Et si, derrière un blockbuster de
2009 aux graphismes ultra aboutis et à la licence souvent usée jusqu'à la
moelle, se cachait un gameplay des plus old school ?

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Avant d'expliquer ce qui m'a
amené à cette question et pour laisser un peu de suspense, je me permets
d'abord de traiter de l'univers du jeu. Evidemment, il nous est bien familier
puisqu'il s'agit ici de prendre le contrôle du légendaire Dark Knight, invité
malgré lui d'une émeute dans l'enceinte de l'asile d'Arkham (l'établissement
qui renferme tous ses adversaires les plus dangereux). Parmi eux bien sur, le
Joker, instigateur de la révolte et principal antagoniste du jeu. Une licence
bien juteuse, surtout depuis son retour au cinéma, et dont on attendrait à
priori pas grand chose (elle avait pourtant déjà su nous surprendre
agréablement, et beaucoup se souviennent d'un volet des aventures de Batman sur
Nes). Néanmoins, elle est ici très bien utilisée, avec d'une part un univers
sombre et visuellement très prenant ; et d'autre part le cast de Kevin
Conroy et Mark Hamill, doubleurs attitrés respectivement du Batman et du Joker
depuis le dessin animé de Bruce Timm. Oui, j'ai bien dit Mark Hamill, dont le
talent ne se borne clairement pas à agiter un sabre laser.

Pourtant, là où la licence est
vraiment exploitée de manière ingénieuse, c'est le choix de l'île d'Arkham
comme unique théâtre de l'action. La force de l'environnement est en effet
d'être à la fois ouvert, Batman pouvant circuler librement dans les nombreuses
zones de l'asile (de l'aile médicale aux égouts, en passant par le pénitencier
et les jardins ); mais aussi d'être fermé, rendant l'univers cohérent,
justifiant la présence de tous les antagonistes les plus célèbres du Dark
Knight, tout en isolant le joueur qui devra lutter seul contre les dizaines
d'hommes de main du Joker. On pourra quand même regretter que le déroulement du
jeu nous fasse découvrir cet environnement d'une manière plutôt linéaire.

Mais une telle licence implique
également des contraintes, au-delà bien sur du contrôle qu'a certainement
exercé DC au niveau du design (très réussi) ou du scénario (quant à lui assez
convenu). Je pense au personnage même de Batman, comment il se joue, et surtout
la manière dont il évolue. En effet, la progression se fait plus par
l'obtention de gadgets que par celle de nouveau coups ou par l'augmentation de
caractéristiques. Autrement dit, si de nouvelles compétences s'offrent au
joueur au fur et à mesure de l'aventure, Batman s'avère quant à lui surpuissant
dès les premières minutes. En particulier, les combats se résument pendant une
bonne moitié du jeu à du tabassage de sbires sans réel challenge. Des phases
jouissives, qui répondent au fantasme du super héros (après tout, pourquoi le
célèbre Batman aurait-il encore besoin d'entraînement ?), mais relativement peu
profondes en termes de gameplay.

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Et puisque le mot gameplay est
lancé, autant attaquer le vif du sujet. Le jeu est clairement segmenté et
alterne des phases d'exploration, d'action, et d'infiltration. Pour ce qui est
de l'exploration, on voit déjà en quoi le jeu peut être old school. En effet,
malgré le rythme soutenu de l'histoire, de nombreux répits sont insérés pour
encourager le joueur à fouiller chaque zone et ainsi découvrir tous les secrets
du jeu. Pour se faire, il devra résoudre de nombreuses énigmes, alternant entre
les références aux comics et l'utilisation de codes récurrents. Par exemple, on
scrute ici en vue « détective » les décors à la recherche des traces
des points d'interrogation peints par le Riddler (l'Homme Mystère en français),
un peu comme on pouvait guetter les fissures dans les murs d'un Zelda : A
Link To The Past. La progression sur l'île est quant à elle semblable à celle
d'un Metroid : l'asile est un véritable labyrinthe, dans lequel on circule
librement mais dont l'exploration ne se fait que petit à petit grâce à
l'obtention de nouveaux gadgets. Ainsi, si l'on est parfois amené à retourner
sur des lieux déjà visités, chaque passage s'avère en fait différent des
précédents.

