J'ai terminé hier le mode histoire de Batman en mode normal avec un taux de 77% d'achèvement. Cela représente une bonne partie des secrets découverts : trophées de l'homme-mystère, points d'interrogation à recomposer, cassettes et entretiens, énigmes. Il me reste de l'expérience un fort sentiment de n'être jamais rentré dans l'histoire, d'être resté à la surface des choses.

Il y a un (petit) moment de jeu que je retiens, c'est dans le combat contre le monstre plante. Je devais lancer un Batarang entre deux esquives de projectiles tirés par le monstre. C'était assez serré car, si j'ai bien compris, le jet de Batarang a une visée auto mais à condition que j'imprime la bonne direction au stick gauche – qui est aussi le stickde mouvement. Comme le monstre est toujours au fond de l'écran et que les déplacements sont relatifs à la caméra, cela signifie que je dois momentanément me déplacer vers le fond de l'écran pour lancer le Batarang alors même que pour éviter le tir de projectile je fais des roulades de gauche à droite... C'est certes anecdotique quand on prend l'aventure dans son ensemble, mais ce petit morceau de challenge – qui se répète 9 fois contre le monstre plante – est ce qui m'aura demandé le plus de doigté et de précision durant tout le jeu.

Je ne sais pas bien par où commencer. Les dialogues sont plats. Les personnages sont insignifiants, autant Batman que son ennemi le Joker. On ne sent pas de folie, on ne sent pas de brutalité... On ne sent rien de fort, d'extrême. C'est plat, comme si tout cela était faux. Le récit c'est Batman qui course le Joker dans l'asile d'Arkham, et à chaque fois que celui-ci met en branle un "attentat" (au sens large) alors Batman fera sa priorité de le contrecarrer. La voix de Batman est très consensuelle par ailleurs, très proprette. Une voix grave d'homme jeune et doux.

J'ai un gros problème avec le design des personnages. Batman est trop, trop musclé. Il ressemble à un méga culturiste. C'en est risible ! C'est d'ailleurs difficile d'imaginer qu'il arrive à se déplacer aussi facilement avec les muscles qu'il porte. Le clou du spectacle c'est dans une hallucination provoquée par Jonathan Crane : des sosies de Batman en prison qui se tiennent la tête entre les mains ou font les cent pas. La combinaison truffée de gadgets et les muscles énormes rendent la silhouette de ces dépressifs d'un cocasse sans nom.

Le Joker a une bouche démesurée : il n'a pas seulement son rouge à lèvres qui lui fait une grande bouche, mais il a réellement une bouche qui monte jusqu'aux oreilles ! De fait, pour ma part, il perd en crédibilité et fait plus clown qu'autre chose, perd tout côté inquiétant pour se réduire à un monstre de foire (d'autant plus énervant qu'aussi stupide qu'il se montre à chaque fois qu'on le croise il arrive à anticiper toutes les actions de Batman et élabore des actions criminelles d'envergure, ce qui est difficile à concevoir).

Je n'ai pas pris la peine de chercher tous les secrets qu'il me restait à trouver. A quoi bon ? Repasser dans des décors pour chercher des murs transparents à exploser ou des grilles de ventilations à arracher avec la Bat-griffe, j'ai appris à m'en lasser. Les "cartes des secrets" à ramasser nous allègent la tâche puisqu'elles indiquent une localisation approximative sur la carte de tout ce qu'il nous reste à trouver. Le terme est lâché : tâche, travail. Ca me fait penser aux objets de Far Cry 3, qui une fois qu'on avait trouvé la carte devenaient plus faciles et rapides à découvrir, mais restaient un défi ingrat et peu enrichissant.

Visuellement le jeu est "complexe". Je n'ai pas de meilleur mot pour l'instant pour signifier que les graphismes sont techniquement fouillés. Oui les textures sont en haute définition, oui il y a des effets de lumière modernes et tout un tas de procédés graphiques dont je ne connais pas le nom qui peuvent donner une impression d'image soignée, travaillée et à la pointe de la technologie (du moins à l'époque). Mais je n'ai pas du tout été impressionné.

Le jeu opte pour un style réaliste (pas des graphismes cell-shading façon bande dessinée) mais se heurte à des visages modélisés de façon sommaire autant dans leurs reliefs que leurs expressions. Les animations des combats sont recouvertes par les effets visuels (d'impact par exemple) et les pop-up du compteur de combo. Batman, derrière ce fatras, a l'air de réaliser des figures un peu farfelues mais que j'ai du mal à distinguer. Quand les ennemis se mangent le coup final, ils réagissent mollement, d'ailleurs même l'effet sonore est comme étouffé. Alors oui il y a un moteur physique, mais n'emêche que dans un jeu labellisé bidon comme Dark Angel sur PS2 on voit bien l'impact des coups sur les vilains, la force de leur projection quand on les projette, et must du must la déformation (scriptée) des étagères quand ils s'écrasent dessus.

Pour prendre un jeu plus connu, Yakuza. Dans Yakuza on sent les impacts. Les coups connectent précisément les ennemis lors des finish (contrairement à Batman où c'est très approximatif) et on peut lire la douleur sur le visage des adversaires ! Dans Batman pas du tout.

Même les "fameux" graphismes HD sont perdus sous le filtre quasiment monochrome (et sans textures ?) du mode de vision "détection" que j'ai utilisé la plupart du temps pour repérer facilement les éléments du décor avec lesquels interagir – il faudra un jour qu'un développeur m'explique la pertinence dans un JV d'une bouillabaisse de divers flous lumineux. Mais oui, c'est pour en mettre plein la vue, je sais, et épater le public et les journalistes.

