Attaquons un billet un peu spécial aujourd'hui, qui va s'attarder sur un seul et unique jeu, mais quel jeu! Le bien nommé Xenogears reste une étoile filante du jeu vidéo, qui a connu un développement chaotique, et une sortie précipitée. Mais aussi imparfait soit-il, il conserve malgré tout une côte d'amour importante auprès de la communauté de joueurs, et particulièrement auprès des adeptes du J-RPG, leur rémomorant bien souvent une aventure grandiose aux ramifications passionantes, et aux rebondissements haletants. Pourquoi un tel contraste ? Par ce qu'avant toutes choses, Xenogears est une histoire qui puise sa source auprès de nombreuses références, que celles-ci proviennent du cinéma, de la littérature, voire de l'étude de la psychologie, ou de concepts réligieux. Les scénaristes et auteurs du script de Xenogears, Tetsuya Takahashi et Soraya Saga, sont allés chasser sur des territoires encore largement inexplorés dans le monde du jeu vidéo. Ils ont eu la chance qui plus est, d'être assistés par Masato Kato, qui à mis le résultat de leur recherches et de leur écriture en musique, avec le talent qui le caractérise. Il en résulte un cocktail détonnant au résultat agréablement suprenant et novateur.

Vu la nature du scénario de Xenogears, qui s'axe principalement autour d'une véritable odysée spaciale, il est évident que quelques unes de ces références lorgnent vers la science-fiction. Mais pas seulement, notamment dès lors que l'on aborde la partie plus intime de l'aventure qui voit la mise en scène se focaliser sur les émotions, les motivations et le vécu des principaux protagonistes. Personne n'agit sans raison profonde dans le monde de Xenogears, ce qui rends ce titre complexe dans sa compréhension parfois, mais également terriblement attachant et captivant. Petite précision, avant d'aller plus loin dans la lecture de ce billet, il est littéralement bondé de spoilers, et il serait fort dommage de vous gâcher l'expérience de jeu. A tous ceux qui n'ont pas encore mis leur mains sur ce RPG de légende, je ne peux que chaudement vous recommander de vivre l'expérience avant de lire ce qui va suivre. Vous voilà prévenu! Désormais, en avant, il est maintenant temps de se plonger dans le Top 5 des références cinématographiques et littéraires qui trouvent leur place, en toute harmonie, au sein du superbe Xenogears.

 

Numéro 5: "Soleil Vert" de Richard Fleischer

Notez que j'indique le titre de la référence en français pour une meilleure compréhension, et surtout faciliter les recherches de ceux qui s'intéressent au film ou livre en question, mais ce premier exemple est bien plus explicite en anglais, puisque cette nouvelle de 1966 d'Harry Harisson adaptée au cinéma en 1972, avec Charlton Heston en tête d'affiche, porte alors le doux nom de Soylent Green. Et les plus attentifs d'entre vous se rappelleront que le Soylent System est le nom d'une usine d'assemblade de nourriture de l'Empire flottant de Solaris, un système de production pour le moins peu banal... Ce rapprochement peut sembler dans un premier temps comme totalement fortuit, mais rien n'est vraiment laissé au hasard dans Xenogears, et le Soylent System comme le nomme Citan dans le jeu, avant que nous héros n'en découvrent la véritable nature, ne laisse aucun doute à ceux qui ont déjà eu la chance de visionner le film Soylent Green. Ils se remémoreront alors le surprenant et déstabilisant final et en particulier cette phrase de Thorn, le personnage interprété par Charlon Heston: " Soylent Green is people". Car oui, dans Xenogears également, Soylent System is people. Et nous sommes bien face de l'un des instants les plus malaisants du jeu, dès lors que l'on comprends que l'empire de Solaris donne bien à manger des restes humains à ses populations! Cette référence pour le moins étonnante, revêt en réalité un tout autre sens, nous sommes dans Xenogears tout de même! Et la ou le film s'arrête sur le thème du canibalisme et de l'urgence alimentaire, celui du jeu nous entraine par ailleurs sur le terrain du Deus ex-machina, qui se nourrit de chair humaine pour survivre et mieux se régénérer....Diabolique! A ce titre, Soylent Green est un magnifique exemple d'une référence étrange, et sublimée dans le contexte du jeu, afin de lui donner un sens dans la grande histoire de Xenogears. Une superbe mise en scène qui mérite une place dans ce classement sans aucun doute!

