Avant Lara Croft et Nathan Drake il y avait Indiana Jones, lui-même héritier des Pulps d’antan qui forgèrent les jeunesses de Spielberg et Lucas. Mais là où la Miss anglaise et le prétendu descendant de Sir Francis Drake connurent leur succès dans le domaine du jeu vidéo, l’aventurier au fouet lui comme chacun sait fut un héros de cinéma avant tout. C’est donc en challenger qu’il s’essaie en vain de défier ses descendants spirituels dans l’univers de pixel. Car même si il y eu divers jeux sortis mettant en scène Henry Jones Jr. bien avant l’apparition de la pilleuse de tombe à nattes, ceux-ci ne rencontrèrent pas vraiment un grand succès (à une exception près), ou tout au moins pas au diapason de la popularité des longs-métrages. À cause sans doute d’une formule qui ne fonctionnait pas vraiment…et que Core Design parvint à saisir quand sort en 1996 Tomb Raider, jeu d’exploration immersif en 3D.
Au vu de l’intrusion fracassante de la Lady et de sa notoriété dépassant de loin le strict cadre du monde vidéoludique, Lucasart décide de se lancer dans un jeu ‘dans le même genre’ mettant en scène l’archéologue maison, histoire de tenter de reprendre la main sur la filière. C’est ainsi que débarque en 1999 ‘La Machine Infernale’, titre reprenant grandement le style des péripéties de Lara période classique en les adaptant à l’univers du professeur d’histoire en blouson de cuir. Mais ce ne sera pas trahir un secret de dire que l’entreprise de reconquête ne fut pas un succès… Néanmoins, voyons de plus près ce qu’avait à nous proposer cette première aventure en trois dimensions d’Indiana Jones.

Soyons honnête, le titre est un peu malheureux et pas très engageant. Il y avait mieux à faire je pense...

« TU APPELLES ÇÀ DE L’ARCHÉOLOGIE ? »

1947. Lors de fouilles dans les Rocheuses, le docteur Jones reçoit la visite surprise d’une vieille amie, Sophia Hapgood, qui assène à qui veut l’entendre ses dons psychiques et qui est désormais au service d’une agence d’espionnage tout juste mise en place, la ‘Central Intelligence Agency’. La rousse aux yeux verts envoutants demande de l’aide à son ami archéologue car un scientifique russe du nom de Volodnikov à découvert toute une nouvelle section dans les ruines de Babylone… une section qui pourrait révéler de terribles secrets et donner à l’URSS un avantage certain dans la Guerre Froide. Se rendant sur place, Indy fait de biens étranges découvertes et notamment une ingénierie bien plus évoluée qu’elle ne devrait l’être pour des ruines millénaires...Ne serait-ce pas là des pièces mécaniques…d’une Machine Infernale ?

 Ce n'est pas forcément évident vu comme ça mais il s'agit bien d'une carte, indiquant la chaine de montagne Tian Shan au nord de la Chine. Mais  il s'agit aussi et surtout d'une porte qui nécessite des clés bien particulières pour en ouvrir l'accès.

Comme dit en préambule, nous nous retrouvons devant un jeu qui copie-colle allègrement la formule des Tomb Raider d’alors (les années 90) en y greffant toute la patte ‘Lucasienne’ si vous me permettez l’expression. Alors oui, vu de 2020, c’est comme découvrir une pièce de musée poussiéreuse et un peu rouillée mais en ce qui me concerne, les jeux d’exploration de cette époque, j’adore. J’ai pu mettre la main sur ce titre il y a quelques années seulement malgré mon envie de m’y essayer depuis belle-lurette et c’est effectivement un retour en arrière assez rude question jouabilité. Mais également un vrai plaisir (coupable) que de retrouver ce gameplay à l’ancienne, qui ne pardonne pas la moindre erreur, la moindre hésitation ou le fait d’appuyer sur les boutons dans le désordre (Haut + Saut ce n’est pas la même chose que Saut + Haut !). Et puis l’aura du personnage fait le café, faut bien le reconnaître.

Le docteur Henry Jones Jr. dans toute sa splendeur. Enfin sa splendeur d'il y a 20 ans quoi...