Les phases d'action sont celles
d'un « beat them all » 3D minimaliste, et ne se jouent quasiment
qu'avec deux boutons, un d'attaque et un autre de contre. Une fois l'un des
deux pressés, Batman se charge du reste et enchaîne des coups de plus en plus
impressionnants. Jouissif à regarder, moins à jouer. Heureusement, les ennemis
s'arment peu à peu et les titans (des humains transformés en énormes monstres)
se font de plus en plus nombreux. Certains combats s'avèrent même corsés, et le
joueur devra apprendre à maîtriser le timing de ses attaques pour rester
efficace. A noter l'existence d'un mode challenge dans lequel le joueur est
opposé à des vagues d'ennemis, le but du jeu étant d'exécuter des combos pour
obtenir le meilleur score possible (les objectifs fixés par le jeu n'étant pas
évidents à atteindre). Il m'est néanmoins difficile d'être convaincu par ce
mode, tant les actions de Batman sont automatisées. On reste toujours
tributaire du comportement de son avatar, dont on ne sait jamais trop quel
ennemi il choisira d'attaquer, comment, ni à quelle distance ses coups pourront
porter sans interrompre le combo. Quant aux boss, ils apportent une variété
très appréciable aux combats, chacun proposant une expérience différente. Ils
reposent cependant tous sur des patterns très précis, qu'il faut analyser pour
découvrir quand frapper et comment. Là encore, une approche old school qui se
démarque de la confusion habituelle des jeux d'action. A noter aussi la
présence d'une barre de vie pour chaque boss, un artifice qui, quand on y
pense, se fait rare de nos jours.

Enfin, les phases d'infiltration
ne surprendront guère les habitués d'un Splinter Cell ou de Deus Ex. Il s'agira
en effet de franchir des zones ou d'abattre des ennemis en tirant profit à la
fois de ses outils et de son environnement, le tout sans se faire repérer. Car
si le Dark Knight semble invincible au corps à corps, il reste très vulnérable
face à un fusil d'assaut. L'approche se démarque quand même des autres jeux du
genre, moins par le gameplay que par les sensations apportées : ici, on ne
craint pas d'être repéré et on agit au contraire en prédateur, le jeu nous
laissant à loisir observer nos ennemis paniquer au fur et à mesure que leur
nombre diminue. Pour le reste, et en dépit d'une globale linéarité, difficile
de ne pas apprécier toutes les possibilités qui nous sont offertes. Pour
approcher un ennemi, on peut utiliser les conduits d'aération, ou encore
choisir la voie des airs en s'aidant des nombreuses gargouilles. Pour le mettre
hors d'état de nuire, on peut se glisser dans son dos avant de frapper, ou
profiter de manière plus complexe de l'arsenal à disposition (l'assommer de
loin avec un batarang, ou même l'attirer à l'aide d'un appât vers une charge
explosive posée au préalable à proximité). Pour compliquer les choses, les
ennemis s'offriront eux aussi quelques gadgets, comme une alarme signalant
lorsque l'un d'eux est attaqué, ou de quoi faire sauter les gargouilles sur
lesquelles le Dark Knight aura pris l'habitude de s'agripper.

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Finalement, on peut difficilement
dire que Batman : Arkham Asylum soit une révolution. Pourtant, son
ambiance prenante et son gameplay varié et agréable lui donnent les arguments
pour mériter son rang de blockbuster de l'année 2009. En plus de cela, l'aspect
old school des phases d'exploration et de certains combats (en particulier
contre les boss), lui procure un charme auquel il m'est difficile de rester
insensible.