 

Numéro 4: "Le moi et le ça", de Sigmund Freud

Lions à présent un personnage de Xenogears, voire plusieurs dans le cas présent, à une personnalité historique. Sigmund, un Elru, ou une sorte d'elfe, et père biologique du semi-homme Rico, est un personnage important de Xenogears, dont le portrait n'a, j'en suis certain pas été dépeint avec assez de détails dans le jeu, faute de temps ou de budget. Mais trouver un personnage avec un tel nom, au-delà de son rôle dans le jeu, n'est pas, une fois de plus un hasard. Et la référence évidente au célèbre inventeur de la psychanalise moderne, Sigmung Freud est ici sans équivoque. Mais en dehors de ce nom d'emprunt pour l'Empereur de Kislev, c'est surtout une théorie célèbre de l'Autrichien qui est reprise avec brio dans Xenogears, et qui concerne cette fois, le, ou plutôt devrais-je dire, les personnages principaux, ou tout du moins les quelques facettes présentées par le personnage principal, Fei Fong Wong. Car il va sans dire que les concepts d'ego, super ego, et...Id, mis en lumière par Sigmund Freud s'appliquent parfaitement à notre héros, à tel point que l'émanation physique de son Id dans le jeu, prends le doux nom...d'Id, tout simplement. Qu'est ce que l'Id chez Freud ? Pour résumer en un mot: L'instinct. Celui qui sommeille en chacun de nous, et que nous développons très tôt, aux prémices de l'enfance. Cet instinct sur lequel ne s'applique aucun raisonnement, constitué de matière brute. Et le moins que l'on puisse dire c'et qu'Id, les quelques fois ou nous croisons sa route, fait preuve d'un caractère pour le moins sans concessions, et fait jouer sa force brute sans aucune arrière pensée. Tel un très petit enfant, qui n'a aucune conscience de ce qu'il est en train de réaliser en quelques sortes. A contrario, le super-ego est la facette la plus réfléchie de notre personalité. Le Fei rationnel que l'on côtoie tout au long de l'aventure, en quelque sorte. Et l'ego me direz-vous ? Il faudra aller le chercher du côté du Fei un peu lâche, le coward, qui s'accroche au positif quitte à occulter les évènements les plus critiques de sa vie, tel que le...meurtre de l'un de ses parents de ses propre mains. Maintenant que nous sommes à jour sur ces concepts, et leur interprétation dans le jeu, et pour conclure, une petite question: Vous avez bien une Id de qui a exterminé la race des Elru dans le monde de Xenogears, et donc le peuple de Sigmund ? Tuer sa mère biologique dans le jeu, ainsi que le peuple de son père spirituel, un sacré exploit à mettre au crédit de notre héros, mais une histoire tellement naturelle au regard de la théorie du Moi et du ça de Sigmund Freud...

 

Numéro 3: "Les Enfants d'Icare" d'Arthur C. Clarke

Parlons à présent du principal antagoniste de nos héros, devenu le véritable Superviseur de la Terre, ou dans le cas de Xenogears, de la Nouvelle Jérusalem. Le bien nommé Krelian, ou Karellen en version japonaise, qui tire lui sa source d'un personnage du même nom dans le roman d'Arthur C. Clarke, Les Enfants d'Icare. Un auteur qui ne vous est sans doutes pas inconnu, et peut-être au final, l'artiste qui aura la plus grande influence sur Xenogears. Le rôle de Karellen dans Xenogears est assez proche de celui que lui attribue Clark dans son roman, et le titre de Superviseur n'est pas usurpé. Certes, comme Xenogears le fait souvent avec talent, il ajoute à cette histoire, une couche supplémentaire, plus personnelle au personnage de Krelian, par le biais d'une histoire d'amour impossible et de jalousie étouffée avec Sophia, la Mère de Nissan, qui le fera douter de l'existence d'un être supérieur, et lui faire emprunter un chemin de traverse terrible. Cependant, beaucoup de thèmes se recoupent ici, entre le roman et le jeu, et notamment à travers la volonté d'avancée technologique qu'imprime au monde le personnage, avec dans le roman par exemple, une idée bien précise derrière la tête: Permettre à l'humanité de fusionner avec une entité supérieure d'énergie pure.Oui, vous avez bien lu, Karellen souhaite faire entrer en contact l'humanité avec la...Wave existence, à défaut de pouvoir, comme dans Xenogears, le faire lui-même. Les dignes représentants de l'humanité que sont la Mère, ou l'anti-type Elly, et le Contact Fei, ne feront pas autre chose ! Les références inscrites au sein de ce roman ne s'arrêtent pas au personnage de Krelian qui plus est, puisque les thèmes du voyage spacial, et d'exil de l'humanité hors de son habitat d'origine sont également au programme. Tout comme la création d'un homme artificiel, autre thème central du livre, et qui prends la forme de Ramsus Kahran dans le jeu. Une lecture de fait très intéressante pour qui souhaite prolonger l'expérience vécue au sein de Xenogears, et du coup, un incontournable absolu de cette liste.

