Cela fait maintenant une dizaine de jours que j'ai terminé Bioshock Infinite, et enfin, je trouve un peu de temps pour écrire ce billet. Beaucoup de choses ont déjà été dites (et bien dites) par d'autres bloggeurs sur ce jeu, et surtout sur l'explicitation de sa fin. Dans une volonté de ne pas spoiler, ou du moins, le moins possible, je n'irai pas aussi loin de les explications de l'histoire. Et vous verrez qu'il y a déjà bien assez à dire sans spoilers !

C'est donc l'heure du bilan pour ce jeu que j'attendais avec la plus grande impatience. Comme je l'ai déjà expliqué, Bioshock premier du nom a autant été une source de réflexion idéologique qu'une perle vidéoludique à mes yeux. J'attendais donc d'Infinite une ville, un monde aussi travaillé qu'improbable, une ambiance sombre et fondée sur la critique sociale, mais surtout une histoire, mature et violente. Bioshock était très fort sur les 2 premiers points, moins sur le dernier. Au final Bioshock Infinite est fondé sur un autre équilibre, plutôt axé sur le monde et l'histoire, et moins sur la critique sociale.

 

Mais rentrons dans le vif du sujet en commençant parce ce qui vaut clairement le détour dans ce jeu.

Commençons par le premier gros point fort du jeu, celui qui saute aux yeux dès le début : la direction artistique.

Ken Levine, et son équipe ont réussi le pari de proposer quelque chose de radicalement différent de Rapture. La Rapture sombre et claustrophobique est remplacée par une ville souvent baignée de soleil, infiniment belle et aérée. Là ou Rapture était en ruine et respirait la mélancolie, la tragédie de l'utopie déchue, Columbia apparaît vivante, encore au sommet de sa gloire, même si l'on devine qu'elle va à sa perte. Comme je le disais dans mes premières impressions, on passe les premières heures du jeu à déambuler dans une ville qui est encore belle, encore heureuse, ce qui change tout. Bien différent du style Art Déco de Bioshock, le style Art Nouveau ici nous plonge dans une Amérique idéalisée du début du siècle. Les décors des différentes zones que vous explorerez seront simplement somptueux, avec un sens du détail qui frise la pathologie, alors même que le jeu n'est pas renversant techniquement. On garde tout de même cet esprit de « réalité parallèle » qui comme à Rapture veut que la cité a évolué coupée du monde, d'ou cette ambiance steampunk délicieuse et pleine de trouvailles géniales : Mon dieu que j'adore les robots Washington ou les Zeppelins gigantesques. Et là est tout l'exploit d'un jeu Irrational Games sur tous les autres FPS : le fond structure la forme.

 

Du début à la fin, la DA vous en mettra plein la tête

Et là je ne vous parle pas de la musique. Si elle ne marquera peut-être pas autant que celle de Bioshock, n'ayant pas ce côté mélancolique et triste, j'en garderai tout de même un excellent souvenir. Certains moments clefs m'auront quand même marqués, comme l'attaque de Monument Island ou j'ai littéralement eu des frissons tant la musique accompagnait bien l'action.

Le grand atout de cette DA, c'est qu'elle rompt en tout point avec celle de Bioshock. J'ai aimé parcourir les ruines de Rapture ou transpirait le rêve déchu d'un idéaliste devenu tyran. Et pourtant, j'ai tout autant aimé parcourir les rues encore pleine de vie d'une ville érigée en modèle de l'Amérique telle qu'elle se conçoit au début du XXe siècle : Blanche, croyante, messianique.

