Pour commencer cette discussion sur la composition de musique pour des projets de jeux indépendants, quels sont, à votre avis, les plus gros avantages que présentent les jeux indés actuellement ?

Laura Shigihara : La liberté de création est importante. Je pense que dans l'industrie musicale, telle qu'elle est aujourd'hui, il est difficile de se démarquer d'un genre en particulier, mais dans les jeux indépendants, on peut souvent faire ce que l'on veut.

Alec Holowka : Je pense que la scène indé est un champ d'action formidable parce l'on peut écrire quelque chose complètement honnête et les gens y répondront souvent de manière positive. Ma musique a réussi à trouver des fans parce que les gens sont capables de percevoir qu'elle découle de quelque chose de sincère et qu'ils peuvent compter là-dessus. Dans certains cas, les développeurs de jeux indés peuvent même s'appuyer sur certains éléments de la musique comme une source d'inspiration pour changer le game design. C'est quelque chose de vraiment vivant, qui avec des retours de chaque coté.

Danny B. : Je n'ai fait une l'occasion de travailler sur des jeux mainstream, mais avant de commencer la musique de jeu, je faisais des films. Dans ces derniers, la musique est là pour renforcer l'impact émotionnel de ce qui est à l'écran. Avec les jeux, il faut davantage composer pour un scénario. "Il y a des zombies qui traversent une pelouse, et des plantes leur tirent dessus.". Je pense que c'est aussi de là qu'on tire une certaine liberté.

Baiyon : J'ai composé un morceau pour un film appelé Moog, sur les synthétiseurs Moog, où avaient aussi participé New Order et They Might Be Giants. On m'a laissé beaucoup de liberté au niveau de la création, et j'ai eu pas mal de chance de pouvoir faire ce que je voulais. C'est vrai que l'on peut trouver beaucoup de liberté lorsque l'on travaille pour certains jeux indés, et peut-être que je commence seulement à faire la différence entre développer pour des jeux indés et des jeux mainstream. Il y a beaucoup de sympathie pour les jeux indés. Cependant, quand je demande à des gens pourquoi ils aiment ma musique et qu'ils me répondent "Parce que j'aime la musique des jeux indés.», ça me rend vraiment triste. J'ai presque envie de tout arrêter quand j'entends des choses pareilles.

Danny : La démarcation entre jeu indés et mainstream peut vraiment être ténue d'ailleurs. Où se situent PopCap et Q-Games ? Aux Etats-Unis, nous avons aussi un genre de musique qui s'appelle "musique indé", mais en réalité c'est du rock acoustique.

Baiyon : Ce qui me semble important, c'est que ce "rock acoustique" veut vraiment dire quelque chose musicalement parlant. Comment peut-on considérer comme "Indé" un genre qui n'a rien à voir avec la qualité de la musique. Parler en termes de "musique japonaise" et "musique américaine" en tant que genres amène le même type de problème. Je me fais du souci lorsque j'entends quelque chose qui se réduit à "C'est indé, donc j'aime.".


PixelJunk Eden Encore pour le Playstation Network

Alec : Parce les jeux indés sont plus petits, ils peuvent souvent prendre davantage de risques.

Baiyon : Je n'ai pas travaillé sur beaucoup de jeux, et sur celui-là on m'avait dit de faire ce que je voulais. Peut-être j'ai juste eu un coup de bol.

En termes de risques que les jeux veulent éviter, il apparait que l'on ne doit pas demander au joueur de trop réfléchir sur les implications éthiques de ses actions dans le jeu. Voyez-vous les jeux comme un moyen approprié d'introduire des dilemmes éthiques, et alors que nombre d'entre eux mettent en avant, comme arguments de vente, le fait de ne pas s'encombrer de ces considérations ?

Alec : Souvent les joueurs sont encouragés à tout détruire autour d'eux, sans tenir compte de la manière dont cela affecte les personnages non-joueurs du monde dans lequel ils évoluent. Ca pourrait être intéressant si un jeu gardait ça en tête et disait "Attends, t'as juste été un gros connard.".. Cela a plus de poids qu'un roman ou une émission de télé car vous avez effectué ces actions vous-même. Shadow of the Colossus appliquait totalement ce principe. Vous tuez ces créatures gigantesques, et ce n'est très clair si c'est une bonne chose ou pas.

L'idée de consciemment blâmer le joueur pour le faire réagir moralement est une idée qui fait un peu peur car vous pouvez vous couper d'un bon nombre de joueurs. Il y a aussi cette attitude qui consiste à dire que les jeux sont d'abord supposés être amusants avant toute chose, mais je pense qu'il y a différent manière d'amuser. La catharsis peut être amusante. En travaillant sur l'intro de Marian, au moins une des personnes de l'équipe était mal à l'aise, j'ai pensé que c'était vraiment une bonne chose.

Jeriaska

Jeriaska est un journaliste indépendant de l'industrie du jeu vidéo.

L'an dernier, il a commencé la rubrique appelée Sound Current sur GameSetWatch dont les articles ont été également postés sur le sité affilié Gamasutra, ainsi que sur le site français Squaremusic. Ses textes sont aussi apparus dans des publications comme Game Developer Magazine, Siliconera et 1UP.com.

Il est aussi l'homme derrière le feed Twitter Nobuooo et a officié comme le recruteur à l'origine de l'album hommage online IWADON.

Anne Ferrero

Anne, ou katsudon, travaille pour la chaîne de télévision Nolife depuis trois ans sur diverses tâches et émissions après des études d'histoire de l'art et de japonais.
Interdite de jeux vidéo, BD, dessins animés, petite, cela n'a visiblement servi à rien puisque qu'elle réalise l'émission OTO Play, devenue depuis peu OTO Play Sample consacrée à la musique de jeux vidéo.