Avis très personnel contenant quelques spoilers. Vous voilà prévenus.

 

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J'aime dire que je joue à GTA comme à un RPG. 

 

Je me plonge dans l'univers du jeu et j'en explore les moindres recoins. J'observe en détail les affiches de films, les couvertures de magazines ou les emballages dans les rayons de 24/7. J'écoute les émissions de radio talk-show jusqu'à les connaître par coeur et je passe un temps fou à me promener à pied, en écoutant les conversations des passants ou en profitant du paysage et - dans le cas de GTA V - de l'exceptionnelle ambiance sonore (avec un casque sur les oreilles pour une immersion totale). Et pourtant, alors que j'étais en passe de compléter à 100% cette nouvelle aventure à Los Santos, je ressentais comme une légère déception sans pouvoir finalement en définir les raisons.

 

L'aurais-je trop attendu ? 

 

Parfois il est bon de s'arrêter de jouer, de prendre un peu de recul et de laisser mûrir son jugement. Et c'est exactement ce que j'ai fais avec GTA V. Le jeu est retourné dans son boîtier collector et pendant plusieurs jours, je n'ai pas remis les pieds dans l'état de San Andreas. Et avec le temps, j'ai fini par réaliser que l'un des aspects qui m'avait le plus déçu était celui que j'attendais avec la plus grande impatience : les braquages !

 

 

Car il faut savoir que les braquages et moi, dans GTA, c'est une longue histoire d'amour. Une véritable tradition. Souvenez vous... GTA III commençait par un braquage qui tourne mal. Le point de départ d'une longue aventure. 

 

Un peu plus tard, Joey Leone nous offrait enfin l'opportunité de nous adonner aux joies du grand banditisme en participant à une attaque de fourgon blindé et en jouant les chauffeurs pour une bande de truands s'attaquant à la Bank of Liberty de Chinatown. 

 

Mais c'est en 2002 avec GTA Vice City que mon fantasme devint réalité : le hold-up de El Banco Corrupto Grande ! Dans la peau de Tommy Vercetti, il fallait recruter ses complices (Cam Jones le perceur de coffres, Phil Cassidy le gros bras et Hilary King le chauffeur), immobiliser les gardes ou les employés récalcitrants, tenir tête à la police puis prendre la fuite, bref, tout ce qui m'était inaccessible avec son prédécesseur ! Le pied total. 

 

 

Puis vint le fameux GTA San Andreas, première incursion dans cette gigantesque parodie de la Californie et nouvelle aire de jeux pour les gangsters en herbe qui, après les braquages d'un Liquor Store, d'un PMU et d'une petite banque de campagne, pouvaient carrément dévaliser un casino ! 

 

Avec GTA IV en 2008, le braquage de la Bank of Liberty restera à jamais gravé dans ma mémoire. J'avais l'impression de revivre le casse de Robert De Niro et son équipe dans Heat de Michael Mann. Épaulé par Packie McReary et sa bande d'irlandais hors la loi, j'affrontais les forces de l'ordre à coups de M16 dans les rues de Liberty City puis m'échappais dans les tunnels du métro, un sac débordant de billets verts dans le dos. Quelle tension ! Comme dans Vice City, je me souviens avoir toujours conservé une sauvegarde spécialement dédiée afin de pouvoir rejouer la mission à volonté.

 

 

Dès les premiers trailers, GTA V promettait d'incarner cette fois - non pas de petits criminels ou de vulgaires mafieux - mais de véritables braqueurs de banque !  Et à l'instar de son ancêtre GTA III, ce nouvel épisode commence par un hold-up qui tourne mal. La boucle est bouclée. 

 

Oui mais voilà, sur 69 missions principales... les braquages sont au nombre de six ! Et encore, si l'on retire de la liste ceux qui n'ont aucun rapport avec ce que l'on considère communément comme "un vrai braquage", ils ne sont plus que quatre : une bijouterie, un fourgon, une petite et une grosse banque. C'est tout. Avec leur relative facilité, la sélection finalement très restreinte de complices et les options d'approche peu nombreuses... mes rêves les plus fous s'évanouissaient peu à peu. 

