Dans ma volonté de parler plus des
jeux, je m'essaie à une rubrique, Level up, comparant les jeux à leurs suites.
Orientée game design pour suivre le thème du blog, cette rubrique reviendra
ainsi sur les choix des développeurs, les changements effectués, ce qui reste
tel quel, comme révélateurs des forces et des faiblesses des jeux, ainsi que
l'impact sur l'expérience du joueur. Pour commencer, quoi de mieux que de
s'intéresser à la saga GTA, dont le dernier rejeton Red Dead Redemption a
bousculé certains codes ? Et dans l'optique de rester lisible et de ne pas trop
survoler le sujet, je prépare plusieurs articles distincts, à commencer par un
regard sur les mondes proposés dans GTA IV, ses extensions et Red Dead
Redemption. Rassurez vous, c'est tout de même mon article le plus long ^^.


Le mythe
Les développeurs, dans un choix osé
mais éclairé, ont décidé de drastiquement revoir à la baisse la dimension de
leur monde ouvert pour GTA IV. Adieu l'état de San Andreas, ses trois villes,
sa montagne, son désert et sa campagne. A la place, un monde moins étendu,
moins varié et plus homogène, mais aussi plus cohérent et tout aussi riche que
son prédécesseur. S'inspirant de la capitale du monde, la ville que tout le
monde connait même sans y avoir mis les pieds (merci l'impérialisme culturel
américain ;)), le terrain de jeu de cet épisode se base donc sur l'emblématique
New York.
On y retrouve donc la majeure partie des lieux iconiques de la
mégalopole, ses grands monuments comme la statue de la Liberté, l'Empire State
Building, le pont de Brooklyn, mais aussi des vignettes restituant l'atmosphère
des différents quartiers. Les barres d'immeubles et les terrains de basket de
Harlem, le métro aérien et les docks, les échoppes de Little Italy et
Chinatown, les gratte-ciels de Time Square. Tous ces décors permettent de
jouer sur l'inconscient collectif, sur le mythe de la ville, profitant de
l'aura des films et séries célèbres s'y déroulant pour enrichir l'expérience.
Une fusillade au sommet de l'Empire State prend tout de suite une saveur
particulière et laisse forcément un souvenir marquant.
Le joueur se retrouve
donc en terrain familier, submergé de références et d'endroits intéressants à
découvrir et redécouvrir. Avant même de commencer à jouer, l'affect est
présent, la crédibilité est installée.

Et c'est là le premier point commun
avec Red Dead Redemption. Bien que se basant dans un cadre radicalement
différent, Rockstar a une fois de plus opté pour un mythe qui parle bien aux
joueurs, le mythe du Far West. Les grandes plaines, le désert, la mine, la
ville fantôme, le ranch, le saloon, tant de motifs qui offrent le décor parfait
pour réaliser les fantasmes nourris par une pléthore de westerns. Le moindre
duel au soleil dans la grande rue est habité d'un caractère vital, d'une
certaine grandiloquence. La tension s'installe bien plus efficacement que pour
n'importe quel meurtre commis banalement dans un jeu vidéo, grâce à ce contexte
sous-jacent hérité de la culture cinématographique populaire.
Cela supplée même
à la mise en scène qui reste le plus souvent bien discrète. Les jeux évitent en
effet les références directes ou trop appuyées, tentant plutôt de tracer leur
propre sillon, avec plus ou moins de succès.
Pour bien voir l'impact que cela peut
avoir, repensez à la ville d'inFamous, sans grande personnalité, qui peine à
produire un souvenir durable.


