Les opinions exposées dans les éditos appartiennent à leur auteur
et ne reflètent pas forcément l'avis de l'ensemble
de la rédaction de Gameblog.


Salut à tous, Romain à l'appareil. Si vous écoutez fréquemment les podcasts de Gameblog, et/ou me suivez sur Twitter, vous savez que je suis loin d'être la personne la plus enthousiasmée par la Nintendo Switch. Contrairement à ce que certains pensent, il n'est pas question d'une haine viscérale de Nintendo mais d'une incompréhension des décisions prises, associée à la déception d'un vieux fan qui n'a pas obtenu ce qu'il espérait. Dans les lignes qui suivent, je vais vous expliquer pourquoi je n'ai pas réservé la Switch le 13 janvier dernier, et pourquoi je ne suis pas pressé de mettre la main dessus.

En cherchant à faire deux choses à la fois, on court le risque de n'en faire aucune des deux correctement. J'aimerais avoir les étoiles dans les yeux en voyant la Switch. Vraiment. Mais son concept ne m'émeut pas car je ne le trouve pas révolutionnaire. Pourquoi ? Parce que la PSP permettait il y a quasiment dix ans de jouer sur son écran de télévision. Alors oui, le lien à la télévision était moins souple que ce que permet la Switch. Mais comme je viens de le souligner, c'était il y a dix ans.

Nintendo présente la Switch comme une console de salon que vous pouvez emmener partout. Je comprends totalement l'argument marketing que cela représente. Il est indéniablement accrocheur. Mais pour arriver à faire ça, les ingénieurs de Nintendo ont dû faire des concessions en matière de puissance. Il ne faut pas se voiler la face, en tant que console de salon commercialisée en 2017, la Switch fait un peu de peine à voir. Des gens me diront, à juste titre, que la puissance et les graphismes ne font pas tout. Je suis totalement d'accord. Mais une architecture en retard sur la concurrence a un impact à deux niveaux.

Le premier, c'est qu'à jeu AAA équivalent, le rendu visuel de la version Switch sera loin derrière celui proposé sur les consoles de Sony et Microsoft. Le deuxième, c'est que les éditeurs tiers évitent (en général) les risques comme la peste. Histoire de rentabiliser au maximum leurs coûts de développement, ils cherchent à proposer des jeux identiques ou quasi-identiques sur toutes les plates-formes. La Switch étant, au minimum, une génération en retard sur la PS4 et la Xbox One, porter un jeu PS4-One sur Switch engendre des coûts de développement supplémentaires ainsi qu'un downgrade visuel et/ou d'envergure, que tous les studios et éditeurs n'auront pas nécessairement envie de faire. Du point de vue de son catalogue de jeu, la Switch court donc le risque de se retrouver dans une situation similaire à sa grande soeur. Mais les jeux, j'y reviendrai plus tard.

Avec la Switch, nous nous retrouvons donc face à une console en crise d'identité permanente. Alors oui, je suis bien conscient qu'il est impossible technologiquement et économiquement de proposer l'équivalent d'une Xbox Scorpio ou même d'une PS4 Pro dans une machine portable. Mais dans ce cas, Nintendo avait-il vraiment besoin de proposer une console qui fait les deux (d'autant plus qu'il existe déjà un jeu ne pouvant être utilisé en mode console de salon) ? De mon point de vue strictement personnel, je dirais non. Si le choix n'avait tenu qu'à moi, j'aurais préféré que Nintendo sorte la Switch en tant qu'appareil uniquement portable, brandée Game Boy par exemple, et que cette dernière soit mise en avant comme la console portable la plus à la pointe de l'histoire.

Et qu'à côté de ça, ils commercialisent une console de salon véritablement à la pointe. Certains me demanderont :

Mais quel est l'intérêt de faire comme Microsoft et Sony ?

Je leur répondrai que cela permettrait à des licences comme Mario ou Zelda de bénéficier du traitement qu'elles méritent. Et accessoirement aux personnes qui n'achètent que des consoles Nintendo d'avoir les jeux tiers pour s'occuper entre deux productions du Big N. De plus, une console de salon techniquement à la page donnerait la possibilité à Nintendo de livrer aux joueurs sa pleine vision pour la réalité virtuelle tout en exploitant la technologie incluse dans les Joy-Con. Même si elle est en plein essor, la réalité virtuelle n'est pas encore un produit grand public. Qui de mieux que Nintendo avec son sens du gameplay et ses licences connues de tous pour mettre la réalité virtuelle au premier plan ? Plusieurs éléments et déclarations de Nintendo laissent entendre que la réalité virtuelle viendra sur Switch, mais dans quelles conditions ?