Graphiquement…et bien c’est assez inégal. Certes ça date un peu mais cela n’empêche pas certains décors d’être encore de toute beauté, là ou d’autres seront très ternes et peu inspirés. Par contre le level-design lui est très réussi et même si on se perd parfois le tout est suffisamment bien agencé pour que l’on ne tourne pas en rond des heures. Mais on se retrouve parfois bloqué sur une ‘énigme’ que rien ou presque n’explicite, comme par exemple cette immense statue de bois à laquelle il faut faire pivoter l’un des bras grâce à son fouet…Franchement si je n’avais pas été voir une soluce j’y serai encore, à chercher ce qu’il faut faire dans ce fichu volcan…En dehors de ce manque de clarté sur certains casse-têtes le tout reste assez limpide sur les objectifs à atteindre et la route à suivre. Il ne faut juste pas hésiter à tester les différents objets de son inventaire ainsi que les outils de travail du parfait petit archéologue en notre possession que sont le fouet, la machette et le revolver six-coup (Quoi ? une brosse ?! Pardon ? Une truelle !?... Soyons sérieux je vous prie, on parle Archéologie ici !).

Certains décors tiennent encore largement la route

 
« JE ME SUIS SOUDAIN RAPPELÉ CHARLEMAGNE »

Bien que la majorité des 16 niveaux (plus un bonus en guise d’épilogue qui ramène à la scène d’ouverture des ‘Aventuriers de l’Arche perdue’) soit calqué sur le principe de l’exploration pure telle qu’elle fut conçue aux prémices de l’ère 3D, une partie d’entre eux propose quelques phases de gameplay un peu en dehors des sentiers battus et qui relance l’intérêt pour l’aventure qui peut parfois paraître un peu longue et redondante. Il y a bien sur le niveau dit de la ‘Jeep’ (quand je vous dis que ca rappelle les Tomb Raider !) mais aussi quelques passages en raft qui je dois bien l’avouer ne sont pas piqué des hannetons – réussir à ne PAS percer son frêle esquif tient du miracle…et d’un doigté d’expert pour se diriger dans les forts courants. Quelques chapitres privilégient de leur cotés l’exploration sous-marine mais pas de souci, le bonhomme sait bien nager (et retenir son souffle un moment). D’autres surprises vous attendent si vous décidez un jour de vous lancer dans ce périple que je vous laisse le bon soin de découvrir par vous-même. Sachez juste que le dernier niveau vous retournera littéralement l’esprit et qu’il est assez inattendu dans l’univers ‘Indiana Jones’ (enfin…peut-être un peu moins maintenant que le 4 est sorti, mais j’en dis déjà trop).

Que ce soit dans un wagonnet au fond d'une mine, une jeep dans un labyrinthe végétal ou un bateau gonflable sur une rivière déchainée , c'est toujours l'aventure avec Indiana Jones!

La quête des différents artefacts utiles pour vaincre Marduk, dieu Babylonien pas très commode, vous conduira au quatre du monde, comme de juste. Mésopotamie, les îles Palawan, le Mexique, les montagnes du nord de la Chine…un vrai catalogue des différents biomes terrestres. Ce qui permet de parcourir un éventail de décors sans jamais avoir une sensation de véritable doublon visuel. Au terme de chacun des ‘grands lieux’ vous trouverez donc l’un de ces fameux artefacts aux capacités extraordinaire (chut !) mais aussi un Boss que vous devrez terrasser plus par votre astuce que par votre arsenal.
Parlons-en, de votre paquetage, tant qu’on y est. Outre les traditionnels objets de soins (trousses de premiers secours et autres plantes médicinales) vous aurez aussi un zippo pour vous éclairer dans les endroits sombres et une craie pour marquer votre passage (et faire des dessins rigolos). Et bien entendu le fouet, inséparable du Docteur Jones. Coté létal, vous serez d’abord muni du revolver auquel s’ajoutera très vite tout un panel de choix, récupéré sur vos victimes. Pistolet automatique, Luger, fusil, mitraillette, fusil à pompe et même lance-roquette. Croyez moi vous aurez de quoi vous défendre face aux hordes communistes qui se mettront sur votre chemin. Veillez toutefois à n’en user qu’avec modération, les munitions n’étant pas infinies (et contrairement à Tomb Raider, uniquement récupérable sur les ennemis tombés au combat. Vous ne trouverez pas de cartouches à grenailles dans un vase antique de ruines oubliées…). Last but not the Least, la machette, qui se révélera bien utile à maintes occasions.