Richesse et densité
Les deux univers se démarquent
pourtant particulièrement sur d'autres aspects, en premier lieu, la façon de
"remplir" le monde. Avec deux modèles si différents, il n'est guère
étonnant de voir les jeux prendre des optiques si opposées. D'un côté, la
mégalopole de Liberty City, grouillante, fourmillante, oppressante, nous jette
à la figure des milliers d'immeubles, des centaines de devantures, des hordes
de voitures et de passants. Le monde est inquiétant, le jeu démarre d'ailleurs
de nuit, les phares du taxi de Roman éclairant à peine le dédale urbain dans
lequel se retrouve le personnage. On note aussi que les premières heures de jeu
se déroulent sous la chape du métro aérien ou du pont de Brooklyn, dans des
immeubles petits et crasseux.
Le nombre de rues, d'avenues, de quartiers est
simplement étourdissant, et même après avoir visité Liberty City à 3 reprises,
nombreux sont les joueurs qui la connaissent à peine. Tout concourt d'ailleurs
à ce gigantisme, avec les nombreux médias, stations de radios, télévision et
internet, qui témoignent d'un monde bien au delà des intérêts particuliers du
joueur. Les politiques débattent à la radio, on apprend l'histoire de la ville
avec les documentaires de la télé, entre deux émissions sur la vie des stars,
on trouve journaux, pubs et sites de rencontre sur internet : tout ceci
participe à noyer le joueur de toute part, le submerger de données. Navigant
dans la ville à 100 à l'heure, le joueur n'a pas le temps d'assimiler tout ce
contenu.
On note aussi que ce déluge d'informations peut parfois tromper le
joueur, qui est amené à croire qu'un grand nombre de magasins est visitable, en
raison des nombreuses devantures réalistes. Le caractère fictif du monde nous
est ainsi rappelé brutalement, la frustration est d'autant plus vive. Les
épisodes permettent cependant d'accéder à plus de lieux, exploitent des
quartiers laissés de côté, voire accentuent la verticalité de l'espace avec le
base jump et l'accent porté sur les hélicoptères, mais le monde ne change pas
radicalement pour autant.

A l'opposé, et assez paradoxalement,
le monde de Red Dead Redemption est beaucoup plus simple à appréhender, on s'y
perd beaucoup moins, malgré les déserts et les grandes étendues. La charge
cognitive est simplement bien moindre. Les quelques points d'intérêts, comme
les villages, ranchs ou repaires de gangs sont assez bien répartis sur la
carte, isolés, aisément identifiables. Le repérage est ainsi plus facile, le
nombre de chemins étant de plus réduit. Les régions désertes sont légions, et
l'esprit peut ainsi se concentrer entièrement sur l'horizon, le prochain
objectif, ou le voyageur éventuel croisé en chemin.
En un mot, le monde est
beaucoup plus accessible, plus compréhensible, et il est facile de se l'approprier,
d'en connaitre tous les recoins. L'envergure du monde, encore accentuée par la
lenteur relative des moyens de déplacement à disposition, est impressionnante
mais sa "taille utile" est réduite. L'espace est rationalisable,
comme un algorithme compresse un fichier. Liberty City a elle trop de détails
pour être compressée, pas le monde de Red Dead Redemption. La plus grande ville
du jeu est ainsi composée d'une poignée de rues, la plupart des autres points
d'intérêts sont juste qualifiables de hameaux.
Il y a proportionnellement plus
de bâtiments visitables que dans GTA IV (même si on est loin du 100%), mais le
bilan reste entaché par le manque de crédibilité de certains lieux. Torquemada
par exemple est censée être un grand bastion résistant et est ridiculement
petite, avec plus de débris pour se cacher qu'autre chose. Escalera est censé
être le chef lieu de la province mais se limite là aussi à une poignée de
maisons et un palais. Malgré tout, le jeu ne se résume pas qu'à des lieux
utiles, les grands espaces jouant bien leur rôle pour les balades virtuelles
immersives, et le jeu se paie le luxe d'inclure des lieux peu exploités comme
Las Hermanas par exemple.  Le fait de ne
pas épuiser exhaustivement l'intégralité de la carte permet en effet de gagner
en crédibilité.


