Après un premier trailer assez mystérieux, Déraciné, le nouveau From Software pour PlayStation VR, vous place aux commandes d'une invisible fée, qui va devoir se faire connaître des jeunes pensionnaires d'une école aux forts accents britanniques. Aussi mystérieux que discret lors de cette édition 2018 de l'E3, Hidetaka Miyazaki nous a accordé quelques minutes de son temps pour évoquer son tout premier jeu en réalité virtuelle...


Gameblog : Pouvez-vous d'abord nous expliquer pourquoi avoir choisi ce titre, en français dans le texte ?

Hidetaka Miyazaki : Oh, je vois ce que vous voulez dire (rires). Il n'y a pas vraiment de raison pour avoir choisi un mot issu du français. Si nous avons choisi Déraciné, ce n'est pas pour son origine ou sa sonorité, mais tout simplement pour son sens : je voulais évoquer l'idée d'un arrachement, d'un déplacement subit, contraint.

Quel a été le point de départ de ce nouveau jeu ? Avez-vous d'abord souhaité développer un jeu pour le PS VR, ou la technologie est-elle venue dans un second temps ?

Mon souhait était de réaliser avant tout un jeu pour ce nouveau support. Nous nous sommes d'abord concentrés sur la technologie avant de trouver le concept et l'idée d'incarner une fée. Toute notre réflexion a donc été conditionnée par le PlayStation VR, toutes les idées ont germé à partir de ce point de départ.

Vos anciens jeux se caractérisaient notamment par un style de narration bien particulier, allez-vous opter pour une manière inédite de raconter une histoire ?

Il est vrai que dans les Souls, il fallait prêter attention à tout ce qui vous entoure pour comprendre plus finement l'univers. Rien ne vous est directement donné, et c'est un processus narratif qui me plaît beaucoup. Je n'irai pas jusqu'à dire que mon expérience sur la série Souls m'a permis de créer Déraciné, mais il est certain que j'ai mis à profit toute l'expérience accumulée jusqu'ici pour que tous les joueurs s'y retrouvent, même s'il faudra creuser et chercher par soi-même pour tout découvrir.

Cela veut-il dire que Déraciné proposera plusieurs fins différentes ?

Non, ce n'est pas l'idée. En fouillant les différents environnements et en faisant preuve de perspicacité, les joueurs pourront avoir une meilleure compréhension de l'univers et de ses enjeux. Déraciné sera un jeu linéaire, mais dont la profondeur dépendra de votre curiosité.

Y a-t-il dans Déraciné des éléments faisant référence à votre propre enfance ?

Ce n'est pas évident... (long silence) Quand j'y repense, a posteriori, si je pouvais remonter le temps et revenir à ma propre enfance, je crois que c'est ce que j'aurais souhaité vivre. J'ai déjà pu l'évoquer auparavant, mais lorsque je tente d'assembler des idées ensemble pour créer un nouveau jeu, je vais toujours exposer une sorte d'idéal personnel.

L'ambiance qui se dégage du jeu est très clairement inspirée de l'Europe de l'Ouest, pouvez-vous nous expliquer pourquoi avoir choisi ce type de décor pour Déraciné ?

Nous n'avons pas précisément décrit où se déroulait l'intrigue, afin de conserver une part de surprise. Au sein de l'équipe, nous avons surnommé le pensionnat "Le Gymnasium" [l'établissement équivalant à notre collège en Allemagne et en Autriche, ndlr], qui est un terme plutôt allemand.

L'une des inspirations principales que j'ai mobilisé pour Déraciné, et cela peut paraître étonnant, c'est le genre du shojo manga [genre principalement destiné aux jeunes adolescentes, ndlr], qui a souvent repris ce décor de pensionnant, en tout cas dans ceux que je lisais étant plus jeune. La plupart du temps, ils semblaient se situer en Europe, et c'est une idée que je souhaitais développer depuis très longtemps.

Est-ce que ce jeu, qui est résolument différent de vos précédentes productions, a été perçu comme un challenge par votre équipe ?

En effet, c'est un véritable défi, mais un défi très positif. Ce projet nous permet d'apprendre de nouvelles choses, et de redistribuer l'énergie de notre équipe de développement. Déraciné va aussi et surtout nous permettre de diversifier notre catalogue de jeux. Et même si ce projet ne va peut-être pas directement impacter les autres équipes de From Software, je pense que la nouveauté va nous permettre un élargissement qui n'aurait sans doute pas été possible si nous avions lancé une nouvelle suite à la série des Souls, par exemple.

Sony vous a-t-il aidé dans le développement de ce premier jeu dédié au PlayStation VR ?

Sans aucun doute, le fait de remonter à la source, directement chez Sony, nous a beaucoup aidé. Le jeu, le concept, le moteur, la technologie, la licence : absolument tout est nouveau dans ce projet ! Sans leur aide, nous aurions dû affronter un défi encore plus grand.

Pour finir, pourriez-vous nous expliquer (sans spoiler quoi que ce soit) quel message vous souhaitez faire passer à travers Déraciné ?

(se trémoussant sur sa chaise) C'est une question très difficile ! Nous ne souhaitons pas que tout reste secret, mais ce que je peux vous dire, c'est que nous essayons d'abord de créer des émotions.

Cela ne répondra peut-être pas directement à votre question, mais je peux vous affirmer que lorsque j'ai pour la première fois essayé la réalité virtuelle, j'ai été frappé par la proximité qui se dégageait des rencontres que je pouvais faire. Mais dans le même temps, les réponses n'étaient pas vraiment appropriées, ce qui était une véritable déception pour moi. Je voudrais donc créer quelque chose d'exclusif à ce support : en incarnant cette fée, vous avez conscience de votre existence, ce qui n'est pas le cas des enfants avec lesquels vous tentez d'interagir. Mais au fur et à mesure de votre avancée dans l'histoire, vous aller réussir à attirer leur attention, mais surtout à créer un lien. Voilà l'idée que je veux porter avec ce jeu.