Pourquoi vous faites ça ?

En parallèle à ce concept de base qui ne me convainc pas, la Switch souffre également de problèmes de design qui me paraissent totalement incompréhensibles en 2017. À l'heure où le jeu en ligne fait désormais partie intégrante de la vie de millions de joueurs, Nintendo passe toujours (en partie) par un système archaïque de Code Ami pour ajouter des amis sur sa console. Et pour communiquer avec ses amis en cours de partie, il faut passer par une application smartphone. Cet élément me semble toujours difficile à croire mais il s'agit véritablement du système choisi par Nintendo. Si vous devez jouer en ligne avec un casque pour ne pas déranger d'autres personnes, vous devrez donc choisir entre le son du jeu et la communication avec vos amis.

Autre décision incompréhensible, le positionnement sous la console de la prise qui permet de la recharger. Ce dernier fait que si vous décidez de jouer en "mode table," vous ne pouvez pas brancher la console en même temps pour ne pas vider la batterie et charger cette dernière. Impossible également de charger la Switch avec n'importe quel câble USB-C + prise. Un voltage précis est nécessaire et cela limite sensiblement la portabilité de la console. Malheureusement pour les acquéreurs ou futurs acquéreurs de Switch, les choses ne s'arrêtent pas là. Une carte SD insérée dans une Switch ne peut pas être utilisée dans une autre Switch sans que le contenu lié à la première Switch ait été effacé au préalable. À une époque où il suffit de se connecter à son compte PSN ou Xbox Live sur n'importe quelle PS4 ou Xbox One pour récupérer ses jeux, cela fait tâche.

Les Joy-Con font partie intégrante du concept de la Switch. Dans ce cas, que dire des problèmes de "désynchronisation" subis par un certain nombre de joueurs ? Et surtout, que dire des solutions proposées par Nintendo aux utilisateurs qui souffrent de ce problème ? En cas de problème de ce type, le constructeur recommande en effet de tenir la Switch éloignée de divers appareils sans fil comme des enceintes, des imprimantes, des ordinateurs, des tablettes, des routeurs Wi-Fi ou même des téléphones portables ! Sachant qu'un téléphone portable est nécessaire pour parler avec ses amis pendant des parties en ligne de Switch, la situation est légèrement gênante...

Les jeux Nintendo

Dans les pays anglophones, il y a une expression qui dit "fool me once, shame on you, fool me twice, shame on me." Même si elle n'a pas vraiment d'équivalent en Français, cela revient à dire "trompe moi une fois, honte sur toi, trompe moi deux fois, honte sur moi." Et les antécédents de Nintendo en matière de promesses de catalogue étoffé font que je reste méfiant vis-à-vis des perspectives d'avenir du catalogue de la Switch. Et là encore, cette méfiance est liée à plusieurs éléments. Mais jugez plutôt :

Nintendo a tendance à commercialiser trop de titres lors du lancement d'une console. Cette dernière souffre par conséquent d'une chute du nombre de nouveau jeux sortant sur elle pendant une longue période post-sortie de la console. Avec la Wii U, nous agissons donc avec une grande prudence pour que cette situation ne se reproduise pas. Heureusement, les éditeurs tiers étrangers sortent de nombreux jeux pour nous cette fois, ce qui nous a permis de repousser à l'année prochaine certains titres que nous avions à l'origine prévus de sortir comme jeux de lancement.

Ces déclarations, ce sont celles du regretté président de Nintendo Satoru Iwata, quelques jours avant la sortie de la Wii U en 2012. Tous les joueurs, et plus particulièrement les possesseurs de Wii U se souviennent comment ces déclarations ont été traduites dans les faits. Donc j'ai naturellement tendance à me méfier lorsque l'actuel président de Nintendo, Tatsumi Kimishima, déclare ça :

Il est de l'opinion de certaines personnes qui ont connaissance de ce lineup de lancement que ce dernier est faible. Lorsque nous avons établi le catalogue de jeux de 2017, notre réflexion s'est basée sur l'importance de continuer de proposer régulièrement de nouveaux titres sans qu'il y ait de longs trous. Cela encourage les consommateurs à continuer de jouer activement à la console, cela maintient le buzz et cela entretien un élan continu de ventes de Nintendo Switch.