 

À l'image d'un PayDay 2, je me voyais déjà en train de dévaliser d'autres bijouteries, de cambrioler les luxueuses villas des collines de Vinewood, de dérober les toiles et sculptures du Kortz Center ou de percer des coffres forts au sommet des plus hautes tours de Downtown Los Santos pour m'emparer de diamants rares, tel James Caan dans Thief (toujours de Michael Mann). À part piquer 250$ dans la caisse d'une station service, Franklin, Michael et Trevor ne pourront pas braquer grande chose... j'en aurais bien voulu un peu plus. Mais le manque de braquages n'est pas l'unique raison de cette désillusion. Loin de là... 

 

Selon moi, l'histoire de GTA V manque cruellement d'enjeux et de personnages secondaires marquants !

 

Fidèle à la tradition, Franklin Clinton débute au bas de l'échelle sociale. Un jeune afro-américain qui semble n'avoir trouvé que la délinquance comme porte de sortie. À l'opposé de Michael qui aime fumer le cigare au bord de sa vaste piscine, Franklin vit chez sa tante Denise dans les quartiers chauds de South Los Santos. Un postulat propice à gravir les échelons de la hiérarchie du crime et devenir, peu à peu, un gangster craint et respecté de tous. Sauf que son ascension est pratiquement instantanée ! 

 

Finalement, à part voir grossir mon compte en banque et poursuivre le scénario, à quoi bon enchaîner les missions et risquer ma vie ? Acheter une autre voiture ? Acheter deux autres voitures ? Et après ? Tanisha, son ex-petite amie et grand amour de sa vie, ne reviendra pas pour autant. "I don't care how many cars you own, you ain't changin' !". Elle avait donc raison. 

 

Une impression générale de stagnation partagée entre les trois personnages. Trevor n'a pas grand chose à perdre non plus et, à l'exception de sa famille qui s'éclipsera l'espace de quelques heures de jeu, Michael s'en sort à peine mieux. J'avais beau lui faire passer un maximum de temps avec sa femme Amanda, elle finirait par le quitter quoi qu'il arrive. Et pourquoi amasser toujours plus d'argent et de propriétés ? Michael possède déjà l'une des plus belles maisons de Los Santos et Trevor restera éternellement le même psychopathe crasseux que l'on ramassera saoul dans une poubelle ou vagabondant en slip au bord de l'autoroute. 

 

 

Alors pourquoi braquer des banques ? Pour acheter des armes ? Elles vous sont offertes à chaque mission. Pour jouer toujours plus à la bourse ? Avec un placement judicieux appuyé par des événements pré-définis, vous gagnerez des millions de dollars en l'espace de quelques jours. Pour le plaisir alors ? C'est un peu maigre. 

 

À aucun moment je ne craignais de perdre tout ce pourquoi j'avais sacrifié tant d'heures de jeu ! Jamais à court d'argent, jamais vraiment en danger face à la police et jamais réellement menacé par un quelconque antagoniste. Un sentiment général de sécurité, d'impunité, voir d'invincibilité. À aucun moment, je ne me suis senti en danger. 

 

Lorsque par un pirouette scénaristique forcée, Michael se retrouve à la solde du cruel narco-trafiquant mexicain, Martin Madrazo, je me voyais déjà devoir accomplir toutes ses basses besognes dans l'espoir d'un remboursement évidemment impossible et qui se solderait par un affrontement inévitable. Sortir de la retraite, braquer des commerces, risquer ma vie et mettre mes proches en danger... que nenni. Une fois la bijouterie détroussée, monsieur Madrazo disparait, tout comme la menace qu'il représentait pour le joueur. 

 

Le problème, c'est que les "méchants" ne sont pas si "méchants" et qu'ils ne représentent une menace que dans certaines missions bien spécifiques au dénouement couru d'avance. Et d'ailleurs, qui sont les "méchants"  de GTA V ? 

