Bioshock contient un nombre incroyable de moments cultes actifs ou passifs. En voici cinq inoubliables...

Le prologue du premier Bioshock

Les premières secondes de Bioshock (2007) vécues totalement en vue subjective, suffisent à entrainer le joueur dans un suspense spectaculaire, total et inoubliable. Situation totalement inédite mise en scène avec virtuosité et concision : le joueur passager d'un avion de ligne se crashe et coule en mer, impuissant. Le joueur en train de se noyer prend enfin la main sur la manette au moment de devoir remonter en paniquant à la surface. Dès cet instant, le jeu vidéo lavé de nombreuses vieilles habitudes narratives renait. Plus calmes, les minutes suivantes confirment une maîtrise inédite du rythme et de la mise en scène : nager dans la nuit jusqu'à un îlot mystérieux, la descente en ascenseur dans les entrailles de la mer qui révèle la colossale et somptueuse cité sous-marine de Rapture, la première agression sauvage et aveugle même pas sorti de la cabine de l'ascenseur... Six ans plus tard, l'arrivée pourtant très impressionnante dans le Columbia flottant de Bioshock Infinite ne fera pas mieux.

Les rencontres avec les Big Daddies

Dès le premier aperçu d'un Big Daddy venant sauvagement et implacablement à la rescousse d'une Little Sister agressé par un des dégénérés de Rapture, le joueur alors spectateur sait quel monstre magnifique et redoutable il va devoir affronter. Créature puissante ambivalente, foncièrement attachante parce que protectrice appropriée des fragiles Petites Soeurs, mais dangereuse comme un rhinocéros en armure qui chargerait, le Big Daddy provoque crainte et respect. Et la défaite d'un Big Daddy n'est émotionnellement jamais anodine. Comme dans Shadow of The Colossus, bien qu'en légitime défense, le joueur éprouve une sorte de culpabilité à avoir abattu une créature rare dont le seul crime est de défendre jusqu'à la mort une petite fille.

Le face à face avec les Petites Soeurs

Terrifiantes de fragilité perverse avec leur teint terreux et leurs seringues géantes à la main, les insaisissables Petites Soeurs distillent autant de compassion que d'inquiétudes. Totalement voulue par les créateurs, cette dualité émotionnelle, attraction vs répulsion, anticipe le moment fatidique où le joueur doit la confronter. Après avoir vaincu le Big Daddy assigné à sa protection, le héros Jack attrape la Petite Soeur en pleurs et plonge son regard droit dans les yeux trop grands de la petite fille moitié apeurée, moitié fâchée. Il faut alors décider de l'épargner en la laissant repartir ou l'achever pour qu'elle arrête de provoquer des morts en cherchant à collecter l'ADAM. Dans les deux cas le joueur éprouve une gène viscérale : éliminer une petite fille de 5 à 8 ans ou laisser vivre le monstre, esclave à peine vivant qu'elle est devenue. La regarder se hisser difficilement vers une inquiétante bouche d'aération après l'avoir "sauvée" prolonge indéfiniment le malaise.

L'automédication avec les Plasmides

À intervalles réguliers, le héros Jack augmente ses pouvoirs magiques en consommant divers sérums trouvés comme autant de sodas dans des distributeurs automatiques dont l'allure enfantine guillerette cache là aussi une ambigüité malsaine. Acquérir un tout nouveau pouvoir en revanche consiste à s'emparer d'une grosse seringue et à s'injecter dans l'avant bras de la main gauche le contenu d'un gros flacon plein de liquide coloré. Présentée en vue subjective, l'injection se transforme toujours en effroyable séance d'électrochoc. Mains tordues de douleurs tendues dans l'écran, Jack grogne et hurle de douleurs pendant que tous ces sens sont altérés. La souffrance est telle que Jack se jette dans le vide par-dessus une balustrade lors de la première auto-injection. Il survivra mais le traumatisme restera.

Les Rails Célestes de Bioshock Infinite

Dédiés au transport de marchandises et de population entre les quartiers de la ville aérienne de Columbia, les rails "célestes" - c'est à dire suspendus - détournés par les rebelles puis par le joueur dans la peau de Booker DeWitt, se transforment en rails de montagnes russes où le joueur s'accroche et se laisse glisser d'un îlot d'immeubles à un autre. La liberté de circulation n'atteint sans doute pas tout à fait celle promise par le projet initial, mais à chaque fois que le jeu permet de le faire, une joie enfantine s'empare du joueur bientôt suivi par Elisabeth. Bien entendu, à terme, ces trajets inoffensifs se traduiront en séquences de tir improbables et souvent brouillonnes sur des circuits de rails tournant en boucle autour d'un bloc d'immeubles. Mais quelle sensation !