Suite à une promotion récente sur le PSN, j'ai acheté Final Fantasy IX, afin de le finir à nouveau sur PSP. Avant de vous donner mon avis sur cette nouvelle partie, petite mise en contexte.

A sa sortie en 2001, je venais tout juste de recevoir une PSone, et j'avais un grand retard à combler niveau jeux vidéo après plusieurs années à "stagner" sur MegaDrive. J'étais à peine remis de la claque d'un de mes premiers achats, Final Fantasy VII, dont l'étendue et l'ambition narrative m'avaient laissé bouche bée. Après des années à acheter plus ou moins au hasard (avec un succès relatif), je commençais également à me pencher sur les publications spécialisées pour orienter mes dépenses. C'est ainsi que j'ai bavé comme beaucoup d'autres adolescents devant les screens hallucinants de Final Fantasy IX avant de lâcher les 400 francs de mon anniversaire pour ces 4 CD si prometteurs. Je ne fus pas déçu par l'esthétique léchée, par l'histoire mignonette et quelques passages mémorables : la course poursuite en aérocargo jusqu'aux portes de Lindblum, l'émerveillement perpétuel de Vivi, la mélancolie de Freya à Blumécia, etc. Ce fut une expérience partagée avec mon frère, à tour de rôles à la manette, ou en coopération dans les combats, et je me souviens encore de son émotion lors du final. Mais je me souviens également que la deuxième moitié de l'aventure était bien moins palpitante, avec des combats lents et trop fréquents qui plombaient certains donjons (que j'ai lâchement délégué à mon frère). Les années et les expériences s'accumulant, j'ai eu tendance à porter un regard de plus en plus critique sur cet épisode, pour sa simplicité, son aspect conventionnel, son classicisme. C'est pour moi le Final Fantasy bateau, celui qui s'acquitte de sa tâche sans prendre de risques, sans aucune innovation ou aspérité. Maintenant que vous savez d'ou je viens, retour à 2012.

Un parfum d'innocence

La première chose qui frappe, c'est l'esthétique du jeu. La direction artistique tout comme les premiers éléments de l'histoire établissent sur un ton léger un univers attachant, peuplé de personnages de dessins animés : le petit magicien Vivi, perdu dans la grande ville, trébuche, se fait voler ses billets avant de se retrouver à suivre un gamin turbulent. Le chevalier Steiner s'évertue à protéger la princesse Grenat, s'excitant inutilement entre grands moulinets et cris scandalisés. Le voleur Zidane, avec sa queue de singe et son jabot, roule des mécaniques pour charmer et kidnapper cette même princesse. Le titre joue la carte du conte aux accents espiègles et naïfs, et ce cocktail marche à la perfection.

On est pris dans un tourbillon de péripéties dans un monde à la fois identifiable et évocateur, présenté dynamiquement avec un événement particulier qui vient animer chaque lieu. On a le chateau-capitale qui accueille une pièce de théatre, la forêt maudite dont on s'échappe de justesse avant d'être pétrifié, l'ancien bourg paysan reconverti en usine secrète de mages noirs, la cité aéroportuaire Lindblum et sa fête de la chasse, etc. Les lieux, qui transmettent déjà leur histoire par leur architecture et les personnes qui le peuplent, en sont d'autant plus étoffés et crédibles. Cet aspect dynamique est amplifié par les fréquents Active Time Events, des cinématiques laissées à la discrétion du joueur, qui viennent illustrer ce qui arrive aux différents membres de notre équipe lorsqu'ils sont séparés. Ces petites vignettes sont souvent l'occasion de se pencher sur les personnages sur un registre comique, et elles nous offrent un regard frais sur la trame et l'univers du jeu. Le procédé permet de s'attacher rapidement au monde présenté.

Toute la première partie du jeu est d'ailleurs ponctuée par cette narration, et l'on passe plus de temps à explorer les niveaux pour faire avancer le scénario qu'à réellement agir, combattre, ou faire preuve d'initiative. Heureusement, le rythme de l'histoire est suffisamment enlevé pour nous emporter sans problème dans cette charmante intrigue et faire accepter le dirigisme de ce début de partie. 

Cependant, pour autant que j'aie pris plaisir à participer à cette aventure, plusieurs éléments sont venus rapidement limiter mon enthousiasme. Les ennemis désignés manquent clairement d'envergure et de charisme. Difficile de croire un seul instant à la relation entre Grenat et sa mère quand cette dernière ressemble à un croisement entre un viking et Shrek. Les motivations mises en avant par le scénario peinent à justifier les raisons de son comportement, et celles de Kuja, l'ennemi qui tire les ficelles en coulisses, restent extrêmement vagues pendant toute l'aventure. L'autre problème qui arrive assez rapidement est que sorti du continent principal, l'univers est bien moins attachant. Tous les autres continents ont en effet été "perdus" ou "oubliés", et sont généralement désolés, ce qui tranche avec le monde civilisé plein de vie de Lindblum, Alexandrie ou Treno. Il y a bien le village des mages noirs, celui des invokeurs, ou celui des nabots, mais pour mignons qu'ils soient, ils souffrent de la comparaison. L'accent mis sur les combats dans cette partie du jeu tend à isoler ces lieux de l'univers, à les en déconnecter. Oeilvert et le chateau d'Ypsen notamment sont deux donjons particulièrement pénibles et qui manquent singulièrement d'intérêt.