J'aimerai d'ailleurs revenir sur ce
problème de richesse et de densité, et particulièrement sur la frustration des
joueurs de ne pouvoir visiter tous les bâtiments. Les mondes ouverts ont
toujours eu pour objectif implicite de reproduire le monde et de permettre le
maximum d'interactions possibles. Dans la vie de tous les jours cependant,
personne ne visite tous les bâtiments de son quartier, et c'est parfois à peine
si on connait son voisin. Les raisons incluent évidemment l'illégalité de s'introduire
chez les
gens à leur insu, les conséquences irréversibles d'enfreindre la loi,
ou plus prosaïquement le respect des bonnes manières. Les jeux doivent-ils donc
interdire sous ces prétextes de visiter tous les bâtiments ? Evidemment non,
les protagonistes des GTA s'encombrant généralement peu des lois, des
conséquences, sans parler des bonnes manières.
D'une part, même si persone ne
visite tous les magasins de sa ville, le fait est que si l'envie nous en prend,
on peut rentrer dans celui de son choix, et non seulement dans une poignée de
commerces prédéfinis. La meilleure réponse pour moi, est celle en partie
apportée par Yakuza et Shenmue : fournir tellement d'endroits visitables, sans
récompense particulière, pour que le joueur ait la possibilité à disposition,
si jamais l'envie lui prend, de s'y rendre, sans pour autant l'encourager à
agir de façon stupide. Personne ne visiterait méthodiquement toutes les
boutiques de New York.
Pourtant, avec un trophée à la clé, ou une récompense
perçue comme plus ou moins substantielle, nombreux seraient les joueurs à se
lancer dans cette vaine entreprise (combien d'entre nous ont ramassé des
dizaines de fleurs dans Red Dead Redemption ?). Un exemple de réussite dans ce
domaine est le pickpocket dans Assassin's Creed II, sur les passants ou sur le
corps des adversaires. Techniquement, on peut voler tout le monde, mais les
récompenses sont rapidement si inintéressantes que le joueur n'a aucun intérêt
à voler systématiquement les passants ou à dépouiller méthodiquement les
cadavres de ses adversaires (ce que je trouve assez glauque soit dit en
passant, mais qui reste un principe récurrent dans les jeux vidéo
malheureusement). Si toutes les maisons étaient visitables dans GTA IV, on s'en
émerveillerait quelques -longs- instants et puis on reviendrait rapidement à
jouer comme si seuls les bâtiments liés aux missions étaient explorables. A ce
titre, je suis persuadé que nombreux sont ceux qui ont tracé vers les colosses
dans Shadow of the Colossus, sans s'attarder plus que de raison dans le reste
du monde.
Le problème reste entier cependant, car l'argument économique est
aussi primordial dans ces décisions. Modéliser des centaines d'intérieurs
inutiles, uniquement dans un soucis de couvrir toutes les pulsions des joueurs
aurait un coût faramineux, demandez à Yu Suzuki. Cela obligerait à consacrer
des sommes encore plus importantes qu'à présent, alors que GTA IV et Red Dead
Redemption sont déjà les jeux les plus chers de l'histoire, ou à réduire encore
drastiquement la taille totale des environnements.
Sans parler de la double
frustration des joueurs et des développeurs : les développeurs frustrés de
créer du contenu que personne ne verra, les joueurs de ne pas tout voir (les
joueurs sont un peu compulsifs quand il s'agit d'univers virtuels, j'en veux
pour preuve que dans la "magnifique" Rapture, on passe la majeure
partie du temps à fouiller gravats, toilettes, poubelles et cendriers dans
l'espoir de trouver des chips ou des munitions dont on n'a que faire). Ce travail,
déjà fait au niveau des extérieurs, devrait être appliqué aux intérieurs pour
satisfaire les attentes irrationnelles des joueurs. Le prix à payer en vaut-il
la peine ?