Pourquoi Batman a-t-il été si bien reçu par la critique ? D'abord pour la technologie déployée dans le visuel, on l'a vu. Ensuite très certainement parce que le jeu "se laisse jouer". Outre le fait qu'il n'y ait pas de gros bugs, que le contrôle soit accessible, assez intuitif et relativement fiable (j'ai eu du mal avec Batman qui ne se rattrape quand on grimpe par-dessus une barrière), le jeu est truffé de "secrets" qui constituent des micro-défis présents à chacun de nos pas et qui ne manquent pas de nous féliciter de les avoir découvert. En résumé, en jouant à Batman c'est comme si on était en perfusion de "réussites de trucs". Dans chaque salle l'histoire n'avance pas, mais dans chaque salle il y a des trophées de l'homme mystère, une énigme, des dents du joker à détruire, des passages secrets (grille de ventilation ou mur à exploser...) où découvrir d'autres secrets, eux-mêmes bien comptabilisés dans un menu... C'est-à-dire que même si on n'avance pas (encore) dans l'histoire, on est awesome régulièrement parce qu'on a trouvé une cassette d'entretien de plus, ou une biographie, un esprit d'Arkham pris en photo... De fait il est "plaisant" de jouer à ce jeu. On gagne quand on joue à Batman, c'est comme ça, ça fait partie de l'expérience. Ce qu'on ne dit pas c'est qu'on ne gagne pas grand chose, que cette impression agréable est très superficielle et que finalement l'expérience ne nous offre rien sur le plan narratif – autant via le jeu que via les cinématiques et dialogues.

On nous propose des séquences d'infiltration où on peut utiliser des gargouilles au plafond pour se cacher. Sauf que quand je me hisse dessus avec le grappin, j'ai beau passer en volant près devant un garde celui-ci ne me voit pas ! Trop bien ! Comment voulez-vous que je me sente dedans ? Je n'ai même pas besoin d'attendre le bon moment pour tirer mon grappin sur une gargouille en hauteur et m'y hisser, les gardes peuvent regarder dans ma direction c'est la même chose ! Puis pour une raison complètement arbitraire, je ne peux pas non plus suspendre plusieurs types à une même gargouille, ni assomer deux types depuis le même angle. Je ne sais pas pourquoi, quand j'ai été face à ces impossibilités je n'ai pas compris. Ce n'est pas logique.

Enfin, les combats. Le challenge se résume à penser à actionner la touche Y de contre quand des éclairs s'allument au-dessus de la tête d'un ennemi. Sinon on appuie sur X à répétition en imprimant sur le stick gauche la direction vers laquelle se trouve l'ennemi qu'on veut taper. Le dilemme des combats ce n'est pas comment faire pour ne pas mourir ? C'est comment faire pour aller vite sans mourir. Parce que ne pas mourir, c'est simple, il suffit de contrer toutes les attaques qui arrivent, point. Seulement pour aller vite il faut faire des enchaînements (c'est-à-dire taper ou contrer plein de fois sans être interrompu ni s'interrompre soit-même en tapant ou contrant dans le vide) puisqu'à partir de x5 ou x8 le personnage balance de grosses attaques critiques qui font plus vite le ménage. Seulement quand on est parti à marteler la touche X on peut oublier de contrer une attaque qui arrive, ou alors penser qu'on a le temps d'attaquer l'attaquant pour casser son attaque et en fait non.

Concrètement ce dilemme n'en est pas un dans dans 90% des combats du jeu, où quoi qu'on fasse, même n'importe quoi, on ne mourra pas. C'est seulement le cas dans quelques arènes vers la fin de l'histoire avec des boss, où là il faut légèrement faire plus attention... Et je dis bien légèrement parce que c'est très très loin d'être la folie.

Arriver à faire des combos n'est évident donc là encore on a une source de gratification. C'est pour ça que l'on lit ça et là, je pense, que les combats de ce jeu sont efficaces ; parce que la mécanique d'enchaînement n'est pas évidente à maîtriser et que quand on y parvient le compteur de combos se colore en jaune et grossit genre "ouh là ! EXTREME !! ça chauffe !", les effets sonores (plats, comme si on tapait dans un matelat) sont amplifiés et Batman se met à faire des sortes de galipettes je n'ai pas bien compris.

Mais c'est encore un système qui n'a pas de sens : pourquoi Batman ferait des attaques plus puissantes uniquement à la suite d'un enchaînement x5 parfait de contres et de coups de poing ? Je comprends l'intérêt ludique mais pas la pertinence d'un point de vue narratif. Et en parlant d'intérêt ludique, là c'est l'usage fait du système dans le jeu qui est discutable : puisque tout l'intérêt du système vient de la réalisation des enchaînements, pourquoi n'en avoir pas fait un élément nécessaire ? Par exemple, pourquoi pas des combats et des ennemis ne pouvant être vaincus que par des combos x20 ou que sais-je ? De manière à ce qu'on ait à véritablement exploiter le système et un vrai challenge à relever. Parce que si le jeu nous félicite sans arrêt à la moindre babiole ramassée ou au moindre enchaînement commencé, on ne peut pas dire qu'on doive transpirer ou s'investir vraiment pour avoir cette reconnaissance. On n'a pas à s'impliquer, en un mot.

Batman est un jeu qui autorise le joueur à le terminer sans s'impliquer.

Dernier commentaire : je ne me serais jamais fait à la caméra avec Batman à gauche qui prend un tiers vertical de l'écran – je me mettais à courir juste pour qu'elle se mette derrière lui, s'éloigne et avoir une meilleure vue de la situation.