 Votre besace et votre caboche vous seront bien utile pour traverser ces territoires hostiles.
Plus haut, en médaillon: la malle de voyage de Sophia Hapgood. Je laisse à votre sagacité le soin de déterminer ce qui me permet de tirer une telle conclusion.

Mais on ne croise pas que de braves soldats fidèles à la Mère Patrie lors de nos explorations. Araignées, scorpions, hyènes, léopards, requins, piranhas, loups et serpents (!) vous mettront des bâtons dans les roues lorsque vous arpenterez les couloirs déliquescents de temples en décrépitude. Et la faune hostile saura vous faire mal si vous n’êtes pas vigilant, alors gare ! À ce bestiaire déjà redoutable vient s’ajouter quelques créatures fantastiques qui là aussi causeront pas mal de dégâts à la moindre occasion en leur faveur. Prudence, observation et écoute seront vos alliés pour repérer tout ces animaux qui ne rêvent que de vous croquer.

 On traverse des décors très variés au cours de ce périple aux quatre coins du Monde

Des alliés justement, Indy en possède au cours de cette histoire. Tout d’abord la déjà évoquée Sophia Hapgood, que les fans connaissent pour son apparition dans le très bon  ‘Click ‘n’ Play’ « Le Mystère de l’Atlantide » où elle faisait déjà montre de ses talents ‘surnaturels’ et surtout de son caractère bourru. Passé de conférencière mystique à agent du gouvernement, elle est sous les ordres de Simon Turner, caricature de l’agent de la CIA, patriote jusqu’au bout des ongles et avec ce coté vicelard visible à des kilomètres. En antagoniste nous n’avons donc plus les nazis mais les communistes, période après-guerre oblige. En chef de file des sbires à la solde de la Faucille et du Marteau, le Dr. Gennadi Volodnikov, physicien très intéressé par le concept des dimensions alternatives, et qui pense trouver dans le culte de Marduk – et surtout ses puissantes reliques - de quoi dominer le monde. Il est cependant intéressant de noter que les alliés et les ennemis s’inversent au cours du récit, Turner trahissant Indy et se servant des capacités de Sophia pour mettre la main sur les machines ancestrales afin de tout ramener au gouvernement US ; là où Volodnikov se révèle être dans la recherche pure et la compréhension de force qui il le sait le dépasse. Nous avons ainsi une pirouette assez peu habituelle pour une histoire d’Indiana Jones (et ses antagonistes systématiquement réduit en cendres) qui se termine cette fois-ci par une main tendue entre le communiste et le capitaliste lors de la séquence finale. L’air de rien la symbolique et le message distillé est loin d’être anodin et plus habile qu’on ne pourrait le croire de prime abord.

Sophia, le jeune mineur (dans les 2 sens du terme) et Volodnikov. Version concept-art en haut et de pixel en bas.

 « C’EST INTOLÉRABLE ! »

Bien que le jeu révèle de bonnes surprise ici et là, il n’en reste pas moins un titre sorti il y a plus de vingt ans maintenant…et cela se ressent surtout au niveau de la jouabilité très abrupte. C’est sur que cet Indy 1999 n’a pas la dextérité d’un Nathan Drake 2016 ! Rigide dans ses animations, lourd dans ses déplacements, Sauts au millimètre, mimétisme d’un 35T quand il doit se tourner ou reculer (changer de cap quand on est sous l’eau est une gageure…). Encore une fois c’est simple : penser à Tomb Raider version Playstation, on est au même standard de gameplay. Ça a son charme avec ce coté ‘brut de pomme’ mais c’est rude au vu des maniabilités proposées désormais.

 Les fantassins communistes vous attendront au moindre tournant. Restez sur vos gardes!

