Voilà cinq ans que Guillermo Del Toro était absent des écrans de cinémas. Après avoir fait le bonheur des amoureux de fantastique avec un Hellboy 2 des plus généreux, c'était avec hâte que l'on attendait le retour du réalisateur mexicain. Et vu l'état du cinéma hollywoodien actuel, il est plus que salvateur et précieux qu'un film comme Pacific Rim trouve sa place. L'hommage de Del Toro au Kaiju eiga passe par un métrage qui retrouve l'âme du divertissement noble et au cœur gros comme ça. Rien de surprenant venant d'un cinéaste biberonné aux films de monstres japonais, du studio Universal, ou encore ceux de Ray Harryhausen.

Les intentions du film, dés l'introduction, sont claires: réaliser un film de monstres fantasme, et ce avec le confort d'un budget de blockbuster. Mais ça n'empêchera pas au réalisateur de Blade 2 d'y intégrer la richesse narrative qui lui est propre. Le montage introductif présente l'univers du film et pose les bases du background. Les premières attaques de Kaijus sont présentées comme dans tout bon film du genre qui se respecte, les créatures détruisent les sites clés de villes connues dans des plans qui peinent à couvrir l'immensité des créatures. La première réponse armée en devient d'autant plus insignifiante. Est donc mis en place l'initiative des Jaegers, robots géants nécessitant deux pilotes à leurs commandes. Glorifiés dans les extraits télévisés, il sont le dernier rempart de l'humanité face à l'extinction. Dans cet amorce de récit, on suit ensuite les deux frères Becket à bord de Gipsy Danger. Dans un combat contre un Kaiju qui tournera mal, Del Toro met finement en place l'importance de son principal instrument narratif: le drift (le terme désigne la connexion neural entre deux pilotes de Jaeger). La dimension dramatique du lien est montrée dans la souffrance partagée des deux frères, permettant d'en recentrer l'enjeu humain dés le premier affrontement. Après cette scène puissante, le titre apparaît enfin à l'écran, le cinéaste vient de brillamment amorcer ce qui va suivre.

Cinq plus tard (parallèle assumé avec la carrière de Del Toro), on retrouve Raleigh Becket ne faisant plus parti du Pan Pacific Defense Corps. Les Jaegers sont marginalisés, les gouvernements ont perdu confiance en leur gardiens. Les ouvriers travaillent désormais sur des murs censés stopper la progression des Kaijus. Ce contexte est peint dans un décor industriel fait de métal, de rouille et de sueur, qui rappellent les images célèbres du New York de la grande dépression. Ce panorama instaure une ambiance qui n'est pas étrangère à de nombreux films de guerre des années 50/60. Il se cache dans Pacific Rim un vrai film de commando. On commence à toucher ici, au cœur même de cette grande fresque d'aventures.

Au jour d'aujourd'hui, il est triste de constater à quel point nombreux films à gros budget tente de dissimuler une mise en image plate par un développement des personnages faussement complexe. La candeur et la sincérité du film de Guillermo Del Toro en deviennent galvanisantes. Car non, le cinéaste ne prends jamais son spectateur par la main. Tout comme dans Blade 2, il fait assez confiance à son audience pour voir la grandeur de ses personnages, et donc, tout comme dans le film du diurnambule, l'équipe internationale ne sera qu'un défilé de stéréotypes pour l'audience peu attentive. Avant de pouvoir se dresser fièrement dans leurs Jaegers, les pilotes doivent être compatibles pour le drift, un rapport de confiance indispensable tant le procédé pioche au plus profond de l'inconscient de chacun. Quand Mako et Raleigh se défient à entraînement, le soin apporté à la chorégraphie est bien plus loquace que n'importe quelle exposition. En plus de raffiner les personnages par le langage corporel, cela permet de mettre en parallèle les capacités des robots géant avec celles des hommes à leurs bord. L'osmose entre un jaeger et ses pilote sort du champ de bataille et se retrouve à hauteur humaine, même lors d'un simple affrontement entre rival dans les couloirs du Shatterdome. Mais Del Toro ne s'en arrête là et offre une scène qui condense tout ce que Pacific Rim cherche à offrir en terme d'implication émotionnelle. Le tout premier drift entre Mako et Raleigh passe par le douloureux passé de la jeune japonaise, qui propose une relecture aux proportions démesurés d'une scène phare du Labyrinthe de Pan. La menace vécue dans l'esprit de Mako se matérialise aux commandes de Gipsy Danger, ce dernier mettant en danger direct les résidents du bunker. À partir de ce moment le rapport de taille entre les mouvement du robot et les réactions humaines devient limpide. Le geste de peur d'une gamine devant une créature gigantesque se transforme en manœuvre d'attaque du Jaeger. On tient là toute l'ampleur du film de Del Toro, qui ne perd jamais de vue la taille de ses protagonistes hors normes.

Dans l'incroyable scène de Hong Kong, le cinéaste peut ainsi jouer avec les échelles et les perceptives avec une aisance hallucinante. Déjà porteur dans ses combats de colosses, d'une lisibilité de tous les instants et d'un visuel à tomber par terre (on avait presque oublié que les films d'aujourd'hui était en couleur), Del Toro peut passer, dans un même mouvement, de l'infiniment grand à l'infiniment petit avec une fluidité sans faille (parfois avec une touche d'humour bienvenue). On peut aussi vraiment remercier le réalisateur d'avoir imposé de vraies machines de torture aux acteurs avec les cockpits «fait en dur», tant l'implication en sort grandi. Les résultats payants de cette mise en scène travaillée: des moments de bravoures qui invoquent l'enthousiasme de l'enfant qui sommeille chez le spectateur. Que ce soit la locomotice Cherno Alpha, ou le finish move stratosphérique (littéralement) de Gipsy Danger. Le film emporte l'adhésion autant dans l'immersion que dans la joie communicative. Une liberté de ton qui réjouie face aux autres productions voulant duper son monde via des atouts soit disant sombres. Ici, que l'on soit cueilli par la beauté onirique de Coyote Tango, emporté par l'énergie des combat de géants, ou même charmé par les sous-intrigues attachantes (Ron Perlman, toujours aussi magique). Pour peu qu'il ai encore le cœur désireux de vivre une vrai aventure, pure et noble, Pacific Rimrisque bien de mettre des étoiles dans les yeux de son spectateur.

Vrai film de monstre dans la pure tradition japonaise marié à un amour du cinéma bien conté. Guillermo Del Toro gagne aisément le droit de citer Ray Harryhausen et Ishiro Honda comme modèle. La narration porteuse de l'imaginaire, on avait presque oublié à quelle point cela faisait du bien.