Oui, il était temps. Il était temps que je joue à ce jeu, sorti en 2003 sur ma console toujours fétiche, et qui à l'instar d'un Ôkami, a acquis le statut de référence (je n'aime pas le terme de culte :P), malgré un succès commercial très mitigé.

Oui j'ai vu, j'ai joué, et j'ai fini Beyond Good and Evil.

Et maintenant, place au verdict.

 

Tour d'horizon

On incarne Jade, reporter armé de son appareil photo, vivant dans un phare en compagnie d'orphelins et de son oncle, le porc humanoïde Peyj au langage bien châtié, qui l'a élevée. L'une des premières choses qui frappe d'ailleurs, ce sont les dialogues, car on sent bien qu'il s'agit d'un jeu fait par des français, tant ces dialogues sont naturels, avec, instillées habilement, de nombreuses touches d'argot et d'expressions typiquement françaises.
Bien vite, on subit l'attaque des Domz, des créatures extraterrestres enlevant par dizaine chaque nuit les habitants de cette planète aquatique qu'est Hyllis.

Autant l'avouer, les 1ères minutes peuvent s'avérer très laborieuses : deux coeurs ("deux coeurs ?!"), des mouvements entravés par les enfants qui courent dans vos pattes, une héroïne un peu raide, une liberté de déplacement plutôt limitée, et rien qui vous indique sur le moment que vous pouvez utiliser le bidule rose avec la touche O pour vous guérir (ni que vous pouvez esquiver avec carré). Le pire étant que lorsque vous cherchez justement à tester toutes les touches disponibles, vous vous retrouvez à appuyer, plusieurs fois, sur R1 - qui vous fait passer en mode appareil photo, donc en vue subjective.
Face à une demi-douzaine d'ennemis vous vous retrouvez rapidement à vous dire "je vais quand même pas faire un game over direct ?!".
Non, j'ai juste attendu le 2e combat pour le faire :D
L'occasion de découvrir qu'Ubisoft a choisi très justement de permettre au joueur de recommencer ad vitam eternam la phase de jeu où il a échoué ; autant dire que c'est indispensable pour les néophytes de ce type de jeu.

Car Beyond good and evil est constitué à bien 75% de phases d'infiltration. Et lorsque se faire repérer signifie se faire one-shot automatiquement, on peut se retrouver à refaire 10 fois la même scène (et sans exagérer). En cela, contrairement à beaucoup de toute évidence, j'ai trouvé la caméra tout à fait adaptée, d'ailleurs manipulable dans une certaine mesure avec le stick droit. Jade peut ramper, se coller aux murs, s'y agripper, ou faire une roulade de manière silencieuse, et même si elle n'est pas des plus souples en combat, elle répond très bien lors de ces phases.
En effet, vous découvrirez bien vite que les sections Alpha censées protéger la population (et qui le rappellent à grand coup de propagande) sont les alliées des Domz et les aident même à enlever les humains qui leurs sont nécessaires. Reste à prouver tout cela ; et c'est là que Jade la reporter et son appareil photo interviennent.
On peut dire que BG&E s'inspire beaucoup d'un Pokémon snap. Au-delà des photos-clés qui une fois publiées serviront à éveiller la population hyllienne, une scientifique vous demandera rapidement de prendre en photo tout animal que vous rencontrerez (on notera que ça inclut les différentes races humanoïdes dont votre porc d'oncle, mais aussi les humains humains), en échange de perles, perles qui servent de monnaie vous permettant d'acheter de quoi booster votre hovercraft (améliorations nécessaires à la progression de l'histoire).
Car à l'image d'un Zelda Windwaker, vous naviguerez d'île en île, de repère en repère, et de poursuites de pirates en courses clandestines d'hovercraft.
Mais bien sûr, la majorité de l'histoire se déroule dans les donjons. Et j'arrive là au point fort du jeu, qui m'a absolument bluffée : les énigmes.

