Ce fut encore une fois un salon bien plus intéressant que beaucoup ne le laissent entendre. Entre déceptions et surprises, next-gen qui s'invite malgré tout et jeux de qualité, il est déjà temps de dresser un premier bilan sur les tendances qui transparaissent, et à mon sens, à leur manière, elles sont toutes importantes. En voici donc les dix principales qui me viennent à l'esprit pour cette édition 2012 du salon de Los Angeles.

10/ L'arme à la mode : l'Arc

Si vous n'aviez pas tilté sur celle-là, je ne comprends vraiment pas pourquoi. Tomb Raider, Crysis 3, Assassin's Creed III, Far Cry 3... et même Sports Champions 2 (bon j'avoue que c'était plus pour la blague, celui-là), tous ont fait le choix de doter leurs héros d'un bon vieil arc et de flèches. A croire que comme dans la mode, les développeurs ont tous accès aux mêmes cahiers de tendances, et font les mêmes choix à peu près au même moment... Fort heureusement, tous ces jeux ont bien d'autres éléments pour se différencier les uns des autres et conquérir leur public, mais c'est tout de même assez amusant de voir ça...

9/ Electronic Arts ne prend plus aucun risque... apparent

Sans conteste, la conférence Electronic Arts fut la plus décevante. Rien. Il n'y avait rien qui comporte un tant soi peu de prise de risque chez l'américain, et s'il n'y avait pas eu SimCity pour rafraîchir un tout petit peu ce line-up de FPS ultra classiques et de jeux de sport tout juste saupoudré du nouveau Need for Speed Most Wanted (super original aussi) et d'une apparition d'un Star Wars The Old Republic tentant visiblement d'endiguer l'hémorragie de ses joueurs à coup de nouveau contenu gratuit, on aurait tout aussi bien pu visionner à nouveau celle de l'année dernière sans sentir la moindre différence. Seulement sous couvert de ne pas prendre de risques, EA court sans doute le plus grave de tous : lasser certains de ses consommateurs et se parer d'une image de conformisme ronronnant. Dead Space 3, avec sa démo 200% TPS Action, achève de sonner le glas d'une licence qui brillait pourtant au départ pour avoir rafraîchi le survival horror, et on sent bien que les succès mitigés de Mirror's Edge, ou de la formule originale de Dead Space ont définitivement anéanti toute volonté de proposer du neuf. Mais Electronic Arts n'est pas le seul à avoir fait preuve de cette couardise créative, même s'il en est le plus brillant représentant, puisque si les marketeux ont pris soin de ne pas sortir leurs chiffres 4, il n'en demeure pas moins que des God of War Ascension ou des Gears of War Judgment continuent de capitaliser sur de l'ancien aux côtés de Halo 4 ou encore Assassin's Creed III, même si tous restent des jeux de très grande qualité qui repartent, pour certains d'entre eux, sur de nouvelles bases séduisantes.

8/ Les francophones grands gagnants

Tous sont d'accord pour déclarer Ubisoft grand vainqueur du bal des conférences. Ton enjoué, line-up varié et fort, titres innovants comme Zombi U, présence marquée à toutes les conférences constructeur, et principale surprise publique du salon avec Watch Dogs, le français a probablement fait là son meilleur E3 depuis quelques éditions. Et ce n'est pas tout : du côté de Sony, Quantic Dream a su marquer avec Beyond : Two Souls, qui offre un tout nouvel univers, une histoire et des thèmes intéressants, et prolonge une vision alternative du jeu vidéo mature qui séduira probablement tous ceux qui ont aimé Heavy Rain. De même, les québécois d'Ubisoft Montréal on fait preuve, sinon d'une originalité débordante, du moins d'une maîtrise époustouflante avec Assassin's Creed III ou Splinter Cell Blacklist. Et pour conclure ce point sur une petite dose de mauvaise foi, citons The Last of Us de Naughty Dog, dont l'un des deux co-présidents, Christophe Balestra, est bel et bien français. Et Dishonored, développé en partie à Lyon. Na.

7/ Un maître-mot : connecter

Que ce soit chez les éditeurs tiers, ou chez les constructeurs, on a eu que ce mot là à la bouche : connecter les joueurs. Même Nintendo, avec son Miiverse, a apporté son eau au moulin du lien social par le jeu vidéo, même si on n'en connaît pas encore tous les détails. Créer, maintenir et faire fructifier des communautés de joueurs est donc incontestablement une tendance forte et compréhensible, qui s'étend par ailleurs sur les appareils types smartphones et tablettes avec des services et applications divers pour que les joueurs s'éloignent le moins possible des univers développés par les différents acteurs du jeu vidéo. On en friserait presque l'indigestion !

6/ La violence marche toujours autant

Sans nécessairement y adjoindre de jugement, on ne peut pas dire que le jeu vidéo se soit débarrassé de son goût pour la violence. Sans même parler encore du line-up EA, même les filles, Lara Croft en tête, n'y vont pas moins fort cette année. Ca gicle, ça découpe, ça tire, et ça tabasse encore dans tous les sens. Non pas que ça me dérange personnellement que Lara Croft, pour prendre un exemple parmi tant d'autres, puisse être accusée du meurtre sauvage de la mère de Bambi, mais il faudra toujours compter massivement sur les petits titres indés ou téléchargeables, sur Nintendo, et sur quelques titres tiers comme Rayman Legends pour représenter le jeu vidéo 100% sans gore. Fort heureusement, toute cette violence s'accompagne souvent de réalisations époustouflantes et de game designs plus riches qu'il n'y paraît, mais les gamers bitnicks n'ont tout de même pas autant de choix côté blockbusters que ceux qui apprécient les expériences brutales, et finalement, on se demande quand même un peu pourquoi.