Le premier élément qui provoque ma méfiance est donc la capacité de Nintendo à proposer régulièrement des gros jeux Switch (autres que des portages ou des versions améliorées de jeux Wii U). Et pour ce qui est du catalogue de lancement de la console, aucun des jeux proposés ne me donne envie ou me fait éprouver le besoin de l'acheter. Vue la citation de Tatsumi Kimishima, je ne suis pas le seul à le penser. Hormis Zelda Breath of the Wild, un nouvel épisode tiré d'une série qui ne m'intéresse pas, quel jeu justifie vraiment de débourser environ 350 euros (pour la console plus un jeu) ?

Les jeux tiers

Cela étant dit, vous allez certainement me demander : "et les éditeurs tiers alors ?" Avant de rentrer dans les détails, je commencerai par vous montrer cette vidéo :

Pour ceux qui ne s'en souviendraient pas, cette vidéo montre différents représentants d'éditeurs tiers en train de chanter les louanges de la Wii U. Même si on se souvient tous du légendaire catalogue de jeux tiers dont a bénéficié la Wii U, rappelons tout de même qu'Electronic Arts, pourtant très présent dans cette vidéo, n'a commercialisé que FIFA 13 (version indigne de celles sorties sur PS3 et 360 alors que la Wii U était présentée comme une console "next-gen"), Mass Effect 3 et Need for Speed : Most Wanted sur Wii U. Le tout, en 2012 uniquement. Quant à Ken Levine, le cerveau derrière la série BioShock, il n'a tout simplement proposé aucun jeu sur Wii U... Et que dire au sujet de leurs remarques à propos des fonctionnalités du GamePad ? Elles sont dans certains cas quasiment identiques à celles faites par les tiers lorsqu'ils parlent de la Switch.

Si Nintendo et les éditeurs tiers devaient définir leur relation sur Facebook, ils mettraient certainement "c'est compliqué." Cette situation n'est pas inédite, loin de là. Les joueurs et la presse ont le droit au même discours depuis plusieurs générations de manière immuable. En mai 1997, Howard Lincoln, le président de Nintendo of America de l'époque, faisait son mea culpa auprès des éditeurs tiers en affirmant qu'ils ne leur étaient pas assez venus en aide. En 2000, ce même Howard Lincoln déclarait à propos de la Dolphin (machine qui deviendra le GameCube par la suite) :

Je dirais que nous faisons délibérément en sorte qu'il soit simple de programmer sur Dolphin, avec des outils de développement très puissants, car nous avons retenu la leçon de la Nintendo 64.

Vous voulez d'autres exemples qui montrent que les problèmes dont souffre Nintendo sont les mêmes à chaque génération, peu importe ce qui se dit et peu importe les promesses faites ? Cela tombe bien, j'en ai plein dans mon coffre. Prenez par exemple cette déclaration de Satoru Iwata en 2015 :

En exploitant nos studios internes pour faire gonfler l'intérêt que génère nos jeux et nos consoles, nous pouvons ensuite établir les bases qui permettront aux éditeurs tiers de faire des ventes dignes de ce nom sur nos consoles.

Et comparez là avec cette citation de Hiroshi Imanishi, l'ancien responsable des relations publiques de Nintendo, datant de décembre 2000 :

La position de Nintendo est que nous allons vendre notre console avec nos propres jeux. Et si les consommateurs achètent des GameCube en nombre, alors les tiers seront intéressés par la création de jeux pour le Nintendo GameCube.

La similitude est frappante non ? Chez Nintendo, les générations se suivent et se ressemblent en ce qui concerne le rapport aux éditeurs tiers. Alors oui, il y a eu une période un peu hors norme pendant la génération Wii au cours de laquelle la citation ci-dessus s'est confirmée. Lorsque le phénomène Wii a explosé, les éditeurs tiers se sont rapidement mis à créer des jeux dessus. Mais s'il y a bien eu de très bons jeux tiers sur Wii au milieu des mauvais titres créés à la va-vite pour essayer de profiter du phénomène de mode et des portages au rabais de titres déjà sortis sur PS3 ou 360, il faut bien admettre qu'ils ont disparu une fois que la bulle a éclaté et qu'ils se sont rendus compte que seuls les jeux Nintendo se vendaient vraiment sur Wii.