Influence sur le scénario
Mais revenons à nos moutons. Cette
opposition de style entre sentiment de perte dans GTA IV, et sentiment de
maitrise de l'environnement dans Red Dead Redemption se traduit sur la
crédibilité de l'univers et la cohérence du scénario. La perte de repères du
joueur dans Liberty City est totalement en accord avec le scénario, celui d'un
immigré qui débarque dans une cité tentaculaire, et doit s'acclimater à son
nouvel environnement. Plus que dans d'autres épisodes, Niko n'est qu'un inconnu
dans la foule, nullement promis à jouer un grand rôle dans l'histoire de la
ville, comme pouvaient l'être Tommy Vercetti ou CJ, qui finissaient leurs
aventures dans les plus luxueuses demeures. Niko apparait donc comme un grain
de sable dans les énormes rouages de la ville.
C'est une posture assez
originale dans les jeux vidéo, plus habitués à nous proposer des super héros
sauveurs du monde, seuls acteurs de toutes les péripéties, mais cela reste une
posture particulièrement louable. On sacrifie les fantasmes de toute puissance
du joueur pour des gratifications plus simples mais pas moins satisfaisantes.
En reposant les pieds du joueur sur terre, Rockstar s'assure de la crédibilité
de l'univers, qui ne tourne plus qu'autour du seul protagoniste principal, mais
qui est doté d'une vie intrinsèque et indépendante. Même lors des missions
ultérieures, où les actions de Niko prennent de l'ampleur, on reste conscient
de n'avoir une influence que fugace sur la vie des autres habitants, à travers
quelques articles sur internet ou une mention rapide sur les radios.

Red Dead Redemption, quant à lui
déconcerte, par son indétermination (ou son incohérence, au choix) entre ces
deux positions. La taille des lieux au début justifie l'influence que peut
avoir Marston sur le monde : on n'a ainsi aucun mal à croire qu'un homme seul
puisse changer le destin d'un ranch ou d'une petite bourgade, a fortiori quand
il agit comme le principal adjoint du shérif local. Le jeu ne fait aucun
mystère qu'Armadillo est un trou paumé, et Marston a des ambitions bien
limitées. On conserve ainsi une influence du héros crédible, car restreinte, ne
serait-ce que géographiquement. Le temps nécessaire à la mise en place de
l'attaque de Fort Mercer corrobore cela, avec une préparation considérable pour
une action unique.
Tout se corse lors du passage au Mexique, avec l'immixtion
de Marston dans les affaires de l'état et de révolutionnaires. Les événements
improbables se succèdent sans sourciller, notre cowboy préféré en étant
invariablement la pièce maîtresse. Le jeu répète aussi à l'envi que le sort de
millions de personnes est en jeu. La province de Nuevo Paraiso telle qu'on la
découvre est pourtant en complète contradiction avec cela, abritant tout au
plus une cinquantaine d'habitations. Escalera, supposément le chef lieu, est
uniquement composée d'un palais et de quelques ridicules maisons. Torquemada,
présentée comme un bastion de la résistance, cache mal son design conçu pour
une unique mission, avec son petit bâtiment et ses nombreux murs en ruine pour
progresser. Impossible alors de croire aux mensonges du scénario.
Malgré cela,
le jeu parvient à ménager deux ou trois lieux extérieurs à l'histoire de John
Marston, comme Las Hermanas par exemple, pour ne pas rendre le personnage trop
omniprésent et seul moteur des événements.
De même, bien qu'il ait
significativement aidé l'armée dans la lutte contre Dutch, celle ci regagne un
semblant de crédibilité en arrivant logiquement à le tuer (après de très
lourdes pertes tout de même, faut croire qu'il n'est pas humain :/).
Enfin, si
la majeure partie du jeu se tire honorablement des problèmes de distances et de
dimensions, avec des transitions entre régions plutôt habiles et discrètes, la
cohérence est un peu gâchée à la fin. Malgré le discours de Marston, son ranch
est en effet bien peu éloigné de celui de Bonnie, les sommets enneigés sont
étrangement proches, et Thieves' Landing est constamment plongée dans une
obscurité interlope.


