Le premier Dragons, lors de sa sortie, avait réussi à surprendre là où l'on ne l'attendait pas. Alors que Dreamworks enchaînait les produits à l'humour bas du front sans grand intérêt (si l'on excepte un Kung fu Panda un peu plus recommandable), Dean Deblois et Chris Sanders (déjà responsable du génial Lilo & Stitch) ont offert un film qui changeait drastiquement du cahier des charges du studio jusque là. Personnages travaillés, esthétique soignée, mise en scène virevoltante, en deux mots une sacré réussite. Dean Deblois, seul cette fois, rempile donc sur cette suite qui abeaucoup à faire pour surpasser son aîné.

 

Le film démarre 5 ans après les événements du premier opus, Hiccup (Harold en VF) et sa bande sont devenus de jeunes adultes et vivent en parfaite harmonie avec les dragons. Dans ce cadre, le risque premier à continuer les aventures de la troupe était de tomber dans la redite. Mais le film évite dés les premiers instants cet écueil, ce deuxième épisode va étendre son univers vers de nouveaux horizons. Ce avec Hiccup et son dragon qui parcourent les landes inconnues pour découvrir de nouvelles régions. On est ici à l’abri de développements de personnages remis à zéros pour reprendre les ficelles qui avaient fonctionné la première fois. Il suffit de voir le traitement de la relation entre le héros et Astrid, une romance qui ne tombe pas dans l’excès affectif et fonctionne en tant que vrai couple sans être surlignée en permanence. L'écriture ne repose par sur ses acquis et assume ses choix narratifs audacieux et payants. Une des forces du premier film était justement ce jusqu'au-boutisme dans le récit. Un petit rappel de Dragons (spoiler?): un film d'animation familial qui ose amputer d'une jambe son héros principal pour asseoir les enjeux de son climax. Des risques de ce genre, Dragons 2 en prend à nouveau, mais tout est au service de l'histoire et de l'imagerie du film.

 

 

 

Le premier épisode passe alors presque pour un vol d’essai, et même si les bandes annonces ne se sont pas gênées pour dévoiler des pans entiers du récit, les surprises ne manquent pas. La mythologie autour des dragons prend un nouveau souffle, qui se marie avec un sens du merveilleux qui n'a pas à rougir face au plus grands représentants de l'Heroic Fantasy. Les panoramas mystérieux transpercent la brume, les nuages se mêlent au rayons du soleil, les paysages décrochent la mâchoire de par leurs beautés, et les nouvelles créatures ont une allure plus gracieuse encore que celles du premier film. Un direction artistique sans faille qui permet de faire vivre aux personnages une aventure qui n'hésite pas à se poser quelques instants pour éblouir son spectateur. La composition des plans va dans ce sens, en offrant de véritables fresques qui ne peuvent laisser insensible. Que ce soit dans ces moments les plus intimes chargé d'émotions sonnant juste, ou dans dans le spectaculaire démesuré, le film trouve toujours le cadre idéal pour sublimer son récit. Cette indéniable réussite visuelle est indissociable du format 3D, comme en témoigne tout particulièrement les intenses scènes de batailles. Les perspectives, de par le relief, se permettent d’inonder l'image d'une multitude de couches riche en action, ce sans perte de lisibilité. Du premier plan jusqu'au fond du cadre, l'ampleur des affrontements joue avec ce procédé pour jongler avec les tailles des différents intervenants humains ou dragons. Un parti pris concrétisé dans le dernier moment de bravoure, une scène qui dégage une noblesse aussi puissante que le combat final de La Belle au bois dormant.

 

Les enjeux et la prouesse graphique de chaque instantspermet d'exploiter les nombreuses facettes de ses personnages principaux. Leur background est pleinement mis à contribution et explore de nouvelles voies parfois radicales, sans trahir pour autant ce qui a été entrepris jusque là. Seul l'antagoniste se veut moins nuancé, mais comme quelques méchants dans d'autres productions de ce type, il sert plus de vecteur au péripéties et à l'évolution des personnages que de matière première. Tant qu'il sert ce propos avec assez de force iconique, guère besoin d'en demander plus. Heureusement c'est le cas, Draco a son lot de moments bestiaux et délicieusement antipathiques. Pour achever ces louanges à accorder à Dragons 2, John Powell a parfaitement saisile souffle épique qui traverse le film. Il livre en effet unecomposition encore plus belle que celle de Dragons. Orchestration majestueuse, thème fort, couleurs folkloriques parfaitement exploitées, il est à croire que seuls les films d'animation modernesaient droit à ce traitement de faveur. La musique se paie même le luxe de s’intégrer à la narration le temps d'une danse qui offre autant de larmes que de rires, aidé par l'animation fine et détaillée des protagonistes.

 

 

Dragons 2 n'a plus pour lui l'effet de surprise de son aînée, ce qui ne l’empêche pourtant pas de surpasser son modèle sur presque tout les plans. Film à la richesse picturale et scénique proche du nirvana, récit héroïque grandiose, Dragons 2 est peut être l'un des meilleurs films d'animation en image de synthèse actuel. Il est surtout, et avant tout, une très belle ½uvre de Fantasy pure.

 

Cet article a été originellemnt publié sur Chronics Syndrome :

https://chronicssyndrome.wordpress.com/2014/06/15/le-maitre-des-flammes-critique-dragons-2/