 

Vaguement Steve Haines et Devin Weston... Face à Dimitri Rascalov, à l'officier Tenpenny, à Catalina et son armée de Colombiens à la gâchette facile, aux trahisons de Big Smoke ou de Sonny Forelli, c'est bien peu de chose. Trevor se met à dos de puissants gangsters chinois ? Ils ne réapparaîtront qu'à la toute fin du jeu. Les trois héros menacent les intérêts économiques du groupe militaire privé Merryweather ? Quelques fusillades et le problème sera vite réglé. Le scénario de GTA V est finalement plus linéaire qu'il n'y parait. 

 

Autrefois, je tenais vraiment aux personnages secondaires et j'étais ravis de pouvoir en apprendre plus sur leur histoire au fil des différentes missions, ou en allant simplement boire un verre avec eux dans le cas de GTA IV (bien que l'on connaisse les dérives de cette option). 

 

Et où sont les Sweet, Toni Cipriani, Donald Love, Truth, Roman ou Little Jacob ? Où sont les Colonel Cortez, Luigi Goterelli, Wu Zi Mu ou Yusuf Amir ? C'était presque un plaisir que de jouer les larbins pour eux. Dans Red Dead Redemption, le GTA du Far West, John Marston rencontrait l'admirable Bonnie MacFarlane dès le début de l'histoire. Un personnage féminin attachant et admirablement bien écrit. Cette foule de personnalités fascinantes et charismatiques que j'appréciais tout particulièrement ne trouve pas son équivalent dans l'univers de GTA V. Lamar ou Jimmy peut être... Wade est plutôt drôle mais presque insignifiant... Tout comme ce couple de retraités britanniques obsédés par les vedettes. Et vous, quel personnage secondaire vraiment marquant retiendrez vous dans GTA V ? Pour ma part, aucun. 

 

 

Avec Amanda, Michael ne pourra que se saouler dans les bars ou jouer au tennis... tu m'étonnes que leur couple batte de l'aile. Impossible d'aller au restaurant ! Impossible aussi de manger un morceau au Burger Shot du coin avec un ami ou d'acheter un hot-dog à un vendeur itinérant aux abords de Vespucci Beach. C'est bien beau de pouvoir faire des courses de moto dans le désert ou de sauter en parachute du haut d'un avion, mais autrefois les activités simples et  banales du quotidien - comme jouer au bowling, disputer une partie de poker ou danser - suffisaient à décupler l'immersion lorsqu' elles étaient partagées avec un être cher. 

 

D'autant que, à part vous promener un peu et sauvegarder la partie dans l'appartement de Flyod, vous n'aurez pas grand chose à faire à Vespucci Beach. Ni même à Vinewood, à Downtown où à Little Seoul.

 

 

Comprenez moi bien, j'ai adoré ce retour à Los Santos. Je ne cherche nullement à faire le procès de GTA V. Au contraire, j'y ai vécu des moments extraordinaires et je suis heureux que la sempiternelle formule des "trois îles" et du personnage qui démarre au bas de l'échelle ait évolué. Aussi, sachant (avec quasi certitude) que l'univers du jeu sera prochainement étoffé par l'arrivée d'extensions, je croise les doigts pour que Rockstar corrige ces quelques faiblesses que je tenais à souligner. 

 

Alors quelle sera la prochaine étape ? 

 

Une héroïne ? J'aimerais beaucoup ! Un retour des mafia ? Sachant que Los Angeles comporte une forte communauté japonaise et que personnellement j'espérais la présence de Yakuza dans le scénario, je ne dirais pas non. Plus de braquages ? C'est une évidence ! Un gang de surfeurs pour une version blonde et bronzée de The Lost and Damned ? Et pourquoi pas ! Le surf est un élément absolument indissociable de la vie californienne (et j'en sais quelque chose). Point Break, les masques, références au cinéma, tout ça, tout ça... Je me verrais tout à fait arpenter torse nu les allées piétonnes de Vespucci Beach, recouvert de tatouages tribaux et arborant mon plus beau short acheté chez SubUrban. Une planche de surf à la main, un fusil à pompe dans l'autre... ou alors une glace. 

 

Avec les jeux Rockstar - et c'est sans doute leur plus grande force - on peut tout imaginer.