 

 

Numéro 2:  "Le Stade du miroir comme formateur de la fonction du Je" de Jacques Lacan

Le nom de Lacan, personnage pivot de l'histoire de Xenogears, doit immanquablement vous dire quelque chose, voire même vous être cher si vous avez eu un temps soit peu le loisir d'explorer les évènements qui précèdent de 500 ans l'histoire principale du jeu ! Le destin tragique de Lacan, que l'on découvre en filigramme, est particulièrement poignant. Pourtant derrière ce nom se cache une référence assez évidente, qui renvoie à d'autres éléments du jeu de manière un peu plus subtile. Jacques Lacan, psychanaliste français de renom, sert évidemment d'inspiration au personnage de Lacan, et une partie de son oeuvre nous explique en réalité, une partie des évènements qui se déroulent dans le jeu, et mets en lumière quelques facettes de la personnalité de Fei, et de Lacan, et donc de Grahf dans le jeu. Mais au lieu d'aborder en détail les théories de Jacques Lacan ici, format de ce billet oblige, attardons nous quelques instants sur un élément du jeu qui peut paraitre anodin, mais qui, comme d'habitude au sein de Xenogears est en réalité loin de l'être. Je veux parler des combats, et plus pariculièrement des transitions entre la navigation de votre équipe sur la carte vers un combat. Aviez-vous remarqué l'effet de style proposé par les développeurs ici, qui consiste à vous faire entrer dans un combat dès lors que l'image à l'écran se brise tel un miroir, en mille morceaux ? Nous devons évidemment cet effet de style intéressant à Jacques Lacan et, plus particulièrement à sa théorie du Stade du miroir, qu'il a développé tout au long de sa vie, et qui constitue une facette prépondérante du personnage de Fei, qui, vu ses traumatismes passés, développe dans sa tendre enfance, des troubles de la personnalité qu'analyse fort à propos le psychanaliste sur des enfants aux passé trouble. Oui, Fei, proche du suicide dans les premiers moments du jeu, devra se battre dans la vie, et recoller les morceaux d'un miroir depuis longtemps fêlé et durablement brisé lors des évènements tragiques qu'il vivra dans les premiers instants de l'aventure.  Et cette bataille pour accepter sa condition, et trouver une raison à son existence, (pour ceux qui suivent, Elly) sont autant de possibilités pour lui de reconstituer ce miroir, et au passage, celui de l'humanité, afin de pouvoir, enfin, se regarder dans la glace à nouveau. Par ce que vous coryez que Joanne Hogg chantait "Small of Two pieces - Restored Pieces" en conclusion de Xenogears pour la beauté du geste peut-être ? Broken mirror...But just you and I, Can find the answer And then, we can run to the end of the world.

 

