Je continue ma liste de coups de pubs sur les bons coins du net, en vous parlant aujourd'hui d'un auteur que j'affectionne particulièrement, une sorte de modèle. Il s'agit de Michael "Sparky" Clarkson, dont j'ai déjà eu l'occasion de parler quand j'ai traduit un de ses articles parlant du scénario de Red Dead Redemption.

Non content de formuler magnifiquement des théories malines bien que saugrenues, il est aussi critique de jeux vidéo (et je n'utilise pas ces termes à la légère ici) pour le site GameCritics.com, ainsi qu'une part non négligeable du site Critical Distance dont je vous ai déjà parlé, étant notamment à l'origine des premières Critical Thinking Compilation. Vous pourrez donc retrouver sur son blog personnel la majorité de ses contributions à la sphère de la critique vidéoludique (à côté de ses articles de recherche sur la biochime, les protéines, et tout ce qui concerne son "vrai travail").

Et pour vous montrer la raison pour laquelle j'ai un véritable respect pour le monsieur, plutôt que de vous pointer à nouveau vers les Critical Thinking Compilation, jetons un oeil à des extraits de quelques uns de ses articles.

Une brève comparaison entre Assassin's Creed et sa suite, et principalement la perte de l'ambiguité morale qui entouraient les actions d'Altair. En voici un extrait traduit par mes soins.

Assassin's Creed 2 ne s'embarasse pas de tout cela. Ezio est présenté comme une sorte de goujat impétueux, mais il n'est jamais le connard de première que pouvait être Altair au début de AC1. La quête de revanche d'Ezio n'est jamais investie d'une quelconque dimension moralement complexe : les méchants sont très rapidement dépeints comme purement mauvais lorsqu'ils exécutent son frère maladif agé de seulement 13 ans, et rien ne vient atténuer par la suite cette première impression. Le premier jeu semblait poser la question de quelles fins pouvaient justifier certains moyens, mais la suite semble rejeter cette question avec désinvolture. Assassin's Creed soutient que les Assassins sont moralement supérieurs en dépit des meutres qu'ils commettent; la suite suggère qu'ils sont moralement supérieurs en vertu de ces meurtres.

Une critique pas forcément renversante, qui semble assez évidente pour qui a joué aux deux jeux, mais que je n'ai quasiment jamais lu ailleurs. Une réelle critique du fond. Et c'est ce que j'apprécie chez cet auteur, cette capacité à remarquer l'évidence à côté de laquelle passent tant d'autres. Il a un profond respect et amour pour le jeu vidéo, son potentiel narratif, et le traite à cet égard, discutant des mécaniques de jeu, de leur influence sur l'expérience du joueur, leur interaction avec les thèmes soulevés, leur pertinence, etc.

Il n'y a qu'à voir sa critique de BioShock 2. Vous n'y trouverez pas l'inventaire des petites nouveautés de gameplay ou des changements techniques. La majorité de la critique s'attarde sur les nouveaux thèmes du jeu, leur cohérence et leur pertinence vis à vis du premier épisode, l'impact de jouer un Big Daddy, le fait de savoir si le jeu fonctionne mieux au niveau émotionnel ou philosophique.

Contrairement à l'avatar vierge de BioShock, Delta a un passé et un caractère connu et c'est pourquoi, étant donné le conditionnement qu'il a enduré, je n'ai jamais eu l'impression qu'il aurait véritablement envisagé de brutalement récolter l'Adam des Petites Soeurs. BioShock 2 aurait dû réorienter sa boussole morale vers les Big Daddies que le joueur doit massacrer pour atteindre les Petites Soeurs. Aussi imposants et forts qu'ils puissent être, les Protecteurs sont également impuissants et innocents [de par leur conditionnement], et bien que le joueur soit particulièrement à même de s'en rendre compte puisqu'il en incarne un, le jeu met sans cérémonie leurs morts de côté. Il nous dit que seules comptent les jolies petites filles manipulées, et pas les énormes et informes hommes manipulés

Et un extrait d'un article de son blog sur le jeu

Les personnages les plus marquants du premier BioShock connaissaient des succès incroyables, même s'ils avaient presque tous complètement perdus la raison, et le jeu se déroulait dans leurs bastions respectifs. Pour ces personnages, le succès était devenu une sorte de maladie contre laquelle, libérés de leurs attaches morales, ils ne pouvaient pas lutter. Certains des personnages et lieux de BioShock 2 abordent justement les conséquences de cette démence, ce qui arrive quand  la folle prétention du succès s'évanouit. Pour les autres, le rêve ne s'est jamais réalisé, et leurs espoirs se sont écrasés au fond de Pauper's Drop. 
Bioshock parlait de ce qu'il arrive quand les choses se déroulent trop bien. BioShock 2 parle de ce qu'il se passe quand elles vont mal.

Un autre article concernant le chapitre mexicain de Red Dead Redemption

C'est pourquoi l'épisode Mexicain me laisse en bouche un goût amer. Les deux principaux personnages blancs de ce segment de l'hsitoire sont les héros. Ricketts défend de manière désintéressée les habitants de son village, et Marston finit par faire tomber le méchant allende. Les Mexicains qui font avancer chacun des côtés du conflit sont des personnes repoussants qu'on ne peut admirer. Marston, hors la loi et meurtrier, est toujours en position de se sentir supérieur à ces hommes, au point qu'il donne à plusieurs reprise des leçons à Reyes à propos des femmes ou de sa responsabilité. Et pourquoi pas ? Allende et Reyes sont sans doute les deux personnages les plus méprisables du jeu. Bien que Luisa soit capable et futée, on nous la présente comme la pathétique bonne poire de Reyes. Ce ne sont pas les Mexicains qui sauvent le Mexique des griffes du terrible Allende, ce sont les gringos. (..) Ce qui m'énerve c'est que les Mexicains sont tous entachés de sévères défauts, tandis qu'on permet au blanc d'avoir l'air héroïque à peu de frais. L'épisode mexicain de Red Dead Redemption ressemble à un exposé sur la supériorité américaine

J'espère vous avoir donné un nouveau point de départ pour des lectures enrichissantes sur Internet, ou au moins avoir soulevé par ces extraits des points intéressants.