Autre point noir, et qui là fait clairement de ce ‘Machine Infernale’ un produit inférieur à ses homologues de l’époque mettant en scène l’aristocrate british, il n’y a aucune cinématique de toute l’aventure. Les scénettes sont réalisées à partir du moteur du jeu, ce qui certes permet une continuité visuelle mais en contrepartie ne permet pas une mise en scène très évoluée dues aux limitations techniques. L’ensemble manque vraiment d’épique, de scène forte et /ou iconique. Quelques plans sortent du lot mais on est loin de la scène de l’ascenseur quand Lara va fouiller le bureau de Natla par exemple. Est-ce une volonté des développeurs pour mieux avoir une cohérence graphique sur la totalité de l’aventure ou alors un manque de temps et de moyens ? Allez savoir…

Simon Turner dans le jeu et tel qu'il fut imaginé à la base. Il ya un certain décalage et un manque de finesse évident dans la modélisation des personnages en 3D. Au passage précisons que le jeu n’existe pas vraiment en ‘Europe’. Il est visiblement sorti sur PC de manière assez confidentielle dans nos contrées et la version N64 elle n’existe qu’outre-Atlantique.

Mais ce qui est de loin le plus agaçant du jeu, c’est cette notion d’empoisonnement. En effet, les araignées scorpions et serpents, dès lors qu’il vous touche vous injecte un poison qui draine constamment votre jauge de vie. Heureusement il existe des antidotes via soit les plantes soit les kits anti-poisons mais votre stock n’est pas intarissable. Et quand vos poches sont vides et que vous êtes sous l’effet nocif du produit mortel, vous n’avez qu’a tenter de finir le niveau en vous carapatant un maximum. Il ne faut donc pas hésiter à acheter un stock conséquent d’anti-venin lors du tableau d’achat/vente présent entre chaque chapitre. En effet, vos mésaventures vous permettent de dégoter quelques trésors cachés qui peuvent se vendre contre du matériel (soins, munitions…) dans cet indispensable marché virtuel. Il existe 10 trésors cachés par niveaux, et tous les obtenir permet d’amasser une vraie petite fortune (qu’il faut donc investir en priorité dans les contrepoisons).

 Avions-nous besoin de nous casser les ailes pour dissimuler nos quelques piécettes?

Pour finir, le jeu à connu un nombre incalculable de plantage lors des chargements, mais cela doit venir autant du PC que de la vieillesse du soft. Ce n’est donc pas un défaut que j’impute directement au titre car pour le coup la Machine Infernale pourrait bien être mon ordinateur personnel. Mais ces plantages quasi-systématiques furent extrêmement agaçants tout de même.

Un temple sacrificiel fort accueillant

~€~

« Indiana Jones et La Machine Infernale » n’est pas ce qu’on appelle un indispensable du jeu vidéo, c’est indéniable. Mais les fans de l’archéologue retrouveront leur personnage favori dans une aventure fidèle et tout de même pleine de surprises tandis que les amoureux des jeux d’exploration à la Tomb Raider époque Core Design tenteront l’aventure pour y retrouver un gameplay désormais disparu, qui date du début de l’ère de la 3D. Si vous dépassez ce statut de vieille relique d’antan, vous parcourrez une aventure rugueuse mais plaisante, faisant appel à votre dextérité et à votre capacité d’analyse de l’environnement. De plus certains passages on le mérite d’apporter une fraîcheur coté jouabilité, notamment le niveau sur la rivière en raft qui vous fera faire des crises de nerfs mais qui reste assez unique dans le genre. Au global, l’expérience est agréable, et apporte une note de nostalgie quand on compare aux titres qui sortent actuellement. Que de chemin parcouru !

 

Un dessin préparatoire de toute beauté

Bonus :
Ma collection ‘Indiana Jones’ au grand complet. Elle est assez exhaustive mais il y manque une pièce maîtresse : le coffret ‘Young Indiana Jones’ difficilement trouvable ou alors hors de prix sur le net.

On y trouve pêle-mêle des VHS, des comics, toute une série de romans, des jeux, des manuels, un chapeau officiel...le tout est classé par ordre chronologique, d'où une certaine pagaille dans le rangement.