On vit une époque redoutable. Le politiquement correct coule à flot, ça en devient gerbant. Aujourd'hui, les vampires sont devenus des tapettes qui, loin de devenir poussière au soleil, se mettent à briller de mille feu, tels des Petits Poneys magiques.

Heureusement, il y a les jeux vidéo. La violence gratuite, les crises d'épilepsie, toutes ces choses qui rendent ce média extrêmement dangereux et qui font qu'il devrait être interdit au plus grand nombre.

C'est ainsi qu'apparaît, émergeant de cette infâme bouillie vidéoludique, un jeu violent et blasphématoire : Castlevania : Lords of Shadow.

Cessons de rire quelques instants, et redonnons, comme il se doit, au jeu vidéo les lettres de noblesses qui lui reviennent de droit. La série Castlevania est une des plus grandes de l'histoire de jeu vidéo, ses itérations sont nombreuses, et souvent de qualité. Il y est question de héros, la plupart du temps, issus d'une grande famille : la famille Belmont, allant affronter, dans un manoir improbable, sieur Dracula en personne. Et là, on affronte du vrai vampire. Pas de l'émo-gothique suicidaire au charisme digne d'une huître. Dans Castlevania, il est question du malin, de l'horreur, de fantômes, de monstres et de vrais vampires. Ceux qui en veulent au liquide chaud et délicieux qui coule dans tes veines.

La famille Belmont propose donc différents personnages en guise de héros, suivant différentes époques. Un épisode se passe même dans le futur. Dans Lords of Shadow, on part de la source même, puisque l'histoire se passe à la période la plus reculée d'une Castlevania : en 1000 et quelque. Le héros est donc le premier membre de cette famille à apparaître au grand jour.

Pourtant, soyons clair : ayant vue la fin du jeu, il m'est impossible de savoir vraiment ce qu'il en est... est-ce que ce jeu redessine un nouveau départ pour la série Castlevania ? Ou bien s'inscrit-il dans la mythologie de la série en tant que fondation ? Je ne connais passez bien la série pour tenter d'y répondre, mais quelques éléments, sans spoiler outremesure, permettent d'émettre quelques doutes.

Voilà d'ailleurs peut-être le plus gros bémol du jeu. En prenant le rôle de base de tout le cycle, ce Castlevania prend le risque de s'éloigner des fondements de la série. Bien sûr, le fait de passer à la 3D implique des choix de gameplay, mais là, on se retrouve face à un jeu totalement différent de ce à quoi on était habitué. Voire même de ce à quoi on était en droit de s'attendre. Très peu de vampires, une aventure qui se passe surtout en extérieur, et pas vraiment (ou pas la plus grande partie) dans un grand manoir sombre et mystérieux.
A vrai dire, lorsqu'on prend le jeu en main, il faut se rendre à l'évidence : on joue à God of War. Même style d'arme, héros bien ténébreux, ennemis qui lâchent des petites gemmes pour que l'on récupère de la santé ou de la magie, utilisation d'armes secondaires, gros combos dévastateurs, la référence est assumée. Ce n'est d'ailleurs pas le seul "GROS" clin d'oeil du jeu. Les fans de Shadow of the Colossus comprendront, et même ceux (plus étrange) de Portal ! Mais loin de se contenter d'imiter bêtement ces grands jeux, Lords of Shadows les sublime. Il prend le meilleur et l'adapte joliment.

Joliment, oui, car le jeu est sublime. Bien sûr, désormais, on a l'habitude de voir du jeu en HD avec de belles animations et tutti mamie. Mais ce Castlevania va plus loin. Les graphismes sont bien fichus, le chara-design est cool, mais, ce qui m'a le plus surpris, c'est l'architecture qui englobe le tout. Les donjons qu'on escalade sont énormes, les niveau, quoique complètement linéaire, sont surprenant de beauté et d'originalité. On plonge dans ce monde en ouvrant grand ses yeux, et tant pis s'il s'éloigne de l'esprit de Castlevania : on prend plaisir à rêver. Et si le jeu est bourrin au début, s'inspirant trop de God of War, il prend rapidement, au fur et à mesure de l'obtemption de nouvelles capacités, ses propres rouages et devient alors assez technique, même si l'on se défoule plus qu'on ne se prend la tête. Les combats avec les bosses, se terminant souvent en Quick Time Event, sont jouissifs, et l'on retrouve l'ambiance bien gore et défoulante de God of War, avec ce plaisir jouissif de "terminer" un ennemi supposé immortel en le tranchant, l'éviscérant, l'explosant de bien des manières différentes.

Quelques ombres au tableau cependant, comme des bugs de collisions, des passages parfois un peu mal réalisés et énervant, et une gestion du saut et des passages plateformes (heureusement assez peu nombreux) plutôt chaotique. Mais l'ambiance et la réalisation sont là pour faire oublier le tout. Les parties d'escalades pourraient rebuter, mais elles sont faciles, et permettent surtout de contempler des paysages et des structures toujours plus extraordinaires les unes que les autres. Le scénario n'est pas en reste, intéressant, un peu simple (avec un dénouement plus complexe qu'on ne se l'imagine, et plusieurs retournements de situations), et un épilogue qui propose des choses très intéressantes.

Ce petit studio espagnol dont j'ai oublié le nom se permet de nous délivrer un très bon jeu qui, sans titiller l'excellence même, est vraiment plaisant à jouer, sans aucune prise de tête. On y retrouve le jeu vidéo dans son habit le plus simple : un voyage, un défoulement, une rêverie violente mais jubilatoire qui est extrêmement bien maîtrisée.