Rien qu'en ce moment, disons ces derniers mois, on a eu droit à God of War HD Collection (Volume 2), Splinter Cell Trilogy HD, Resident Evil 4 HD, ICO & Shadow of the Colossus HD Collection... J'ai rejoué à Another World : 20th Anniversary Edition sur iPhone et iPad, vu Traz et Mimic s'éclater sur Starfox 64 3D, entendu Kojima vanter au TGS les mérites des compilations HD de Metal Gear Solid et Zone of the Enders, écouté avec circonspection les annonces des remakes de Dragon Quest Monsters sur 3DS, de Ys sur PS Vita, et de Final Fantasy X sur PS3 et PS Vita, tout en me préparant pour l'arrivée de Halo Combat Evolved : Anniversary Edition, et de Oddworld : La Fureur de l'Etranger HD.

Ca en fait du remake, et même si on en parlait déjà en avril 2008 dans notre Podcast N°52 (parce que parfois, on sent les tendances sans se planter), J'avais envie cette semaine de revenir sur le phénomène. Car j'en vois pas mal qui s'interrogent : n'y a-t-il donc plus de créativité, pour qu'on nous resserve des vieux jeux plutôt que des nouvelles licences et des reboots intéressants ? D'autres pestent, soulignant à raison que ceux qu'on met dans le sac des remakes sont plus souvent des portages HD-ifiés que de véritables travaux de "remaking", et il y a bien entendu ceux qui hurlent carrément, arguant que les éditeurs cherchent à faire fondre le peu de plastique restant de nos malheureuses cartes bleues surmenées par la passion du jeu vidéo, en nous faisant repayer des jeux qu'on possède souvent déjà, fussent-ils à la cave avec la console qui permet de les faire tourner. Mais comme souvent, non seulement je ne comprends pas la dimension scandaleuse du phénomène que certains dénoncent, mais je trouve même tout ça très bien. Enfin, dans la plupart des cas.

Newsflash : c'est pas près de s'arrêter

Alors, évidemment, il convient de faire la différence entre de véritables remakes qui sont presque autant repris de zéro que des reboots, comme Bionic Commando : Rearmed, et des réactualisations un tantinet paresseuses dans lesquelles on nous fait passer des versions PC d'époque pour des remakes console d'aujourd'hui, comme le Beyond Good & Evil HD d'Ubisoft. Mais pour le premier comme pour le second, je ne n'arrive pas à voir en quoi la disponibilité de tels remakes/portages/éditions HD/appelez-ça-comme-vous-voulez est une vilaine chose.

D'abord, c'est une forme de sauvegarde du patrimoine ; si les plus vieux et les plus collectionneurs d'entre nous ont peut-être la chance d'avoir encore les consoles et versions d'origine, il faut bien se rendre compte que les nouvelles générations ont elles aussi droit à cette rétro-culture, surtout depuis le temps qu'on les tanne dans les Podcasts sur des vieux jeux qui existaient parfois avant qu'ils aient les doigts assez grand pour tenir une manette (oui, tous les jeunes joueurs écoutent les Podcasts de Gameblog, évidemment). Et puis, c'est pratique les remakes, ou les versions HD ; maintenant que la plupart des joueurs sont passés aux écrans plats haute définition, rebrancher des consoles SD, souvent en composite, c'est vouloir se tuer les yeux plus que revivre dans les conditions d'époque les épopées d'avant. Enfin, c'est un moyen, parfois, de rentabiliser des titres qui sont devenus cultes mais ont plus ou moins échoué commercialement à se rentabiliser - qu'il s'agisse des Ueda ou de BG&E, loin qu'ils sont d'avoir connu à l'époque le succès qu'ils méritaient. Ca nous donne également une bonne occasion de replonger, plus simple que de descendre à la cave, et de remettre les pendules mémorielles à l'heure (j'y reviens plus bas).

