablement assez radioactive
puisqu'elle finit immanquablement par corrompre les utilisateurs et
les transformer en monstres horriblement laids et méchants. En se
baladant un petit peu, on ne cesse de se réjouir du fait que l'on ne
puisse pas breveter des idées puisque le concept du point
d'exclamation/point d'interrogation doré de WOW est en vigueur. Ce
n'est d'ailleurs pas la seule chose que Torchlight emprunte à
Blizzard.

On
citera notamment les graphismes qui ne dépareraient pas du tout dans
World of Warcraft, c'en est au point que les niveaux dans les cryptes
pourraient faire de très convaincants morceaux de Fossoyeuse ou
Karazhan. De même, les ruines des nains un peu plus profond sous
terre feraient de très bons substitutifs pour les ruines à Titans
de WoW et... en fait tous les types de décors se retrouveraient sans
trop de souci dans le MMO de Blizzard. Ce style artistique a quand
même deux mérites : les graphismes ne vieilliront pas comme un
Oblivion ou un Crysis où l'on se demandera dans 5 ans comment on a
pu jouer à des jeux comme ça et les trouver beau. Et ça doit
tourner sur toutes les machines ayant été faites après 2003.

Il
y a aussi l'itémisation forcenée du jeu : on passe littéralement
son temps à récupérer des objets, les comparer avec ceux que l'on
a et les refourguer joyeusement. Il y a aussi le système de gemmes à
mettre dans certains objets pour les améliorer, les enchantements à
mettre mais qui sont totalement aléatoires, les sets, le code de
couleurs de préciosité des objets (gris, vert, bleu, violet, jaune,
comme dans WoW, je vous dis) et les animaux de compagnie.


on diverge un peu du canon Blizzardien pour se démarquer : la
compagnie du pet est gratuite, laïque et obligatoire. On a le choix
entre un chien ou un chat dopé. Voilà encore une bonne preuve de la
radioactivité de l'Ember. D'habitude, si l'on demande à un chat
d'aller chercher le tas de pièces d'or en face ou d'aller en ville
refourguer le tas d'objets qu'on lui a filé, on aura difficilement
plus qu'un regard hautain et méprisant, nous faisant comprendre que
l'on n'a rien à espérer de la part d'une Créature aussi
Supérieure. Dans Torchlight, la bestiole obéira sans problème et
ira même attaquer les monstres de façon enthousiaste et
convaincante puisque parfaitement capable de dérouiller un bon petit
troupeau d'ennemis comme un joueur humain. Il sert aussi de tank
improvisé si on veut flinguer à distance les ennemis. Il peut
apprendre une poignée de sorts et même s'en servir comme un enfant
enthousiaste. Donc à tout bout de champ et c'est assez énervant
quand c'est la guérison. On peut même leur refiler des objets pour
qu'ils s'en équipent genre, un collier et deux bagues (que l'on doit
probablement enfiler sur la queue...). C'est donc un compagnon tout à
fait utile et moi qui ne suis pas très animaux de compagnie en
général, j'ai finalement craqué et adopté un petit chaton.

Autre
divergence, le scénario est aussi transparent que les futurs projets
d'Apple et sert de très vague prétexte au massacre de monstres. Et
ce massacre fonctionne vachement bien, il faut l'avouer. L'action est
assez nerveuse, rapide, on a souvent de belles vagues d'ennemis qui
surgissent avec entrain, les coups critiques font trembler l'écran,
les monstres explosent en bouillie sanglante s'ils morflent trop
fort, les sorts volent dans tous les sens et les combats s'enchainent
parfaitement. Pour peu que le pet soit réglé en mode
agressif/j'attaque tout ce qui bouge, on peut envisager de traverser
tout un niveau sans s'arrêter récupérer le moindre objet. Ce jeu a
vraiment quelque chose, car le principe est extrêmement addictif,
dès que l'on finit un niveau, une force supérieure s'empare de nous
et nous pousse à aller un peu plus loin, massacrer un petit troupeau
supplémentaire, essayer de choper un niveau de plus pour pouvoir
mettre cette belle paire de gants. Et les gens peu raisonnables se
retrouveront à se rappeller que dans une demi-heure, ils sont
sensés être au boulot. Une certaine routine s'installe à la
longue, je suis de ceux qui haïssent le grind dans les MMO et c'est
quand même un peu ce que devient Torchlight.

N'est
pas Blizzard qui veut en matière de finition. L'un des plus gros
défauts est certainement le système de visée particulièrement
foireux qui fait qu'une fois sur deux, mon amazone va se mettre en
plein cœur de la mêlée alors que je voulais juste viser un monstre
en particulier. C'est particulièrement dommage et un peu énervant,
notamment quand les ennemis sont un peu petits ou bougent vite, bien
que ça ne soit pas non plus critique dans les combats. Et cela nous
amène au second gros défaut du jeu. La difficulté est ridiculement
faible. Heureusement que les derniers patchs ont un peu arrangé les
choses. Il est dommage que l'on ne puisse pas monter la difficulté
en cours de route, j'aurais bien mis à dur ou même très difficile
tellement je collectionnais les potions. À noter que de temps en
temps, dans les gros combats, le jeu semble geler pendant une petite
demi-seconde aussi. Il arrive aussi que le pet reste bêtement coincé
dans du décor, mais il a en général le bon gout de revenir vite.
L'interface est aussi parfois un peu maladroite, quand il s'agit de
transmuter des trucs ou d'enchanter des objets, on aurait aimé avoir
quelque chose de plus direct et plus économe en clics. Et je me
fiche éperdument de savoir combien mon chat m'a ramené de pognon
après avoir fait le marché.

Information
pratiques : Torchlight est disponible au téléchargement
sur la plupart des sites connus comme Steam, Direct2Drive, ou le site
du développeur
pour un prix avoisinant les 16€/20$. Une version boite serait en vente depuis le début de l'année. Aucun DRM n'est prévu. C'est pour
l'instant uniquement pour les machines tournant sous Windows
quoiqu'une version MacOS X Snow Leopard serait en préparation. La
configuration minimale permettrait de le faire tourner sur un
netbook, mais il semble que les développeurs se soient un peu
avancé. Pour info, il faudrait un truc tournant à 800 Mhz, 512 Mo
de RAM, une carte vidéo du niveau d'une GeForce 2 avec 64 Mo de
mémoire vidéo... Un éditeur de niveau est aussi téléchargeable histoire de s'amuser un peu plus longtemps.

Pour
une quinzaine d'euros, on a droit à un Hack'n'Slash particulièrement
convaincant, addictif et mignon à regarder. Je ne sais pas quelles
sont les ambitions à terme de Runic en la matière, mais en l'état,
Torchlight est une excellente surprise à laquelle on pardonnera les
quelques défauts de jeunesse dont certains ont été corrigés dans un
bon gros patch.