Oh, les vieux briscards ne l'ont pas oublié : ce n'est pas la première fois que l'idée d'un PC déguisé en console fait son chemin dans l'industrie du jeu vidéo. Généralement confrontés à l'échec, voire même jamais commercialisés, les projets approchants ont été relativement nombreux. Mais tous ont ceci en commun, qu'on parle de la 3DO ou de la Phantom : ils se prenaient pour des consoles et pas autre chose, et c'était avant internet et le Wi-Fi. Les choses ont bien changé.

Enfin, pas tant que ça... pour l'instant

Alors que je vois le cadavre ouvert d'une tour PC juste à côté de moi, et tandis que sa chirurgienne attitrée cherche à savoir quel est l'organe touché qui l'empêche de fonctionner (sans doute l'alim, mais qui sait... *tend le multimètre*), je suis face à tout ce qui fait que le grand public préfère jouer sur une console. Mais alors que VALVe travaille activement à l'élaboration de sa Steambox, et qu'une première machine dévoilée au CES de Las Vegas, le Xi3 Piston, se propose d'apporter simplement la plate-forme dans le salon au travers d'un design compact et sexy, mais aussi modulaire pour des mises à jour hardware simples, la question se fait de plus en plus légitime et pressante. Une Steambox serait-elle une menace pour les consoles Next-Gen ?

Première préoccupation : le prix...
Historiquement, et plus encore dans ce contexte économique difficile, les joueurs ont tendance à opter pour une machine principale (parfois secondée d'une portable, ou d'une autre console d'appoint comme a pu l'être pour beaucoup la Wii).

Une Steambox, clairement positionnée comme machine haut-de-gamme du point de vue technologique, pourrait écarter une partie des joueurs des consoles, fragmentant le marché, à condition de se trouver dans une gamme de prix similaire. Car les jeux, au format PC, sont généralement moins chers que leurs versions consoles. Seulement pour l'instant, alors que tous les signes tendent à montrer que Sony et Microsoft viseront des prix d'entrée qui n'excéderont pas 500 euros (voire moins), le Xi3 Piston semble parti pour être bien plus cher... Mais ce n'est pas la seule composante économique à considérer.

... et les coûts
Steam a prouvé à tous les éditeurs tiers qu'il était possible de vendre des jeux bien après leur sortie, et de s'affranchir plus facilement qu'avec la distribution traditionnelle des deux semaines fatidiques suivant la commercialisation d'un jeu AAA - tout en se passant des problématiques liées à une distribution physique traditionnelle qui est par ailleurs en passe de s'effondrer complètement (des spécialistes comme GAME aux généralistes comme Virgin).

Le catalogue immense, disponible à tout moment, et mis en valeur par des offres régulières et intéressantes, constitue aujourd'hui un écosystème bénéfique à la fois aux joueurs et aux éditeurs (tout en limitant pour ces derniers les prises de tête avec les DRM). D'un autre côté, rien n'empêche Sony et Microsoft de reproduire mieux ce modèle avec des services de distribution en ligne repensés et améliorés pour vendre les jeux sur leurs futures consoles... mais pour l'instant, en matière de distribution dématérialisée Steam domine très largement ses équivalents sur consoles, tant comme écosystème accessible et pratique, qu'en termes de qualité des promotions et campagnes marketing en ligne pour les mettre en avant. L'autre avance de Steam en matière de distribution dématérialisée, par exemple, c'est le pré-chargement ; une méthode qui permet au joueur de jouer à son jeu dans la minute qui suit sa sortie, tout en s'épargnant un téléchargement fastidieux puisque Steam s'en occupe en tâche de fond après la pré-commande. Un avantage important pour éviter d'engorger les tuyaux, mais aussi permettre à ceux qui n'ont pas forcément une connexion fibre de ne pas en pâtir autant qu'à l'heure actuelle sur les autres services de téléchargement qui n'offrent pas cette option.

Deuxième préoccupation : les jeux
Le plus important pour vendre une machine de jeu, ce sont bien entendu les jeux. Duh ! En la matière, une Steambox offre encore de nombreux avantages. Pour commencer, un catalogue rétrocompatible : alors que pour le moment, rien ne dit qu'on pourra jouer à nos jeux 360/PS3 sur les futures Durango/Orbis, pas de souci côté Steam. Leurs versions PC tourneront parfaitement sur une Steambox... si tant est que les éditeurs en prévoient une version Linux puisque ce sera visiblement cet OS que VALVe choisira pour sa machine. Un détail de très grande importance qu'il ne faudrait pas négliger avant de de se réjouir du catalogue Steam, celui-ci ne pouvant être disponible "en l'état".

D'un autre côté, Microsoft et Sony disposent de catalogues étoffés, proposant des expériences de jeu exclusives qu'on ne verra jamais sur PC (tant qu'ils seront consoliers). D'Uncharted à Halo, chacun soigne à raison des licences qui font sa force et sa différence. Mais le PC aussi a ses exclusivités, et pas des moindres : des jeux Blizzard (pour l'instant uniquement PC ou Mac), jusqu'à des genres entiers quasiment absents des catalogues console (MOBAs, Stratégie Temps Réel, MMO, City Builders, etc.). Cependant, il est vrai, cet état de fait est surtout une question d'interface, la souris et le clavier restant indispensables pour en faire l'expérience. Mais d'autres pourraient naître... d'autant que le modèle traditionnel des royalties et des kits de développement côté consoles est un frein certain pour certains studios indie qui pourraient pourtant, demain, lancer des jeux au succès massif (MineCraft, anyone ?), et choisir de s'en tenir à une Steambox et au PC sur lesquels il peuvent développer facilement avec des outils non propriétaires, patcher sans payer, marger plus, etc.

Troisième préoccupation : la manière de jouer
Kinect, Wiimote, PS Eye, et compagnie : les consoliers ont bien compris à présent que pour conquérir largement, le jeu "traditionnel" ne suffit plus. On le sait : la Durango proposera une nouvelle version de Kinect considérablement améliorée, qui pourrait convaincre enfin les réticents à la première version. De son côté, Sony travaille sans aucun doute à de nouvelles idées également. La guerre de brevets continue toujours en sous-marin, et alors que Nintendo introduit sur le marché l'utilisation d'écrans multiples depuis la DS et à présent avec la Wii U, toutes sortes d'idées font leur chemin actuellement pour multiplier les manières de jouer.

VALVe a sans aucun doute les siennes. Tout en restant évasif sur les détails, la société indique s'intéresser à la biométrie : la mesure d'indices physiologiques et leur intégration au jeu, comme le rythme cardiaque par exemple.

En résumé

Je me suis toujours méfié de ceux qui prédisaient la mort du jeu PC. Plus encore de ceux qui ne le considèrent pas comme un concurrent potentiel des consoles. Pas parce que je refuse de considérer ces éventualités, mais parce qu'on le voit depuis des années maintenant : rien de tout cela n'est assez simple pour asséner des prédictions ou des points de vue péremptoires.

Mais avec cet examen rapide des différents points à considérer pour tenter de répondre à cette question initiale (Steam peut-il changer la donne en matière de Next-Gen ?), je le confesse : je suis encore plus circonspect qu'au départ. Alors que bon nombre ont déjà choisi d'y répondre par un oui ou un non, j'avoue ne pas pouvoir me montrer aussi tranché. Vous voilà bien déçus, n'est-ce pas ? Ne vous inquiétez pas : lorsqu'on en saura plus sur les nouvelles consoles et la (ou les) Steambox, on devrait y voir un peu plus clair...