On va bientôt en apprendre beaucoup plus sur les consoles next-gen, ou au moins l'une d'entre elles. Je parle de celles dont on ignore encore presque tout, bien sûr, pas de la Wii U qui sera nôtre le 30 novembre. Alors s'il est toujours intéressant de spéculer sur ce qu'on va découvrir, d'évoquer les rumeurs, et de se prendre la tête sur l'intérêt d'une nouvelle génération de consoles, pour changer, je me suis penché plutôt sur la question : qu'est-ce qu'il faut à tout prix éviter à mon avis pour les constructeurs ?

5) S'en tenir au modèle technologique historique

Croire qu'une machine, même beaucoup plus puissante, suffira à convaincre comme ça a pu être le cas auparavant, c'est évidemment se fourrer le doigt dans l'oeil. Les arguments genre "puissance nucléaire" et autres "emotion engine", ça ne suffit plus. Mais ça ne veut pas pour autant dire qu'il ne faudrait pas jouer tout de même sur une avancée technologique majeure pour motiver les acheteurs. Non, aujourd'hui c'est bien l'expérience proposée qui doit convaincre, et cette expérience est plus complexe et protéiforme que jamais. La Wii est l'incarnation la plus parlante de la supériorité d'une promesse d'expérience sur la puissance technologique brute. Mais une fois encore, les choses ont bien changé depuis la sortie de la Wii, et aujourd'hui, les écosystèmes qui nous sollicitent sont d'autant plujs nombreux. Des SmartTVs aux Box des fournisseurs d'accès à internet, en passant par les tablettes, les smartphones, les services type iTunes et autres, si les consoles next-gen veulent s'imposer dans le salon, elles ont tout intérêt à proposer une promesse aussi claire que riche, qui saura capturer l'attention par-delà le jeu vidéo traditionnel.

4) S'éparpiller

A l'inverse, un constructeur de plate-forme doit construire une plate-forme, et le mieux possible. Ensuite, il s'agit de s'entourer des bons partenaires, et ne pas trop chercher à faire ce que d'autres font déjà mieux : autant les signer. C'est ce qu'ils ont déjà bien compris aux Etats-Unis avec Netflix, par exemple, cependant, ça n'empêche pas Microsoft et Sony de continuer à vouloir avoir leurs propres services et contenus exclusifs extra-jeu vidéo. Quoiqu'en dise, s'il s'agit de vendre une console de jeu vidéo, ça ne se fera pas sur des vidéos exclusives ou en la faisant passer pour un clone d'un autre outil de divertissement qui a déjà satisfait des millions d'utilisateurs. En plus, tout ça devient vite compliqué. Pour visionner des films, je dois aller dans Zune machin, ou sur CanalTruc ? C'est pas la même chose ? Mince alors. Simplifiez ! Ou alors, s'il s'agit de développer ses propres trucs, il faut être certain de son coup : et proposer quelque chose qui sera tellement mieux que le reste que ça prendra le pas sur toutes les autres offres.

3) Rester fermés

Traditionnellement, les consoles sont des boîtes fermées. On n'y développe pas n'importe comment. Mais sans aller jusqu'à des plates-formes entièrement ouvertes, il est temps de tirer le maximum des enseignements du PC et des mobiles : il faut pousser l'indie, permettre plus facilement à des talents de pouvoir apporter leur contribution. Le plus simplement possible et de manière transparente pour les utilisateurs. Il faut même aller plus loin vers les autres supports. Chercher à enfermer ses utilisateurs dans leurs boîtes est une mauvaise idée. Au contraire : il faut être présent sur leurs téléphones, leurs ordinateurs, leur permettre d'accéder à leur console, de l'utiliser, de s'y connecter, de n'importe où pour faire des tas choses. Soignez cette ouverture : je veux pouvoir acheter mon jeu depuis mon iPhone, qu'il se télécharge sur ma console pendant que je suis au boulot, et pouvoir y jouer le soir tout de suite. Je veux pouvoir organiser ma partie de multi du week-end facilement sur Facebook depuis mon ordi, et que chez eux, mes potes reçoivent l'invit depuis leur console s'ils sont déjà dessus, en un clic.

2) Cloisonner les audiences

Globalement, on a la sensation aujourd'hui qu'il y'a d'un côté les blockbusters à centaines de millions qui prennent peu de risques et reproduisent un peu toujours les mêmes formules, et les petits indies créatifs qu'on prend peu le temps de faire connaître parce qu'ils sont pour des élites bobo. une telle dichotomie doit prendre fin : le grand public n'est pas forcément idiot, et les élites hardcore ne rejettent pas forcément les shooters. Attirer, permettre, et cultiver une offre plus riche, plus variée, c'est réunir des audiences différentes, mais celles-ci n'ont cessé de s'étendre et de consommer ces dernières années, donc de s'éduquer dans un sens ou dans l'autre. Et elles ne veulent pas toujours la même chose. Il en faut bien évidemment pour tous les goûts, et c'est aussi et surtout le boulot des éditeurs que de fournir des expériences variées, mais en construisant des consoles qui permettront de jouer de plusieurs manières différentes, de consommer de plusieurs manières différentes, et de surtout de le faire savoir facilement et clairement à ceux qui les achètent, on s'assure de pouvoir toucher une population large. Et il faut permettre la communication entre ces joueurs. Qu'ils découvrent de nouvelles choses, s'en fassent découvrir les uns les autres, favoriser leur culture le plus possible avec des outils simples, et des frontières abattues.

1) Croire qu'on achètera en masse à plus de 400 euros

Et le plus important, en ces périodes de crise, c'est sans doute les prix. Vendre des consoles à perte, obliger les gens à débourser plus que le prix d'entrée de gamme d'un iPad, c'est avoir une foi aveugle dans une économie clairement difficile. Cela vaut d'ailleurs pour les jeux : multiplier les gammes de prix, les programmes promotionnels à la Steam, offrir différentes expériences à des prix variés et adaptés, c'est primordial. Si ça a pu fonctionner pas trop mal avec un modèle bicéphale de jeu boîte à 60-70 euros et de jeu téléchargeable à 10-15 euros jusqu'ici, c'est bien, mais ça ne suffira probablement plus. Sortez les versions téléchargeables de tous les jeux le même jour que les versions boîte. Pensez au free to play. Rendez les processus d'achat aussi simples que sur l'AppStore ou Amazon ; oubliez les obscurs points machin, ou la nécessité d'un porte-monnaie virtuel qu'il faut remplir en plusieurs étapes avant d'acheter.

Alors bien sûr, il y aurait sans doute des tas d'autres écueils dans lesquels tomber. Mais ces cinq là couvrent à mon sens le plus important. Quoiqu'il arrive, avec les bouleversements des supports, habitudes, et prix du marché, la possibilité qu'aurait VALVe ou le Cloudgaming de changer radicalement la donne, les choses sont plus délicates que jamais pour les constructeurs traditionnels, et il faudra probablement redoubler d'efforts, d'astuce, d'intelligence et de vision pour séduire largement, et vite. Car ce sera, peut-être, la dernière génération de consoles telles que nous les avons connues jusqu'ici.