Gameblog : nous étions à la présentation de RiME à la Gamescom. C'était très impressionnant. Comment se sent-on quand son jeu est montré pour la première fois sur des écrans géants dans un endroit pareil, avec des milliers de spectateurs ?

Raúl Rubio Munárriz : Luz, Risa, Bradley et moi y étions aussi. C'était simplement fantastique ! Pour nous, qui sommes habitués à créer avec nos tripes, c'était un soulagement. Tellement d'émotions que nous ne pouvions partager avec personne, à travailler dans le secret si longtemps ! C'est comme faire un coming out (créatif) et s'écrier "nous voilà, nous sommes fier d'avoir créer cela !". Et puis nous avons été soufflés par l'accueil. On nous compare à Ico ! Quand on travaille sur un projet si longtemps, on perd la perspective des choses !

RiME nous a tout de suite fait penser à Ghibli (la musique !) et à Ico. Acceptez-vous ces comparaisons? Quelles autres influences pouvons-nous attendre ?

Merci. Ca nous touche beaucoup. Ghibli a été une de nos influences visuelles. La plus notable est Joaquín Sorolla et la manière qu'il a de peindre la lumière de la méditerranée ; ou Salvador Dalí et l'architecture de Giogio de Chiroco. Le film Jason et les Argonauts a été la première et plus importante influence cependant. Pas littéralement, mais dans l'esprit : le voyage, la découverte, le jardin interdit...

ThatGameCompany et Team Ico ont créé quelque chose d'unique : des HISTOIRES. Suffisamment simples pour que tout le monde puisse les comprendre, mais profonde et suffisamment parlante pour vous toucher au cœur. Brillant.

Votre premier jeu, Deadlight, a reçu des avis mitigés de la part des critiques. Qu'avez-vous appris et améliorer qui a été utile pour RiME ?

Nous avons appris beaucoup de Deadlight (vous devriez lire notre bible Postmortem !) : à part l'évident "ne pas sortir ce foutu jeu s'il n'est pas fini", la narration et comment l'environnement et l'atmosphère améliorent l'immersion. Nous n'avons jamais voulu beaucoup de dialogues dans Deadlight (le jeu était raconté à travers le journal de Randall) mais RiME va plus loin. C'est une histoire sans mots, racontée à travers le plus important des personnages : l'île.

Techniquement, comment utilise-t-on la puissance de la PS4 quand on développe un jeu avec ce genre de graphisme ? Pour l'immersion ? L'animation ?

Pour toutes ces petites touches qui, lorsqu'elles sont combinées, vous laisse "juste" percevoir une peinture vivante. Mais si on rentre dans les détails, c'est si complexe... Arriver à ce niveau de stylisation nous a pris un an. Le garçon est muet, donc tout doit être exprimé à travers son langage corporel. Le jour et la nuit sont aussi important, pas juste un gadget visuel. Il faut donc que cela soit aussi réaliste que possible sans briser l'harmonie visuelle et les palettes imaginées par nos artistes. Et c'est un monde ouvert, avec des montagnes, des vallées, des côtes, des cascades, des ruines...

L'autre jour, j'y jouais sur un devkit PS4 et je me disais "mmm, c'est joli". Je me suis demandé à quel point nous poussions la console, j'ai regardé le nombre de polygones affichés : 11 millions. De toute évidence, nous n'avons pas encore optimisé le code, mais c'est encourageant quand plus de polygones ne signifient pas plus un parasitage visuel et du baroque, mais simplement un équilibre. On regarde ça et le but d'une peinture vivante est presque là. On ne voit pas des matrices de particules 3D, ou un éclairage dynamique global en temps réel... C'est juste joli. Et c'est un des points les plus durs quand on créé un jeu artistique.