Bien que pas spécialement accro au net, il était quand même difficile de ne pas entendre parler d'Heavy Rain ce mois-ci, le dernier né du studio Quantic Dream. Un jeu qui selon son créateur porte la promesse d'une évolution pour le jeu vidéo, à savoir dépasser le stade du simple divertissement. Je ne suis pas vraiment convaincu...

Le mépris comme gameplay

Heavy rain est un jeu qui ne vous aime pas. En tout cas le joueur de jeu vidéo car à aucun moment il essaye d'aller vers vous, à aucun moment il fait preuve de générosité, à aucun moment il ne vous rappelle pourquoi vous aimez ce média, en gros il vous méprise. Il impose simplement que ce soit vous qui alliez vers lui sans fournir aucun effort.

En effet le gameplay ne se résume qu'à une succession de scènes où s'enchaînent actions contextuelles et QTE, sans réflexion, sans challenge et j'ajouterai sans plaisir. Tout doit venir de vous, de votre propre implication. En gros si vous n'accrochez pas au scénario très limité (je vais y venir après) et aux tentatives grossière de se donner de la consistance avec des choix soit disant moraux, vous serez purement et simplement laissé au bord de la route. David Cage pense que le jeu vidéo a quelque chose de dégradant et ça sent.

Mais comment y croire?

En fait cette question m'a traversé l'esprit tout au long du jeu. Le scénario est truffé de clichés et ça en devient indécent, il n'y aucune originalité tout s'écoule sans accros on dirait un scénario type sortit d'un manuel d'apprentissage d'écriture cinématographique, chapitre Thriller. J'avais la désagréable sensation de jouer à ce que je ne peux plus voir au cinéma... ça ne fonctionne plus. (Malheureusement, pour ne pas spoiler,les personnes qui souhaitent tout de même y jouer, je ne peux rien citer, mais je vous assure que c'est effarant. C'est tellement convenu que je ne devrais même pas appeler ça un spoil). Je ne me suis jamais senti impliqué.

Et pour ce qui est des multiples embranchements, il n'y a rien de compliqué à ça... En fait ça s'appelle un brainstorming de scénaristes, qui est une phase préparatoire où l'on discute des multiples fins et développements possible. Et justement toute la difficulté est d'arriver à en isoler une pour maximiser l'impact sur le spectateur ce qui n'existe pas dans Heavy rain.

Tirer ou ne pas tirer la chasse

Ce titre de chapitre est volontairement provocateur mais c'est parce que dans le fond je pense que Quantic Dream perd son temps avec cette histoire de choix et de conséquence; c'est une voie de garage et surtout cela ne peut en aucun cas provoquer une émotion forte et durable. Car on ne peut pas le nier c'est une réel volonté de la part du studio; nous donner le choix (Bien que dans les faits c'est pas vrai tout le temps). Mais puisqu'ici le but est de créer de l'émotion il ne faut surtout pas demander l'avis au joueur où au spectateur. Pour moi ça ne marche pas dans ce sens, c'est la vision de l'auteur qui prime et c'est elle qui vient vers nous pas l'inverse. Un roman sera toujours plus fort qu'un livre dont vous êtes le héros  car vous n'avez pas le choix, ça s'impose à vous que l'on aime ou pas.

Un autre exemple, la fin de Seven (je parle de ce film car David cage le copie sans scrupules et sans talent) est forte car on ne peut rien y faire, si on avait pu la changer et y mettre sa touche personnelle l'émotion disparaîtrait. D'ailleurs c'est pas un hasard si beaucoup de gens (qui apprécient la première fois) pensent que c'est quand même beaucoup moins bon, une fois le deuxième run lancé, car ils effectuent d'autres choix qui changent la fin et ainsi crée une distance par rapport au jeu.

Et enfin je me moque de savoir ce que je ferais à la place du héros dans une histoire, ce que je veux c'est vibrer à travers lui mais en aucun cas prendre sa place. C'est quand même cloisonner l'imagination sur sa propre personne.

La polémique

Je me sentais obligé d'en parler tout de même car pour moi il n'y a pas vraiment de polémique mais juste un puissant système marketing qui a pris son temps (4 ans) pour imposer son discours. Car aujourd'hui je peux vraiment affirmer qu'il n'y a aucune révolution (Tiens ça me rappelle un certain Avatar), mais un formatage de pensée pour y croire. D'ailleurs il serait vraiment détestable que cela puisse créer des vocations. En effet il me semble effarant qu'à l'heure actuelle où le jeu vidéo cherche une certaine reconnaissance auprès du public, qu'il aille purement et simplement singer un autre art et renier ce qu'il est, c'est à dire un gameplay. (Par essence il n'y a plus de jeu à partir du moment où l'on ne peut plus perdre)

 

Pour conclure Heavy Rain n'est ni un bon jeu, ni un bon film c'est juste l'oeuvre d'un petit malin qui semble bien plus préoccupé par la trace qu'il souhaite laisser au monde plutôt que de penser aux joueurs en les abandonnant sur la chaussée. Si c'est ça la maturité du jeu vidéo alors je lui préfère encore l'heure de ses premiers pas où il allait sincèrement vers nous sans préjugés, plein de spontanéité et de générosité.