Progression imposée et utilisation de
l'espace

Pour accompagner l'exploration de
l'espace, aider à se familiariser avec les nouveaux environnements, les
développeurs optent pour une progression qui restreint les déplacements du
joueur, et ne dévoile le monde qu'au fur à mesure. 
Pour GTA IV, le personnage est d'abord
confiné à Broker et Dukes, puis Bohan, Algonquin et enfin Alderney
(correspondant respectivement à Brooklyn et le Queens, le Bronx, Manhattan et
le New Jersey). Ce rythme lent imposé, qui a probablement conduit certains à ne
rien voir au delà de la première île, est selon moi très inspiré. Loin d'être
nouveau, ce processus permet néanmoins de s'assurer que le joueur exploite le
monde qui est mis à sa disposition, qu'il gratte sous la surface des artères
principales pour connaître et s'approprier le monde en profondeur, à force
d'aller et venir dans les mêmes quartiers.
On peut ainsi parler d'un véritable
attachement aux endroits, ces lieux ou l'on vit. Que ce soit en mission, ou
lors des sorties, on arpente ainsi Broker régulièrement, particulièrement
autour de l'appartement et du garage de Roman, près desquels se trouvent les
missions de Vlad, Brucie et le cabaret de Mikhail. On est libres d'aller
ailleurs, mais on revient toujours dans ce quartier. Ainsi après l'incendie
dont sont victimes Roman et Niko, on est réellement touché. Le déménagement est
vécu comme un déracinement, et le scénario le reflète bien. 
Malheureusement, les choses dérivent
par la suite, et en l'absence de point d'attache clair, balloté que nous sommes
entre l'appartement de Mallorie à Bohan, celui de Playboy X à Northwood, ou l'hôtel
de Roman dans Middle Park East, on perd ce lien avec un quartier, et Niko perd
un peu de son identité au passage.

The Lost and Damned essaie de
réintroduire cet attachement à un quartier, en se basant cette fois ci à
Alderney. Un choix judicieux car le quartier est le moins exploité par
l'original et permet de développer un fil narratif unique. On dispose d'un QG
auquel on revient fréquemment. Néanmoins, je trouve la réussite de cette
entreprise assez partielle. D'une part, pour toutes les possibilités
apparemment offertes par le QG, je n'ai jamais senti la nécessité ou l'envie
d'y venir pour autre chose que sauvegarder. De plus, la durée de vie réduite
pousse le scénario à rapidement ne plus se cantonner à Alderney et l'on a moins
le temps de s'attacher à cette base.

The Ballad of Gay Tony emprunte une
voie un peu plus facile en situant l'action dans l'île préférée des joueurs, la
plus glamour, la plus fantasmée, Algonquin. Et malgré la bonne connaissance du
quartier et l'important passif narratif hérité des précédents jeux, on n'a
aucun mal à y intégrer Luis Lopez. Son appartement de Northwood, près de sa
mère, de ses anciens amis, leurs conflits non résolus, l'installent sans peine
comme un homme avec des attaches, un passé et un certain tempérament, ce qui
lui donne tout de suite une profondeur, une crédibilité et une humanité plus
que bienvenues.
D'autre part, son travail dans les boîtes de nuit, et
l'appartement de Gay Tony en centre ville étoffent encore le personnage, avec
des lieux récurrents que le joueur peut investir. Les missions au club, avec
leurs horaires précis, leur routine et leurs imprévus, permettent justement
cette temporalité si importante pour croire et s'attacher aux personnages.
Cet
épisode approfondit aussi l'espace de jeu, en repoussant la dernière frontière,
les airs, avec une prééminence de l'hélicoptère, du base jump, et des missions
sur le toit des buildings.