Un système de combat sans réel intérêt

Les combats portent en effet une grande responsabilité dans l'ennui qui peut s'installer une fois le premier CD fini, ils méritent donc qu'on les détaille quelque peu. 4 personnages peuvent y prendre part, sur les 8 qu'on réunira au final. Couplé aux séparations régulièrement imposées par le scénario, il n'est pas trop difficile de garder son équipe au niveau. Le système de progression des compétences a aussi le mérite d'être parfaitement intelligible. En équipant certaines armes, vêtements ou acessoires, certaines capacités deviennent disponibles. Au bout d'un certain nombre de combats, les capacités de l'équipement deviennent définitivement disponibles, et vous pouvez équipez une nouvelle armure pour profiter d'une nouvelle compétence. Sans doute pour ne pas dérouter les novices, l'équipement est disponible à intervalles réguliers au fil des magasins accessibles dans la trame principale, il n'y a donc pas de choix cornélien à faire sur le développement des personnages (au pire on tourne en rond deux trois fois histoire de monter la compétence en question). Ceux-ci ont de toute façon une classe prédéterminée : voleur, mage noir, mage blanc, rat-dragon, etc., ce qui guide nécessairement son développement et son utilité aux combats.

Les combats sont désespéremment lents, notamment à cause du temps de chargement inhérent à chaque combat et à sa petite cinématique de présentation. Comme l'on dispose de 4 personnages, les ennemis ont des barres de vie bien longues pour compenser. Certaines capacités bien cheatées nuisent également au rythme des combats : Autopotion, notamment, s'avère indispensable vu le coût des soins en temps et en ressources, mais plombe les combats avec ses animations longuettes (pendant lesquelles le temps continue de s'écouler, rendant les buffs de vitesse inutiles !). Une grande partie des compétences à acquérir concerne de plus des sorts d'immunité (contre poison, pétrification, mutisme, etc). Le problème est qu'on n'a aucun moyen de savoir à l'avance lesquels seront appropriés, et il est trop coûteux de tous les équiper. Pareil pour toutes les compétences qui octroient des bonus contre un type d'ennemis particulier. Résultat, on se contente de la compétence pour leveler plus vite, d'autopotion, puis le combo abusé autoregen et autohaste. On se dispense ainsi des mages blancs dans son équipe, dont les invocations couteuses ne font pas suffisamment de dommages pour contrebalancer leur évidente inutilité dans les autres domaines. Toutes les autres classes sont plus ou moins pertinentes, même si je regrette qu'il soit si facile de passer à côté de certaines pièces d'équipement pourtant primordiales (comme le bâton de mage permettant d'apprendre les versions les plus évoluées des sorts élémentaires).

Un cast inégal

L'autre défaut que je lui ai trouvé sera sans doute plus sujet à controverse. Il concerne les personnages et le scénario global du jeu. Si je me souviens avoir été séduit à l'époque par Vivi et ses questions existentielles, ses interrogations et les discussions qu'elles génèrent m'ont paru particulièrement crétines aujourd'hui. Les platitudes pseudo-philosophiques telles que "Vivre, c'est prouver qu'on vit ?" sont malheureusement légion, tout comme les nombreux discours d'encouragement censés inspirer l'équipe à se dépasser. Certains personnages souffrent également d'un manque de développement notable, comme Tarask, qui n'apporte strictement rien au scénario. Freya a un arc intéressant, avec son amour perdu Sire Fratley, mais dès la révélation faite au CD2, elle disparait complètement de la trame malgré sa présence dans l'équipe. Steiner ne dépasse lui jamais le stade du comic relief. Je ne préfère même pas aborder le cas de Quina. Les autres alternent avec plus ou moins de succès entre des stéréotypes et des moments plus personnels.

C'est sans doute un des soucis de Final Fantasy IX : en voulant retourner aux sources de la série, en souhaitant proposer une expérience plus classique après les expérimentations de Final Fantasy VIII, en adoptant une esthétique du conte pour séduire le plus grand monde, il prend le risque de tomber dans les conventions sans imposer une personnalité forte, ou pire de s'autoparodier. La naîveté pouvant facilement tomber dans la niaisierie, l'émouvant dans la mièvrerie. Les musiques notamment ne sont jamais très loin de la caricature quand le dénouement de l'intrigue, avec Kuja, Garland, et la mort en personne y sombre sans espoir de rédemption.

J'ai tout de même bien apprécié le début de l'aventure, où la direction artistique, les personnages et le scénario forment un tout cohérent et charmant, nous ramenant à de grandes aventures de dessins animés. Le titre dégage alors une certaine magie qui justifie la nostalgie des joueurs. Dommage que le jeu s'essouffle sur le long terme, avec ces combats médiocres, et ces personnages qui tournent en rond ou qu'on perd de vue. On pourra aussi jeter un oeil aux derniers dialogues pour saisir l'ampleur du gâchis, avec une histoire légère qui se prend beaucoup trop au sérieux. Difficile donc de le recommander sans réserve, d'autant plus qu'il nécessite un investissement de temps conséquent. Mais il a au moins le mérite de se laisser essayer facilement (tout à fait à sa place sur PSP) en proposant une aventure au début très réussi. Tous les Final Fantasy ne peuvent pas en dire autant.