Cet article de synthèse reflète d'abord l'opinion de son auteur
et ne se base pas en principal sur des bilans chiffrés tels que le nombre d'entrées en salle,
ou le pourcentage de succès des films et des jeux en 3D.

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Le 3D bashing, où le vilain petit canard de la technologie

En commercialisant une 2DS laissant tomber la 3D auto-stéréoscopique, Nintendo semble conforter la rumeur médiatico-populiste condamnant depuis un an ou deux la 3D à retomber dans l'oubli. Oui, clame la rumeur publique :

"Le relief est un gadget superflu qui n'apporte rien ni au cinéma ni aux jeux vidéo sinon des migraines."

"Il s'agit une astuce commerciale de plus pour augmenter le prix d'entrée."

"L'apparition puis la disparition du relief dans les années 30, 50 puis 80 au cinéma prouve que tout cela relève de la fête foraine technologique m'as-tu-vu éphémère", assènent les plus érudits.

Et puis ne parlons pas de l'échec du Virtual Boy dans les années 90. "Tout cela était prévisible". On entend donc d'ici les détracteurs habituels de la 3D : les grincheux/frileux chroniques face aux avancées technologiques ; les frustrés (non déclarés, souvent pour raisons économiques) n'ayant pas accès à tel ou tel produit high-tech ; les économistes qui regardent avec des oeillères comptables les chiffres de vente en baisse des écrans LCD (et donc des HDTV 3D incluses forcément, il faut bien un coupable autre que la crise et la surproduction mal évaluée) ; et les plaignants, eux légitimes, incompatibles avec la 3D artificielle pour raisons de santé oculaire.

À ces derniers auxquels la 3D reste invisible ou provoque moult crispations logistiques (aberration bien sûr de porter des lunettes par-dessus des lunettes), et qui voudraient réduire le monde à leur problématique, il faut demander de s'incliner de bonne grâce et ne pas torpiller le plaisir de ceux qui peuvent y accéder.

Pour réutiliser un vieil argument encore valide, Hollywood n'allait pas s'interdire le cinéma parlant puis le cinéma en couleur au début du XXe siècle parce qu'une partie de la population était mal entendante ou daltonienne. Le cinéma comme le jeu vidéo sont des loisirs culturels de masse destinés aux dénominateurs communs du plus grand nombre.

Une 3D trop élitiste

Dès la première prise en main de la 3DS il était évident que la 3D à observer sans lunette posait un vrai souci ergonomique (sauf pour certains observateurs - plus ou moins pros - au bon sens collectif émoussé par la "magie" du relief finement vendue par Nintendo).

L'angle de vue était, et est encore, si étroit qu'il faut tenir la console totalement immobile dans une seule position face à soi. Autant dire un contresens pour une console portable et donc... "mobile". Mais peu importe, une fois la contrainte spatiale admise et dominée (merci aussi à la 3DS XL qui se pose d'entrée), comment ne pas frémir de plaisir en se baladant dans le Hyrule de Zelda : Ocarina of Time 3DS ? Du moment que la molette permet de supprimer instantanément le relief face aux boss inévitablement remuants... Cette gestion On/Off officieuse du relief pendant les jeux 3DS pour passer du joli spectacle à un affichage sérieusement praticable - le redoutable Kid Icarus Uprising revient en mémoire - évoque les mêmes étourdissements subits par beaucoup lorsqu'il fallait (trop ?) contrôler la caméra d'un certain Super Mario Sunshine tellement (trop ?) libre en 3D polygonale sur GameCube. La méta commande sans doute en trop dans les jeux d'action et d'équilibre. Le joueur est pourtant multitâche...

Le relief : 3 pas en avant, 2 pas en arrière

Au cinéma le relief avance et recule aussi à plusieurs vitesses. La faute à Hollywood et aux distributeurs. Le manque d'uniformité des procédés de projection créent des expériences inégales et conduisent à des conclusions éventuellement négatives des spectateurs. Il y a encore des salles équipées en 3D dite "active" qui obligent à porter des lunettes absurdement lourdes, non seulement inconfortables (et hideuses) mais au champ de vision limité. Les lunettes en plastique jetable des salles en 3D dite "passive" sont plus agréables à porter et les projections valent désormais celles anciennement réputées supérieures des projections en 3D active mais, surtout, il existe des lunettes passives aussi classes et légères pour le cinéma que des vraies lunettes de soleil (signées LG + Alain Mikli). Pourquoi ne sont-elles pas distribuées de façon massive ? Du côté créatif, il y a encore trop de films dont la 3D est créée en post production, parfois à la va-vite, et dont le résultat à l'écran laisse au mieux perplexe, au pire inconfortable.