Red Dead Redemption est là encore mi
figue mi raisin. Reprenant le bon exemple de Gay Tony, le jeu s'ancre fortement
au début autour d'un noyau Armadillo/ranch de Bonnie. toutes les tâches du
joueur gravitent autour, les possibilités de travail, comme la surveillance du
ranch ou les primes obligent à revenir fréquemment sur les lieux, et donc là
encore, à se les approprier. Le tourisme loin de ce noyau est possible, et
encouragé par la chasse, les primes, les trésors et les missions dynamiques
comme les repaires de gangs, mais ce sont des distractions passagères et on
garde son domicile là bas, près de ses amis, comme le Marshal ou Bonnie.
Le
schéma se poursuit d'ailleurs jusqu'au Mexique, ou Chuparosa tient aussi
quelques temps ce rôle, grâce à Landon Ricketts. Mais Marston n'est pas chez
lui à Nuevo Paraiso, et on a rapidement plus d'attache. La vie sauvage et les
missions annexes moins présentes jouent aussi dans ce constat.
La dernière
partie à Blackwater n'arrange pas beaucoup les choses, avec un Marston clairement pas à sa place dans la ville, qui
parait étrangement factice pour l'homme des plaines, mais les grandes plaines
et la forêt permettent de redonner un sens à l'exploration. Le jeu se conclut
alors brillamment, rendant enfin à notre cowboy ses terres. L'attachement à son
ranch, le cours de la vie qui s'écoule au fur des missions quotidiennes nous
font aimer ce petit coin de terre. L'impact n'en est que plus fort lorsque la
fin arrive.
De manière générale, il est plus facile de s'attacher au monde de
Red Dead Redemption, qui est plus vivant, avec la faune et les missions
aléatoires, et qui se parcourt à vitesse plus raisonnable, en connexion avec un
être de chair et de sang, sa fidèle monture. Cela garantit un rapport plus
intime avec le monde.


Conséquences
Pour finir, un petit mot sur les
conséquences du joueur sur le monde. 
Les deux mondes ne portent que très
peu les traces des actions du joueur. Hormis le garage et l'appartement de
Roman, et la grange des McFarlane, aucune mission ne témoigne des actions du
joueur. Si, comme je lai déjà signalé, c'est compréhensible pour GTA IV ou le
joueur n'est censé être qu'un parmi la foule, c'est moins compréhensible que le
palais d'Escalera ne porte pas les traces du massacre qui s'y déroule. Le
système de réputation est peut-être censé y remédier, mais je n'ai pas trouvé
sa traduction en actes particulièrement sensible.
A tout le moins, on peut regretter par
exemple que certaines missions sanglantes de GTA ne donnent pas lieu à
l'intervention de la police, qui scellerait les lieux pour quelques jours in-game
avec les fameux rubans jaunes, avec pourquoi pas une horde de reporters
locaux  avides de faits divers macabres.
Pour l'instant on ne peut constater leur intervention qu'après coup, par les
journaux de Red Dead ou les sites internet et la radio dans GTA. Ma suggestion
n'est de plus qu'une illustration purement esthétique et scriptée des
conséquences du joueur, dépendant de son avancée dans les missions. La
rénovation progressive des bâtiments détruits serait une autre possibilité.
Voir un mémorial dans Middle Park à l'endroit ou on aurait commis un assassinat
d'une personnalité, avec un cortège de fans déposant ensuite des fleurs sur sa
tombe serait un puissant véhicule des conséquences de nos actes.

Conclusion
Liberty City et le monde de Red Dead
Redemption ont donc un certain nombre de caractéristiques communes, mais
l'évolution est tout de même notable sur certains points. M'ont
particulièrement plu les moments où l'on sent un lien se créer entre le
personnage et le monde. Les développeurs peuvent prendre conscience qu'il n'y a
aucun mal à revisiter les mêmes lieux, à donner le temps nécessaire pour que le
joueur pose ses bagages, se plaise à un endroit, pour que les émotions
provoquées lorsqu'on s'y trouve soient renforcées. La fuite en avant, la découverte
de nouveaux horizons à tout prix n'est pas forcément la meilleure perspective.
A noter également que les missions qui
permettent cet attachement, du travail de Luis à la boite de nuit, jusqu'au
dressage de chevaux ou la conduite d'un troupeau de bétail, n'ont aucunement besoin de
violence. Leur caractère non violent renforce la crédibilité du monde et des
personnages, et sont parmi mes moments favoris de ces jeux, où le lien
émotionnel s'est le mieux tissé.