Au cinéma, le phénomène existe depuis des dizaines d'années, sans vraiment que cela choque quiconque tant que ça (même si la plupart des remakes cinématographiques s'apparentent peut-être plus à des reboots). Du King Kong de Peter Jackson, qui est certes assez mauvais, au The Ring de Gore Verbinski, qui est certes assez mauvais aussi (surtout comparé à l'original de Nakata), en passant par The Dinner, qui est certes une bouse par rapport au Veber avec Villeret, ou... nous y voilà : au Cinéma, remake rime souvent avec pue du bec, mais dans le jeu vidéo, finalement, non. Au mieux, on a des grands classiques habilement revisités qui héritent même de certains indispensables (checkpoints, sauvegardes, ou graphismes réhaussés) comme Another World, au pire, le jeu quasi d'origine mais formellement raffiné, comme Resident Evil 4 HD. Une excellente manière de valider l'excellence d'un game design auprès d'audiences qui n'ont pas eu la chance d'en faire l'expérience à la sortie d'origine, car il n'y a pas de raison qu'un excellent jeu d'alors ne séduise pas aujourd'hui - surtout s'il fait l'objet d'un rafraîchissement. Ne l'oublions pas : à la différence du cinéma, qui n'a pas connu de révolution formelle majeure depuis la couleur (je refuse personnellement de considérer la 3D comme en étant une, c'est mon côté troll), le jeu vidéo n'a pas cessé d'évoluer technologiquement, et les très bonnes idées d'avant-hier méritent bien qu'on les débroussaille avec les techniques d'aujourd'hui.

Sans la lumière du passé, on avance dans les ténèbres

Parfois, pourtant, cela permet de se rendre compte, aussi, que notre mémoire nous induit très (trop) souvent en erreur, et que non, ce n'était pas forcément mieux avant. Ce qui vous donne, au passage, le sujet qui fera l'objet d'un prochain édito : les idées reçues sur le jeu vidéo. Car on se rend compte de la difficulté parfois frustrante plutôt qu'amusante de certains vieux jeux, de leur durée de vie très courte même par rapport aux campagnes solo d'un Call of Duty d'aujourd'hui, ou du côté archaïque des contrôles qu'on trouvaient à l'époque tellement fluides et précis. Mais même avec ces choses là rectifiées par les remakes, l'expérience reste intéressante, voire enrichissante, recontrastant le tableau global des évolutions ludiques pour mieux faire ressortir des acquis d'aujourd'hui qu'on a rangés dans la case des habitudes oubliées.

Quant à la question du détournement de créativité, je pense qu'elle n'a pas lieu d'être posée. D'abord, ces remakes et versions HD ne prennent pas des ressources faramineuses vampirisées sur des projets nouveaux. Ensuite, ce n'est pas parce qu'une équipe et/ou un éditeur consacre des moyens à ressortir ses vieux titres qu'il les auraient consacrés autrement à nous faire une toute nouvelle licence qui tue. Enfin, et cela s'adresse plus particulièrement aux core gamers qui déplorent la direction prise par le jeu vidéo d'aujourd'hui, si le succès d'anciennes formules est au rendez-vous, ça peut permettre à certains de réfléchir à deux fois avant de bazarder des choses importantes comme la profondeur pour un RPG, la durée de vie pour un jeu d'action, ou des univers jugés passés de mode. Personnellement, je n'échangerai jamais deux barils de Resident Evil 4 contre un baril de Resident Evil 5... Plus souvent qu'à son tour, dans la vie, on sait ce qu'on perd, mais on ne sait pas ce qu'on gagne.

Donc personnellement, du remake, j'en veux grave, tant qu'il est correctement fait. En l'occurrence, je rêve régulièrement d'un bon gros remake HD collection soigné de toute la saga des Legacy of Kain (en particulier Soul Reaver 1, 2 et Defiance), j'attends impatiemment que David Braben arrête de faire des ordinateurs à 25$ qui tiennent dans des clefs USB pour nous pondre un remake d'Elite, je kifferais ma race d'en avoir un de Dungeon Keeper, ou de replonger dans une version en magnifique 3D temps réel de Myst, et comme beaucoup, un remake de Final Fantasy VII aurait toute mon attention. Alors, ouais, allez : Remake my day.