Ken Lobb, game designer plus connu pour son travail sur Killer Instinct et ancien employé de Nintendo of America, a justifié son départ de la société de cette manière :

Sachant ce que le portfolio (de jeux) allait être sur GameCube cette année et dans les années à venir, j'ai décidé que je ne voulais me retrouver dans cette situation à nouveau. Je l'ai vécu sur Nintendo 64 et ça a été difficile à vivre. Voyant que cela allait être la même chose, et que cela allait même peut-être être pire, j'ai dit "laissez tomber." J'en ai marre de ces portages tiers de seconde zone et j'en ai marre que les sorties des jeux first party soient étalées sur de si longues périodes.

La dernière phrase de cette citation est particulièrement marquante et sert à souligner que les problèmes subis par les consoles de Nintendo n'ont rien de nouveau. Et puisqu'il est question de "portages tiers de seconde zone," ces derniers correspondent justement à une de mes craintes au sujet du catalogue de la Switch.

Bienvenue en 2011

Même si le jeu ne m'intéresse pas directement, plusieurs bruits de couloir affirment que FIFA sur Switch sera un portage des versions PS3 et 360 du jeu de football. Pas PS4 et Xbox One mais bel et bien PS3 et Xbox 360. En ce qui concerne Skylanders Imaginators, il a été confirmé qu'il s'agit bien de la même version que celle qui tourne sur PS3, 360 et Wii U. Et parmi les jeux déjà annoncés sur Swich se trouve également Skyrim, un titre initialement sorti en 2011.

Si vous lisez régulièrement Gameblog, vous connaissez mon amour pour Dragon Ball. Pouvoir prendre Dragon Ball Xenoverse 2 partout avec moi aurait pu être un argument d'achat de la Switch. Mais d'après les premiers retours des joueurs qui ont pu s'essayer à la version Switch du jeu, elle rivalise à peine avec les versions PS3 et 360 du premier épisode ! Merci, mais non merci.

Pour en revenir aux rumeurs, une autre d'entre elle affirme que Rockstar va annoncer une version Switch de L.A. Noire. Là encore, il s'agirait d'un portage d'un jeu de la génération précédente. Si les joueurs qui n'ont eu que la Wii et la Wii U au cours des deux dernières générations trouveront peut-être un intérêt à pouvoir jouer à ces jeux, en tant que possesseur des deux dernières Xbox et deux dernières PlayStation, j'ai déjà pu jouer à leurs jeux qui m'intéressaient. Je n'ai aucune envie d'acheter une Switch pour jouer à des jeux sortis ailleurs il y a cinq ans.

Si les tiers sortent des jeux majeurs en exclusivités sur Switch alors la question de son achat se posera certainement à nouveau. Et pour ce qui est de sorties simultanées sur PS4, Xbox One et Switch, il est légitimement possible d'en douter pour les raisons de configuration de la Switch évoquées précédemment. Pour rappel, l'idée de sortir Titanfall 2 sur Switch a fait rire un des développeurs du jeu. Et Ed Boon, le réalisateur d'Injustice 2 nous a confié fin février qu'il n'avait toujours pas eu la Switch entre les mains. Cela veut dire ce que cela veut dire vis-à-vis de la possibilité que son studio propose un jeu dessus.

Et les jeux indés dans tout ça ? Un nombre conséquent d'entre eux sont soit déjà sortis ailleurs ou le feront en même temps. En tant que possesseur d'au moins quatre machines qui peuvent potentiellement les faire tourner, je ne vais pas investir 300 euros pour jouer à des jeux indépendants.

Je suis le premier attristé par la situation dans laquelle je me trouve vis-à-vis de la Switch. Mais je ne peux tout simplement par justifier l'achat de la console à l'heure actuelle. Plus de 300 euros pour une console d'appoint techniquement dépassée n'est pas envisageable pour moi. Le catalogue actuel est insuffisant et Nintendo n'est pas en mesure de donner de véritable garanties que les situations passées ne vont pas se reproduire.

Maintenant à vous de me dire ce que vous en pensez...


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