 

La musique du Songbird est probablement une des plus marquantes : Percutante, stressante, violente, elle personnifie à la perfection la "bête"

De mon point de vue, la deuxième grosse réussite reste l'histoire. Tout d'abord, Booker DeWitt, notre héros, n'est plus muet ! Et ça, ça change beaucoup de chose par rapport à Bioshock ou le mutisme du héros cassait un peu la mise en scène par moments. De même, si j'avais adoré la narration de Bioshock, sa critique sociale de l'individualisme randien et surtout le personnage d'Andrew Ryan, j'étais aussi le premier à dire que, passée la mort de Ryan, le scénario devenait vraiment foireux. C'est là que réside le vrai progrès de Infinite sur Bioshock : Une histoire passionnante jusqu'à la fin. L'histoire commence pourtant de manière assez classique. On comprend que Booker DeWitt est envoyé sur Columbia pour récupérer une fille avec pour seule explication : « Bring us the girl, and we'll wipe away the debts ». Bon dès la scène d'intro (qui réussi le défi d'être aussi « WOW » que celle de Bioshock), on sent qu'il va y avoir un retournement de situation à un moment ou un autre. On commence à être habitué au Bioshock, et le cliffhanger à la fin fait partie du cahier des charges. Et pourtant, le rythme est assez bien amené, les informations suffisamment mystérieuses pour qu'à la fin, boom, on se prend un truc en pleine tête, et on ne l'a pas vu venir.  Je ne dirai rien de plus pour ne pas spoiler, mais sachez qu'à la fin j'étais vraiment en admiration devant le travail de Irrational Games.  Pour moi, c'est LE point fort du jeu, parce qu'il fait bien mieux que Bioshock, mais aussi parce qu'il réussit à nous surprendre alors même qu'on sait pertinemment qu'il va y avoir un bouleversement de situation.

 

Les "tears" : Ces ruptures de l'espace-temps sont au centre du scénario génial d'Infinite 

La relation avec Elizabeth est bien sûr le pilier de cette histoire. Comme je l'expliquais dans mes premières impressions, on rencontre ce personnage après une longue mais passionnante  introduction qui nous fait comprendre toute son innocence et son isolement. En plus d'être un personnage bien casté, bien doublé, elle est vivante sans jamais être envahissante. L'IA que nous avait vendu Ken Levine est en effet travaillée à la perfection, la jeune femme vacant à ses occupations de manière naturelle quand on ne fait rien. Elle vous indique les objets que vous auriez pu louper, vous jette des munitions et du « salt » (la mana du jeu) quand elle en trouve, fait des commentaires appropriés suivant les situations : Bref Elizabeth est un des meilleurs side-kick qu'il m'ait été donné de voir dans un jeu vidéo. Mais en plus d'être parfaitement bien pensée, elle est le sujet principal de l'histoire extraordinaire du jeu, notamment grâce à sa capacité à ouvrir des « tears », ces failles spatio-temporelles qui parsèment Columbia. Plus qu'un personnage secondaire, Elizabeth est vraiment un deuxième personnage principal à part entière. Je pourrais en parler des heures tant j'ai aimé ce que Levine et son équipe ont fait de ce personnage, aussi émouvant qu'utile.

Elizabeth est un des meilleurs personnages de jeux vidéos que j'ai pu voir, autant scénaristiquement qu'en termes de gameplay 

Mais Bioshock Infinite n'est pas parfait, non. Même si le jeu est en très bonne voie pour devenir mon GOTY, je ne peux pas éluder certaines errances, tant au niveau du gameplay qu'au niveau du message philosophique sous-jacent.