 

Une pépite d'ingéniosité et d'inventivité

Si le fait d'éviter les gardes alpha constitue des énigmes en soi (on peut parfois les affronter en combat mais ils demeurent toujours très difficiles à vaincre même en combat singulier), il y a aussi toute une part consacrée aux mécanismes à activer pour progresser dans le donjon.
Et là où un Zelda se contente de vous demander de trouver un objet, d'utiliser cet objet, d'en bouger d'autres, pour trouver la clé qui vous mènera de nouveau dans la salle principale où vous pourrez enfin ouvrir la porte du boss, BG&E a une approche beaucoup plus fine et intelligente.
C'est bien simple, vous ne trouverez qu'une seule arme supplémentaire, qui correspond au boomerang d'un Link. Autant dire que ça fait léger.
Mais le level design et ses mécanismes est un bijou d'inventivité : lorsqu'il n'existe qu'une énigme par salle, avec un mécanisme à usage unique dans un Zelda, BG&E peut trouver jusqu'à trois utilités pour un même élément.

Exemple : à un moment vous vous retrouvez à devoir vous infiltrer avec votre hovercraft, mais le chemin est barré par une grille (et si vous pouvez passer de l'autre côté, c'est uniquement à pied). Vous accostez, repérez rapidement l'interrupteur à activer, y aller. Seulement le temps de refaire le chemin inverse, et la grille s'est déjà rabaissée. C'est là que votre compagnon vous dit qu'il faudrait peut-être l'activer à distance. Qu'à cela ne tienne, vous vous mettez à mi-chemin, visez avec votre lance-disque l'interrupteur (dont la vue vous est caché par moment par les crans d'une roue qui tourne devant, et il faut prendre en compte le temps que mettra le lance-disque à faire le voyage), et pouvez refaire la moitié de chemin suffisamment vite pour que votre hovercraft traverse et accoste de l'autre côté. 1ère énigme.
Seconde énigme, depuis toujours cette même salle, vous atteignez une pièce, dont le chemin est barré par une barrière électrique et un robot-sentinelle qui vous tire dessus à vue et qui se protège par un bouclier (lance-disques inutile donc). Votre compagnon (j'y reviendrai) vous indique qu'il y a un passage en hauteur, de l'autre côté de la barrière, et qu'il faudrait pouvoir prendre la sentinelle à revers. Reste à trouver le passage vers cette entrée (que j'ai pris pendant un bon moment pour une sortie).
Vous faîtes demi-tour, retournez à la salle de l'interrupteur. Et là, d'obstacle, la grille va passer à aide. Vous vous rendez compte que juste au-dessus de l'interrupteur, vous pouvez grimper de tuyau en tuyau jusqu'à un passage, qui ressemble à ce que vous avez vu dans l'autre salle. Vous grimpez, grimpez, mais à un moment la plate-forme suivante est trop haute - il n'y a que la grille devant vous. Vous montez dessus et demandez à votre compagnon d'appuyer sur l'interrupteur pour la faire monter. Voilà, vous pouvez enfin atteindre le passage et aller faire la peau, au corps-à-corps, à la sentinelle. 2e énigme.
Dernière énigme, il s'avère que si vous continuiez à marcher sur la grille plutôt que simplement l'utiliser comme plate-forme, vous atteigneriez un 2e passage - mais il faut que la grille reste suffisamment haut pour que vous ayez le temps de traverser et d'atteindre ce passage. Il faut donc trouver l'endroit juste qui vous permettra d'être suffisamment loin pour que votre compagnon puisse encore recevoir des ordres, et suffisamment proche du passage pour pouvoir l'atteindre avant que la grille redescende. Et dans ce passage un animal unique à prendre en photo. 3e énigme.