Mais quand les conditions techniques et artistiques sont bien réunies dans une salle, qui ira nier que le spectacle est total, voire même ahurissant. Comment ne pas ressortir la banane aux lèvres des ivresses immersives de Coraline, Avatar, The Avengers, de Pacific Rim et, sans doute, du récent 300 : La naissance d'un Empire ? Deux d'entre eux ont dépassé les plafonds des films les plus vus (et donc revus) au monde. La 3D y était bien pour quelque chose. Après, Avatar, le multi oscarisés film de James Cameron, à la fois film d'auteur et hautement technologique, Gravity a, semble-t-il, remis tout le monde d'accord sur le relief au cinéma (et à la maison si l'on en croit les copieux étalages du Blu-Ray 3D qui vient de sortir dans le commerce).

L'époustouflant Gravity d'Alfonso Cuaron (Children of Men) a non seulement fait un carton en salle en France (près de 4 millions d'entrées), comme aux États-Unis (270 M$ de recettes), mais vient de rafler 7 Oscars (dont meilleur réalisateur et meilleur musique).

La 3D @home a un prix (non négociable)

À domicile, malgré la démocratisation des écrans HDTV où l'option 3D est livrée désormais quasiment en standard (et ne sert plus d'argument commercial), obtenir un vrai bon résultat à l'image nécessite l'acquisition d'un matériel un tant soit peu supérieur. Un investissement conséquent qui ne doit pas s'arrêter à l'achat d'une HDTV de bonne qualité mais aussi plusieurs lunettes 3D et un lecteur de Blu-ray 3D de qualité aussi, telle la PS3. Plus, sans doute, que le budget moyen toléré par les familles.

Surtout que là aussi il existe des disparités techniques du côté des écrans qui s'affrontent entre technologie 3D active vs 3D passive et donc lunettes coûteuses vs lunettes bon marché. Par expérience empirique, contrairement au cinéma, il faut aujourd'hui préférer les écrans en 3D active à ceux en 3D passive qui diminuent par deux la résolution HD que l'on a payé si cher (compromis qui disparaît avec l'arrivée des écrans Ultra HD en résolution 4K). Quitte à contrarier les tests purement techniques de certains spécialistes. La nuance est fine mais suffisante pour passer d'une impression de relief quelconque à la 3D dont la profondeur fait grand écarquiller les yeux et la bouche qui dit "ouaaah" et reste ouverte jusqu'au prochain "ah ouais, quand même !".

La 3D à domicile mais sans carcans

Et là aussi, du point de vue créatif, cinéastes et éditeurs de vidéo ne sont pas toujours sur la bonne page. James Cameron, encore et toujours lui, a compris le premier qu'un film en 3D était mieux reçu à domicile quand il occupait tout l'écran. Pour les éditions Blu-ray il a donc banni de lui-même le format cinémascope chéri du cinéma au profit d'un format 1.85 (récupéré, pour Avatar, des copies IMAX) destiné à occuper toute la surface 16/9 des écrans HDTV. Et la différence de ressenti est énorme entre un film en relief tronqué par les bandes noires du cinémascope à domicile et un autre adoptant de manière native ou forcée le format 1.85 couvrant tout l'écran.

Le brillant Ridley Scott ne l'a pas vu venir avec son premier film en 3D (et scénaristiquement raté) Prometheus resté en cinémascope jusqu'à la maison alors que Cameron avait été jusqu'à oser (presque un tabou cinéphile) enlever les caches cinémascopes de son hyper célèbre Titanic pour une édition 3D à domicile stupéfiante.

Le nouveau héros Joss Whedon, réalisateur de The Avengers a, lui, compris spontanément cet enjeu de la projection à domicile avec un Avengers 3D tourné et livré au format 1.85, comme Guillermo Del Toro avec son Pacific Rim en 3D.