Numéro 1: "2001 Odyssée de l'Espace" d'Arthur C. Clarke et Stanley Kubrick

Tetsuya Takahashi indique clairement que 2001: l'Odyssée de l'Espace, le roman d'Arthur C. Clarke est une source d'influence majeure pour son oeuvre. Et la première scène du très fameux film du même nom, plante indéniablement le décor. Cette scène mythique du cinéma de Stanley Kubrick, à savoir la découverte du monolithe noir par un petit groupe de chimpanzés, est un lien direct avec le Zohar de Xenogears dont la ressemblance est frappante, et qui permet à l'humanité, dans le film comme dans le jeu, de sortir de sa pré-histoire. Xenogears allant même jusqu'à entamer une nouvelle ère, et installer un nouveau calendrier faisant suite à la découverte de ce monolithe. Les rapprochements entre le monolithe et le Zohar ne s'arrêtent évidemment pas à cette première rencontre entre l'homme primitif et cet étrange objet, puisque la redécouverte du monolithe par des hommes alors en pleine conquête spaciale, annonce une nouvelle ère d'expension technologique. Takahashi qui décidemment aime beaucoup 2001: L'odyssée de l'Espace proposera d'ailleurs dans l'introduction de Xenosaga: Episode 1, une redite quasi identique à la découverte de ce monolithe par l'homme moderne. Plus loin dans l'avenir, 2001: L'Odyssée de l'Espace nous acceuille à bord d'un vaisseau spacial naviguant aux confins de l'univers connu, contrôlé par une intelligence artificielle: HAL 9000. Ce nom sera peut-être familier à certains d'entre vous, puisque le super ordinateur de Xenogears, qui conserve en son sein la mémoire des hommes en provenance de Lost Jerusalem, et ou se centralise dans le jeu, le pouvoir de l'Empire de Solaris, le Ministère de Gazel, réponds au doux nom de SOL 9000, et constitue un élément central du scénario. Takahashi ira même, preuve supplémentaire de son attachement, dans Xenosaga: Episode 3, jusqu'à sous titrer le jeu d'un fort à propos: Also Sprach Zarathustra, en référence évidemment à la musique de Richard Strauss que nous entendons lors des premières minutes du film de Stanley Kubrick. Décidemment, 2001: L'odyssée de l'Espace est intimement lié à l'histoire de Xenogears...et de ses auteurs, qui ont étés jusqu'à nommer leur studio de développement Monolith Soft. Si ça, ce n'est pas une preuve d'amour, alors je ne sais plus quoi vous dire... Première place indéniable aujourd'hui, pour ce chef d'oeuvre de la littérature et du cinéma !

 

Ceux d'entre vous qui connaissent bien le jeu se demanderont bien ou sont passées quelques autres références pourtant incontournables. Et ils auront raison! Ce classement est loin d'être exhaustif, notamment dès que l'on aborde les concepts philosophiques qui entournent le jeu, le format du billet ne permettant pas, loin s'en faut, d'être exhaustif sur le sujet, tellement les thèmes abordés sont variés et nombreux. Au titre des références qui s'incrivent toutefois en pointillé, au cours de l'aventure, et donc moins évidente à saisir immédiatement, on pense notamment  au concept de l'Anima et Animus de Carl Jung, dans le cadre de sa théorie de l'inconscient collectif. Certaines saga du 7ème art, ou de la littérature, telles que Star Wars de Georges Lucas ou Fondation d'Isaac Asimov sont par ailleurs une source d'inspiration prégnante pour Xenogears, même si elles me paraissent moins évidentes que celles citées au sein de ce classement. En filigramme également, le gnosticisme imprègne largement le scénario du jeu, et il est indéniablement à l'origine de personnages tel que Caïn et Sophia, mais ce sujet est bien trop vaste pour être abordé aujourd'hui... 

D'autres thèmes sont abordés dans Xenogears, tels que celui du racisme, sans qu'aucune référence précise qui me vienne à l'esprit y soit associée. Enfin des noms tels que ceux de Solaris sont une référence immédiate au film du même nom, qui bien qu'ayant un thème relativement éloigné du propos de Xenogears garde en commun la notion de voyage spacial et de trouble phychologiques des personnages principaux. Notons aussi les influences de Gundam et Macross, dès lors que l'on s'attradera un peu sur le cas des méchas. Enfin, pour conclure, et c'est une habitude chez Squaresoft à l'époque, et Xenogears ne fait pas exception à la règle; les quelques noms des différents personnages qui ne sont pas encore référencés ci-dessus, ou les différents lieux et objets que l'on croise dans le jeu, sont autant de repères à une culture spécifique ou une mythologie, avec notamment une pléthore de noms qui se rapportent ici au calendrier hébreu, ou encore en particulier à l'histoire et la mythologie Germanique et Nordique. On gardera les nombreuses références picturales (oui rappelez vous, Lacan est un peintre qui doit sans doutes admirer Leonard de Vinci), ou les origines de ChuChu pour un autre jour !

Nous voici venu au bout de ce billet un peu particulier, qui ne manquera pas, je l'espère, de vous replonger avec délice au coeur de Xenogears et de son scénario prodigieux. Plus que jamais, n'hésitez pas à commenter le contenu de ce billet, il y a beaucoup de thèmes passés sous silence et donc énorment à dire!

Et à très vite pour un prochain Top 5 purement 16 bit, ma tactique favorite pour capter votre intérêt.