Et ça n'est vraiment qu'un exemple parmi d'autres. Au final, les salles ne sont pas si nombreuses, elles sont juste suffisamment bien pensées pour accueillir des TONNES de casse-têtes, sans forcément jouer la carte du "chamboulement" tel que les différents niveaux d'eau dans un temple de l'eau d'OoT, ou "étage" en prétendant que différentes salles ne sont que la même à différentes hauteurs.
C'est bien là ce qui m'a le plus plue dans ce jeu, c'est le level-design et les situations que j'ai trouvées vraiment intelligentes et bien foutues et surprenantes.
Et même hors donjon, plein de petite choses bien pensées : un type qui cache un papier sur une table quand vous sortez votre appareil pour voir ce qu'il y a d'écrit, et qui vous oblige à trouver un point d'observation éloignée, le fait de se faire courser à travers la ville alors que vous sortez d'un donjon situé DANS la ville, etc, etc...

 

Les points faibles

A l'inverse, je n'ai pas vraiment été séduite par l'histoire, les personnages ou l'univers ; disons que sans plus, même si la ville est très sympa et a des airs de Ville de Traverse (Kingdom Hearts) dans son rôle.

Ce qui m'a le plus dérangée (mais rien de catastrophique non plus) c'est Jade tout simplement. Je trouvais son doublage souvent imparfait, et sa personnalité un peu trop super héroïne, sans peur et sans reproche. Il lui manquait réellement un côté au moins un peu anti-héros. Pour revenir à l'exemple précédent, je viens de me faire courser à travers la ville pendant 10 plombes, complètement prise par surprise, une course-poursuite vraiment haletante, et quand enfin j'en réchappe, je retrouve mon compagnon qui me demande comment ça s'est passé.
Et Jade lui sort quelque chose genre "ouai, ça va, tranquille".
De même, le côté "je suis belle et téméraire, et gentille aussi parce que je m'occupe d'orphelins". Au final, à ses côtés, les autres personnages sont très vite fades, ou du moins ils servent clairement de faire-valoirs pour nous montrer à quel point Jade est exceptionnelle.
C'est vraiment dommage.

Côté graphique, si Jade a bénéficié d'un sacré traitement, ce n'est pas le cas pour ses deux compagnons (Peyj' et Double H); honnêtement, le design de Double H et surtout la texture de son armure sont infâmes.
De même, si le compagnon sert à la résolution de certaines énigmes ou parfois en combat grâce à son coup spécial, il n'est vraiment pas très efficace en combat (il prend souvent des coups et semble les rendre assez peu), et il y a toujours un prétexte pour le rendre absent dans les donjons (typiquement, un passage trop étroit), menant à devoir lui débloquer le passage.
Par exemple, je pensais à la grille, et je me disais que quitte à pouvoir appuyer sur un bouton, il aurait dû être capable de faire passer l'hovercraft de l'autre côté de la grille sans que j'aie à être là, étant donné que je pouvais le rejoindre de l'autre côté à pied.
Ajoutez à ça des répliques vraiment fatiguantes à la longue ; si vous pouvez encore entendre aujourd'hui quelqu'un hurler "CARLSON ET PEETERS !!" chapeau bas.

Niveau musique, je dois dire que rien ne m'a marquée, peut-être une musique de nuit sur l'hovercraft, mais je n'ai pas spécialement apprécié la musique type pop espagnole qu'on entend entres autres dans un mini-jeu ou la musique type jamaïquenne du garage Mammago, même si ça a le mérite d'être original.
Qui plus est, j'ai eu l'aventure pourrie de nombreuses fois par des bugs sonores, de type un son qui se répète à l'infini, mais à la réflexion ils proviennent certainement de mon DVD qui est une occaz' d'une occaz".

Pour en finir avec les points négatifs, notons le fait de ne pas pouvoir retourner sur Hyllis à partir d'un certain moment (bye la possibilité de finir le jeu à 100%), une durée de vie assez courte pour l'amatrice de RPG que je suis (comptez 15h pour le boucler à 100%) mais qui ira certainement aux autres, ou un final assez succinct et fade (malgré le boss vraiment excellent) qui vous fait dire "...ah".

 

Malgré tout, du fait de son gameplay (même si un peu raide parfois) et de son level design formidables, Beyond good and evil est un excellent jeu d'aventure qui a su garder la notion de jeu au coeur de sa démarche, équilibrant parfaitement narration et jeu, ce qui ne se fait plus que rarement...