Prenons d'abord le gameplay. C'est du Bioshock mais en mieux. C'est plus nerveux, certains pouvoirs sont bien sympas (les corbeaux, le jet d'eau qui expulse les ennemis,...), et les interactions avec Elizabeth sont bien utiles (elle peut faire apparaître entre autres un baril de munitions, ou un robot Washington, ou simplement un mur pour se mettre à couvert), mais ce n'est pas le cœur du jeu. J'ai même pu noter une profonde incohérence (à mon sens) avec le monde développé puisque la ville est parsemée de « vigors », les pouvoirs que vous récoltez, mais à part quelques ennemis thématiques (membre de l'ordre du corbeau, « pompiers », ...) personne ne les utilise à part vous ! Dommage aussi que les rails qui traversent la ville, et qui offre tout de même de bonnes sensations, ne soient pas mieux utilisés dans le game design. Il y a de belles « arènes », mais justement pas assez, et je m'attendais à plus de batailles sur rails. Enfin, j'ai noté, comme d'autres (Seblecaribou pour ne pas le citer) que certains ennemis étaient trop déséquilibré et devenait assez agaçant à combattre. Les Handymans, en plus de ne pas être assez exploités artistiquement parlant, sont une plaie à combattre tellement ils sont ouvertement trop résistant et trop rapides. Les quelques combats contre eux sont très souvent synonymes de morts nombreuses et rapides. Cependant soyons clair, Bioshock Infinite est un jeu sur lequel on prend beaucoup de plaisir à jouer en termes de gameplay pur. Ce n'est néanmoins pas un point que j'attendais au tournant sur ce jeu, et  très clairement, il n'y a rien de révolutionnaire dans son approche du FPS.

Le gameplay est nerveux, plaisant, mais aurait gagné à approfondir certaines idées comme les "skyways" 

Mais, au final, ce qui m'a le plus déçu, mais qui n'empêche pas l'immense qualité du jeu, c'est la critique sociale et politique qui est, je trouve, infiniment moins marquante que dans le précédent Bioshock. Parce que oui j'ai adoré Columbia, j'ai surkiffé la foultitude de détails politico-historiques détournées (Faire de John Wilkes Booth un héros, c'est énorme), et la critique évidente d'une société fondée sur la religion, mais clairement, on est loin du premier Bioshock intellectuellement. Je trouve que certains détails ne sont pas assez mis en avant comme par exemple la philosophie qui a amené à construire la ville. La critique de l'individualisme Randien via la figure d'Andrew Ryan, comment il a pensé, et voulu Rapture, comment son rêve s'est auto-détruit, et surtout le charisme de « bad guy » : Tout ça m'a profondément secoué intellectuellement, à telle point que j'ai lu le livre d'Ayn Rand qui a été à l'origine du jeu. Dans Infinite, je n'ai pas retrouvé cette curiosité après avoir fini le jeu. Attention, la critique politico-sociale est bien présente : Religion, racisme, messianisme, tout est bien là, et toujours assez bien amené. N'allons pas dire que c'est râté : Bioshock Infinite est intellectuellement plus profond que la plupart des FPS de ces dernières années. Je l'ai seulement trouvé moins marquant, peut-être parce que les thèmes évoqués ne m'ont pas fait vibrer. En tout cas, Infinite vous marquera intellectuellement plus par son scénario que par ses thèmes politico-sociaux.

Toute la critique politico-sociale du jeu peut-être résumée dans cette superbe affiche de propagande

Ceci étant dit, pour l'honnêteté intellectuelle de ma vision du jeu, il n'en demeure pas moins que j'ai vraiment adoré ce jeu, au moins autant que Bioshock. Loin d'être un ersatz du premier opus, il vous marquera bien autrement. Certes j'ai moins été bousculé et intrigué intellectuellement parlant, mais le scénario, incontestablement plus fort que celui de Bioshock, suffit à lui seul à justifier l'achat du jeu. Ajoutez à cela un des mondes les plus beaux, les plus bien pensés, les plus inspirés, et vous obtenez un voyage passionnant dans ce qui est sans doute un des jeux de l'année, si ce n'est LE jeu de l'année.

 

Les plus

+ L'histoire extraordinaire

+ Columbia, steampunk, belle, vivante

+ Elizabeth, plus qu'un simple personnage secondaire

+ Gameplay nerveux

+ Encore

 

Les moins

- Philosophiquement moins marquant que Bioshock

- Quelques idées de gameplay pas poussées assez loin

-.... non je vois pas