5/ Le jeu sur portables fantomatique

Que ce soit chez Nintendo pour la 3DS, ou chez Sony pour la PS Vita, on ressort de ce salon avec la peur au ventre lorsqu'on aime les consoles portables. Reléguées au second plan par leurs créateurs, les consoles portables semblent décidément manquer de gros jeux pour exister aux côtés des consoles de salon, et convaincre les joueurs nomades qu'ils devraient investir leurs centaines d'euros chez elles plutôt que de se contenter de ce qu'ils ont sur leurs téléphones ou leurs tablettes. Bien sûr, les jeux existent néanmoins, mais vu du salon, on ne peut pas vraiment dire qu'ils ont su se faire remarquer, loin de là.

4/ La production Japonaise sous-représentée

Avec tout juste un Resident Evil 6 par-ci, des titres Wii U un peu timides par là, un petit Metal Gear Rising Revengeance, le jeu vidéo japonais a clairement cédé sa place cette année au jeu occidental. Pour mieux revenir l'année prochaine ? Espérons-le, mais en attendant, le Pays du Soleil-Levant nous a caché ses plus grandes productions : The Last Guardian, Final Fantasy Versus XIII, Monster Hunter 4, ou un Gran Turismo Vita étaient espérés, mais ils sont restés aux abonnés absents. Bien sûr il y avait tout de même des titres nippons ça et là, comme on l'a vu, mais il faut bien l'admettre : s'il n'y avait pas eu les développeurs du moteur Luminous Studio chez Square Enix pour nous rassurer sur ce que font les japonais pour le futur, on aurait pu croire qu'ils avaient définitivement raccroché les armes.

3/ Nintendo ne vole plus le show

Avec la Wii et la 3DS, Nintendo était parvenu à faire largement ombrage à l'exposition médiatique de ses concurrents sur des éditions passées du salon. On s'attendait à ce qu'ils renouvellent l'exploit avec la Wii U, mais finalement, personne n'est ressorti très convaincu de la conférence Nintendo. Si Ubisoft n'avait pas été là pour sauver le line-up de jeux de leur nouvelle console, une fois de plus, on aurait frôlé la catastrophe. Encore beaucoup d'inconnues, un manque certain du très gros jeu qui donne immédiatement envie de s'acheter la console à sa sortie en fin d'année, des portages réussis mais déjà joués par les core gamers, et une absence remarquée de soutien à la 3DS auront accompagné les difficultés apparentes du constructeur à faire rêver avec son nouveau concept pour rendre son bilan plus mitigé qu'on ne le prévoyait avant le salon. Et Sony et Microsoft ont tout deux participé à enfoncer quelque clous dans le cercueil du voleur de show, comme on va le voir tout de suite avec le point suivant...

2/ Sony et Microsoft ne se feront plus avoir

"Le coup du motion gaming, plus jamais", devaient se dire Microsoft et Sony avant l'édition de cette année. Bien conscients du risque que représentait la Wii U comme seul nouveau hardware et nouveau concept présenté à l'E3 2012, tous deux ont clairement établi dans leurs conférences respectives que le coup du bi-écran, ils pouvaient le faire aussi avec du côté de Sony la PS Vita (même si rien de super convaincant à cet égard n'a été montré), et de celui de Microsoft, le fameux Xbox Smart Glass, beaucoup plus solide en la matière. Certes, pour les deux, cela requiert la possession d'au moins un appareil supplémentaire, mais du côté de Microsoft, on la joue malin en insistant sur le fait que cet appareil, vous l'avez déjà : ce sera votre téléphone ou votre tablette. Nuançons néanmoins : on est sûr au moins que du côté de Nintendo, tous les jeux Wii U exploiteront cette fonctionnalité à des degrés divers, alors que rien n'est moins sûr du côté de Sony et Microsoft.

1/ La Next-Gen n'en peut plus d'attendre

Pas de PS4 et de Xbox 720 cette année ? Qu'importe : pour les éditeurs tiers, ou tout du moins certains d'entre eux, il est apparu qu'il fallait se positionner dès cette année sur le terrain de la "vraie" next-gen. Même si nombreux sont les acteurs majeurs de l'industrie qui voient d'un très bon oeil la durée de vie des Xbox 360 et autres PlayStation 3, Square Enix avec son Luminous Engine, Lucas Arts avec son Star Wars 1313, ou encore Watch Dogs chez Ubisoft (même s'il sortira a priori aussi sur la génération actuelle dans une version à coup sûr moins impressionnante) étaient là pour concrétiser les premières visions du futur aux côtés de l'Unreal Engine 4. En outre, du côté de Microsoft, on sait de source sûre que beaucoup de grosses équipes de développement travaillent activement à la suite, sans oublier le Destiny de Bungie ou le mystérieux titre de Respawn Entertainment, même s'ils n'ont pas fait acte de présence. Bref, on le sait, on le sent : la next-gen débarquera sérieusement en 2014. Rendez-vous donc l'année prochaine pour une série de claques technologiques dont les premiers aperçus n'ont laissé aucun de leurs témoins privilégiés de marbre.

Au final, cette édition 2012 de l'E3 se sera révélée à mes yeux aussi intéressante que les précédentes, quoiqu'on en dise. Il y a beaucoup à en tirer, dans le positif comme dans le négatif, et pour en parler plus profondément encore, la rédaction de Gameblog vous donne rendez-vous dès Mercredi pour le premier des deux Podcasts bilans du salon, qui sera dédié justement aux tendances. Nous reviendrons sur les jeux du salon le Mercredi suivant. D'ici là, nous avons encore pas mal de choses à vous faire partager en vidéo ou autre sur ce qu'on a vu à Los Angeles...