J'ai envie de dire : évidemment

Pour commencer, on sait déjà de source sûre que la conférence de Microsoft concernant la nouvelle Xbox durera autour d'une heure. Certes, ça peut être une heure bien dense, bien chargée, mais alors que tous les regards de l'industrie, professionnels ou non, seront braqués sur l'événement, il ne s'agit pas non plus de compliquer le message à outrance pour les communicants. Le choix semble avoir déjà été fait, et il se comprend tout à fait : le 21, on parle de la vision et de la nouvelle console, on se garde les jeux pour l'E3. A l'exception déjà annoncée de Call of Duty : Ghosts. Une super grosse cartouche, c'est indubitable, ne serait-ce qu'en termes de message et d'impact commercial. Mais faut-il aussi y voir une manière pour Microsoft de tout concentrer, en termes d'annonces de jeux, sur un seul gros bonnet, pour avoir le temps de parler du reste et se garder les jeux pour l'E3 ? Du côté de Sony, nous avions eu Knack, DriveClub, Killzone : Shadow Fall, inFAMOUS : Second Son, The Witness, Watch_Dogs, et un soupçon de Deep Down, de Destiny, l'annonce de Diablo III... Sans nul doute, Microsoft ne saurait se contenter cette fois du seul Call of Duty, car, du point de vue des jeux, comme du reste, il s'agit au pire de remettre les pendules de la com' à l'heure face à Sony. Pour autant, Microsoft a-t-il vraiment intérêt, à deux semaines de sa conférence E3, à trop en faire niveau line-up ? Probablement que non.

Prendre (un peu) l'ascendant (mais pas trop)

Il faut pouvoir, au sortir du 21, obtenir malgré tout un intérêt et des retombées plus positives que celles de Sony. Pour cela, Microsoft dispose d'un certain nombre d'avantages. D'abord, le géant n'a peut-être pas autant besoin de s'appesantir sur un changement d'orientation comme Sony avait du le faire en février, Microsoft n'ayant somme toute guère à convaincre les développeurs que leur machine sera accessible, agréable à développer, dotée d'outils puissants, etc. : ils l'ont déjà montré avec la 360 qui y a fortement gagné en popularité dans les studios face à la PS3. Il y a donc plus de "place" pour le reste. Vision, Machine, Kinect 2, Xbox Live, TV & Services, mine de rien, ça fait tout de même pas mal à caser. Second avantage, évident, Microsoft peut s'appuyer sur ce qu'a fait Sony, dès qu'il y a des similitudes ; on pense par exemple aux aspects sociaux qui ne manqueront pas d'accompagner aussi fortement la vision de la prochaine Xbox, mais dans les détails desquels il n'est peut-être pas nécessaire de rentrer autant que Sony l'a fait avec son bouton Share. Enfin, les manques de Sony porteront naturellement l'emphase sur Microsoft si ce dernier n'a pas les mêmes. Par exemple, dévoiler tout ou partie du design de la console (ce qui est quasi acquis si on lit entre les lignes du tweet de MajorNelson sur la présentation PS4) ; se porter sur un ton plus festif, plus grandiloquent, plus "super show" (acquis aussi, historiquement, Microsoft a toujours su paraître moins froid que Sony dans ses conférences) ; jouer plus la variété et le contraste entre les premiers jeux présentés, et la gamme des services ; éviter les annonces creuses façon logo à l'écran, invité qui reste deux secondes sur scène pour dire "rendez-vous à l'E3". Mais surtout, surtout, il faut viser juste et ne pas trop en faire non plus : c'est qu'il y a l'E3 derrière, d'une part, et d'autre part, Sony conserve à l'évidence beaucoup de cartes et trop dévoiler sa main dans une telle partie pourrait porter préjudice à la pérennité de l'ascendant gagné. Et puis tant que l'heure du combat majeur n'est pas arrivée, il ne faudrait pas non plus surmotiver l'adversaire...

Contre la montre

Qu'il s'agisse de Sony ou de Microsoft, la communication et le lancement d'une nouvelle machine sont à la fois un sprint, une course de fond, et une course contre la montre. Un match au sommet dans lequel il faut savoir ménager ses forces, pour les utiliser au moment le plus opportun... sachant que l'échéance est grosso modo la même pour les deux compétiteurs : Noël 2013. Compte-tenu de ce contexte, on pourrait croire, donc, que Microsoft ne fera pas beaucoup plus que Sony dans les mêmes circonstances d'annonce. Cependant, Microsoft dispose d'un autre avantage crucial : sa solvabilité. Alors qu'en outre, il pourrait devenir le premier à révéler le design de sa console, lui donnant ainsi plus de réalité que la PS4 dans l'inconscient de tous, il pourrait aller plus loin encore et annoncer un prix - si celui-ci est coup de poing. De l'ordre de 299 euros/dollars maximum. Si ça lui est possible, Microsoft pourrait ainsi renforcer plus encore la réalité de sa machine et prendre de l'avance, porter un coup critique à Sony en plaçant sous pression son adversaire moins nanti financièrement, qui devra s'aligner sur un tel prix ou perdre une bataille majeure, et se concentrer sur des annonces de contenu et de services à l'E3 pour renforcer l'attractivité du dit prix... qu'il n'aura plus qu'à rappeler. Car ne l'oublions pas : tout porte à croire que les deux machines seront extrêmement proches en termes de puissance (plus que ne l'étaient 360 et PS3). Microsoft pourrait même obtenir peu ou prou le même résultat sans être aussi précis sur le prix, en annonçant par exemple des tarifs dans le cadre d'un programme de reprise des 360, ou la mise en place d'un prix subventionné sous condition d'abonnement au Xbox Live, se gardant le prix plein pour l'E3. D'un autre côté, l'inverse pourrait tout aussi bien fonctionner : annonce du prix plein le 21, annonce des prix subventionnés à l'E3. En tout cas, dans ce contexte économique, les considérations de fixation et d'annonce de prix sont plus que jamais centrales à ce genre de stratégies. Mais il ne faut pas non plus oublier que la perception du prix d'une nouvelle machine ne peut être avantageuse que si on a la sensation d'en avoir pour son argent : c'est à dire qu'annoncer un prix bon marché pour quelque chose qui ne fait rien n'a aucun intérêt, par conséquent il faut montrer des jeux et des services en parallèle. Or nous avons vu que Microsoft n'en montrerait peut-être pas plus que Sony, se les réservant pour l'E3. Enfin, si Microsoft est en mesure de proposer sa nouvelle Xbox à un prix aussi attractif, l'argument reste aussi fort s'il est gardé pour plus tard (voire décisif après une annonce moins avantageuse de l'adversaire). Il y a donc, pour ces raisons et d'autres, peu de chances pour que les prix soient annoncés si tôt.

Comme tout un chacun, j'ignore en grande partie ce que Microsoft nous a préparé pour le 21. Mais je serais le premier étonné que son événement mette Sony KO, aussi tôt dans la bataille de la nouvelle génération. Ne nous leurrons pas : vu l'économie, l'état de la technologie, et celui des créateurs de contenus, il paraît plus probable que Sony et Microsoft seront simplement, au sortir du 21 Mai, sur un quasi pied d'égalité. Et l'un dans l'autre tant mieux : le combat restera ainsi captivant... Même s'il est "le même".